Partenariat Google Thales : Bercy satisfait, les partisans de la souveraineté IT vent debout
Le Cigref et l’ANSSI ont accueilli favorablement le « cloud de confiance » de Thales qui s’appuie sur GCP. Les acteurs IT locaux, eux, dénoncent un dévoiement du concept d’indépendance technologique. Bercy tente de ménager les deux camps.
Un accord et des désaccords. Il y aura en 2022 un cloud souverain « made in » Google, avec Thales en maître d’œuvre. Ce cloud ne sera pas soumis au droit américain. Il devrait, par conséquent, être conforme à la nouvelle doctrine « Cloud au centre » de l’État dont un des plus grands promoteurs est Bercy et le ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, Bruno Le Maire.
Bien que la réalisation concrète de ce nouveau « cloud de confiance » ne soit pas prévue avant l’automne de l’année prochaine – les réactions ne se sont pas fait attendre. Certaines sont positives, voire enthousiastes. D’autres, au contraire, sont très critiques, voire glaciales.
Cette différence d’accueil traduit bien, en creux, le débat entre les promoteurs d’une souveraineté de la donnée d’un côté, et les partisans d’une indépendance technologique de l’autre. Ces deux conceptions de la souveraineté se recoupent, mais elles ne se confondent pas.
Accueil favorable de l’ANSSI et du Cigref
Dès la présentation du projet entre Google Thales, l’ANSSI a réagi positivement à cette alliance.
Cigref
Le but du gouvernement, selon l’agence qui dépend du Premier ministre, est de « disposer de l’éventail le plus vaste possible de solutions conformes au référentiel SecNumCloud », a réagi l’emblématique président de l’ANSSI Guillaume Poupard, « l’ANSSI accueille par conséquent avec enthousiasme ce projet ambitieux respectueux de ces critères ».
De son côté, le Cigref juge lui aussi « favorablement » l’annonce de la création de la co-entreprise qu’il qualifie de « réponse pertinente au besoin de confiance » des entreprises françaises. L’association des DSI des grands groupes français rappelle au passage que ce partenariat est la continuité logique de la collaboration de Thales et Google, initiée en décembre 2020, « pour accélérer la capacité à migrer en toute sécurité des données sensibles entre des infrastructures IT à base de clouds publics, hybrides et privés ».
Accueil glacial des promoteurs d’une « souveraineté technologique »
À l’inverse, les défenseurs de la logique de « souveraineté technologique » voient d’un très mauvais œil cette initiative. « Le cloud souverain européen est en cours de construction. Cette solution, dépendante d’une entreprise américaine, inquiète les acteurs du secteur », affirme Oodrive qui milite pour une solution comme Gaia-X. « L’association de Google et Thales remet en question cette construction européenne », tranche le Box français.
David Chassan3DS OUTSCALE
« La souveraineté n’est pas une opportunité commerciale à saisir en fonction de la météo. On ne peut pas jouer d’effet d’annonce pour faire patienter les acteurs publics », renchérit David Chassan, directeur de la stratégie de 3DS OUTSCALE. « Le Cloud de Confiance existe déjà avec les acteurs technologiques qualifiés SecNumCloud par l’ANSSI comme 3DS OUTSCALE, Oodrive ou OVH. Les institutions publiques et les entreprises qui ont des activités stratégiques peuvent […] faire des choix éclairés vers des acteurs français et européens dont la technologie est reconnue, qualifiée et certifiée ».
Bercy satisfait
Le ministère de l’Économie et des Finances, particulièrement moteur dans le cloud de confiance, se montre lui très satisfait de cet accord.
« La stratégie [cloud] portée par le Gouvernement est double : soutenir l’offre française et européenne pour que des champions émergent, et encourager les coopérations industrielles […]. C’est dans ce cadre que Thales et Google ont annoncé la mise en place d’un partenariat », rappelle le ministère dans un communiqué officiel.
Bruno Le MaireMinistre de l’Economie, des Finances et de la Relance
« La solution exploitée par Thales permettra aux entreprises et administrations françaises d’accéder à des technologies cloud hyperscale à l’état de l’art, dans un environnement de confiance », se félicite l’institution. « À terme, l’offre proposée pourra également être intégrée à l’initiative Gaïa-X et respectera les principes d’interopérabilité, de portabilité et de réversibilité ».
Pour le ministre Bruno Le Maire, très critique sur le droit américain, ce partenariat confirme le bien-fondé de sa politique volontariste. « [Il] montre que la France, comme d’autres pays européens, est en mesure d’imposer des conditions strictes aux géants du numérique. »
Bien conscient des critiques des défenseurs de la souveraineté technologique qui voit le « loup GAFAM » entrer dans la « bergerie souveraine », Bercy rappelle que « le Gouvernement est par ailleurs engagé, dans le cadre du PIA 4 (Plan d’investissement 4) et de France Relance, dans le développement de l’offre française et européenne, en soutien aux acteurs nationaux tels que OVHCloud, Scaleway, Atos, Amadeus, etc. »
Google est le deuxième acteur américain à se positionner officiellement pour le label cloud de confiance. Le 28 mai 2021, Microsoft avait choisi de passer par une filiale créée ad hoc par Capgemini et Orange, baptisée « Bleu », pour proposer un Azure souverain.