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IIoT : InUse met la maintenance prédictive à la sauce low-code

Fondée par deux anciens de Dassault Systèmes, InUse est une startup basée à Boulogne-Billancourt qui conçoit une plateforme IoT en mode SaaS proposée aux fabricants de machines industrielles. Elle mise sur le low-code et le machine learning pour simplifier le développement d’applications de maintenance préventive et prédictive.

Laurent Couillard connaît bien le milieu industriel. Après vingt ans de carrière chez Dassault Systèmes, l’ancien PDG d’Exalead, la solution de moteur de recherche infusée dans la plupart des produits du spécialiste du PLM et de la CAO, a cofondé OptimData en mars 2015, devenu InUse (l’anagramme d’usine) en juillet 2018. Étienne Droit, le président et cofondateur d’InUse était auparavant PDG de la branche CATIA, un des outils CAO de Dassault Systèmes.

« Au cours de ma carrière, j’ai baigné dans le développement de jumeaux numériques. Avec InUse, l’idée était d’étendre ce jumeau numérique aux équipements installés sur le terrain », déclare Laurent Couillard, directeur général d’InUse.

Les cofondateurs sont partis du constat que l’exploitation des données d’une machine demeure complexe. « Tout d’abord, il faut assembler des composants technologies extrêmement variés, depuis la collecte des données, en passant par la sécurité, le stockage massif, les algorithmes pour les interpréter et les moyens de les restituer aux techniciens dans les usines », évoque le CEO.

« Le marché propose davantage de boîtes à outils que de systèmes intégrés. Nous avons souhaité dès le départ fournir des solutions prépackagées et verticalisées, destinées uniquement à l'écosystème manufacturier », considère-t-il.

L’ère de « l’equipment as a service »

Aussi, la startup entendait répondre aux déficits de compétences analytiques du milieu industriel. « Il faut rendre le système accessible à des personnes capables de configurer les machines », affirme-t-il.

Puis, InUse se devait de trouver un modèle économique pertinent pour ce monde industriel. « Ce n’est pas si évident que ça, car quand vous utilisez des moyens de collectes, vous consommez de la bande passante, quand vous recourez au cloud, vous payez de la RAM, du CPU, du stockage, des transferts de données, etc. Nous avons essayé d’apporter un système simple à la mode d’un CRM », déclare le directeur général.

InUse MRM est une plateforme IIoT en mode SaaS proposée en marque blanche à des fabricants de machines comprenant des fonctionnalités low-code et dont la facturation dépend du nombre d’appareils connectés. Les industriels peuvent employer son équivalent, DCI Hub.

« Notre cible principale, ce sont les fabricants de machines. Ils veulent étendre leurs offres “d’equipment as a service”, afin de louer leurs produits et d’apporter une couche de services. Par exemple, un de nos clients concepteurs de ventilateurs industriels a pour intention de vendre non plus un système de soufflerie, mais le volume d’air transporté exprimé en mètre cube », note le dirigeant d’InUse.

Selon lui, le fabricant de robots autoguidés français MG-TECH aurait déjà passé ce cap avec InUse et propose ses engins à la demande.

Une plateforme mêlant low-code et machine learning

La plateforme est constituée de deux environnements : le Studio et la Web App. Studio doit assurer la connexion des équipements industriels répondant aux standards eWon (définis par le fabricant suédois HMS pour ses gateways), MQTT, OBDC et OPC. Une interface permet d’administrer les appareils, les rôles des utilisateurs et la sécurité.

Les données peuvent être extraites des machines, des historiens comme ceux d’OSIsoft, des MES, des ERP ou des fichiers créés par des spécialistes de la maintenance. Ces informations sont envoyées vers une base de données PostgreSQL couplée à l’extension TimeScaleDB et Elasticsearch, tous deux capables de prendre en charge les séries temporelles.

« Nous avons mis en place un modèle de données propriétaire qui permet d’intégrer des variables de types très différentes et de préparer les données avant d’appliquer des analyses de données statistiques, des traitements algorithmiques et de signaux », indique Laurent Couillard.

Ce modèle de données est interprété dans une interface low-code afin d’affiner cette phase de modélisation, nettoyer les données en provenance des machines, effectuer les traitements statistiques à l’aide d’opérateurs, détecter des patterns, utiliser des régressions linéaires ou encore placer des déclencheurs. En clair, il s’agit de bâtir des modèles de maintenance préventive, prédictive et des optimiseurs de production. Pour cela, InUse s’appuie à la fois sur des bibliothèques propriétaires et open source écrites en Python (d’ailleurs, les usagers les plus avancés peuvent importer leurs notebooks). L’outil en question n’est pas forcément manipulé par des data scientists ou des ingénieurs data, mais par des techniciens de maintenance.

Dans Studio, InUse fournit des outils afin de bâtir la Web App et les visualisations de données visibles par les utilisateurs finaux. Il contient un large panel d’assets. Il est possible de charger ses propres éléments visuels pour afficher différents points d’attention sur une ligne de fabrication, par exemple. Cela permet aux concepteurs de machines de proposer des IHM à leurs images et le plus ergonomique possible pour les utilisateurs finaux.

La plateforme conteneurisée à l’aide de Docker peut être hébergée sur OVH et sur Microsoft Azure en mode cloud public et cloud privé. InUse MRM et DCI Hub sont accessibles sur site. La startup s’occupe des montées de version et du monitoring des plateformes, elle garantit un taux de disponibilité de 99,8 %. « L’offre IoT d’OVH n’est pas aussi complète que celles d’autres fournisseurs de cloud, mais nous avons bâti nous-même les couches supérieures pour répondre à nos besoins », indique le responsable. « Comme notre modèle de données est particulier, nous ne pouvons pas dépendre des montées de version des services managés par les fournisseurs de cloud. Cela nous coûte plus cher, car il faut une équipe pour maintenir notre architecture, mais cela nous permet également de proposer aux clients notre solution sur site ».

« Nous stockons des données en provenance de centrales hydroélectriques, de lignes de tri, de systèmes de production agroalimentaire, etc. OVH a cette capacité à offrir un cloud souverain et de confiance »
Laurent CouillardCofondateur et CEO, InUse

« Nous surveillons de très près la notion de souveraineté », ajoute-t-il. « Nous stockons des données en provenance de centrales hydroélectriques, de lignes de tri, de systèmes de production agroalimentaire, etc. OVH a cette capacité à offrir un cloud souverain et de confiance ».

Par ailleurs, les clients sont attentifs aux questions de cybersécurité. « Nous limitons les risques de prise de contrôle en ne restituant pas les données dans les automates. Nous avons créé l’état de l’art de la gestion des accès et des rôles sur la plateforme. Enfin, nous avons des audits réguliers de la part de nos clients et nous sommes en train de sonder le marché pour nous faire auditer par une entreprise tierce », informe le directeur général.

InUse développe la « CAO de la série temporelle »

InUse revendique une vingtaine de clients. Sa solution serait installée dans plus de 150 usines en Europe, en Amérique du Nord et au Japon.  « Certaines usines ont une machine, un four industriel de boulangerie, par exemple, comme l’on peut avoir des sites avec 50 à 60 machines connectées. Aujourd’hui, nous dénombrons environ 1 500 appareils reliés à notre architecture », détaille Laurent Couillard. Sur son site Web, la startup évoque le cas du fabricant d’équipements de tri optique Pellenc ST. Celui aurait plus de 100 outils raccordés à InUse MRM. Connecter une nouvelle machine ne prendrait pas plus de 15 minutes et la solution anticipe le bourrage de déchets, ce qui éviterait 30 minutes d’arrêts de production à chaque prédiction.

La startup est loin des critères pris en compte par Gartner pour classer les plus grands éditeurs de plateformes IIoT généralistes. InUse n’a pas pour objectif de les déloger. Elle entend proposer une alternative pour des fabricants qui souhaiterait répondre aux besoins de performance, de maintenance et d’optimisation de leurs clients. « Il y a une place sur le marché pour proposer une sorte de CAO de la série temporelle afin d’aider à concevoir un modèle virtuel à partir des machines réelles. C’est l’objectif d’InUse. C’est pour cela que nous misons sur le low-code, sur des modèles algorithmiques préconçus tout en étant agnostique du cloud et du hardware. Le modèle que nous avons vu croître dans le PLM a son pendant dans l’IIoT », affirme Laurent Couillard.

« Il y a une place sur le marché pour proposer une sorte de CAO de la série temporelle afin d’aider à concevoir un modèle virtuel à partir des machines réelles ».
Laurent CouillardCEO, InUse

Certains clients développent eux-mêmes leurs services, mais la jeune pousse s’appuie sur sa plateforme pour proposer des solutions verticalisées. Par exemple, Pure Cleaning a été créée en partenariat avec Elodys International, une société spécialisée dans l’optimisation des systèmes automatiques de nettoyage en place (NEP). Pure Cleaning promet aux responsables de production d’usines agroalimentaires de limiter leur consommation d’eau et de diminuer le temps nécessaire à ces opérations de lavage. La solution est déjà en place dans une usine roumaine d’Hellenic Dairies, un fabricant de produits laitiers et chez un autre acteur de ce marché en France.

À noter qu’InUse vient de lever 2,4 millions d’euros dans une série A menée par le japonais Argo Graphics et le suédois Technia, deux distributeurs des progiciels CAO et PLM de Dassault Systèmes qu’Étienne Droit connaît bien.

La startup est animée par 22 collaborateurs et compte ouvrir des postes à la suite de la levée de fonds et « à la dynamique insufflée par la montée en maturité récente des industriels à l’international », selon Laurent Couillard.

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