La RPA, le « châssis » de l’automatisation (Blue Prism)
Blue Prism a présenté il y a peu la version 7 de sa plateforme RPA. L’occasion d’interroger son PDG sur l’avenir de cette technologie au sein des entreprises, et plus particulièrement du positionnement de l’éditeur en Europe.
En soi, la version 7 de Blue Prism, contrairement à ce qu’annonce son éditeur, ne révolutionne pas sa plateforme RPA. La fonctionnalité clé de cette version repose sur l’ajout d’ASCR (Application Server Controlled Ressources). ASCR fait communiquer les « clients interactifs » – des applications desktop (virtualisées ou physiques) conçues pour administrer les processus Blue Prism – avec les « Runtime Ressource » ou « digital workers » – des instances virtualisées d’application desktop qui s’exécutent en arrière-plan pour automatiser des processus – depuis « l’Application Server », un serveur en charge des communications entre les composants Blue Prism et la base de données Microsoft SQL Server.
ASCR doit éliminer le besoin de réaliser des connexions individuelles entre ces deux types d’entités moyennant une configuration réseau d’un protocole Callback via gRPC ou WCF et des modes de chiffrement pour les sécuriser. Selon l’éditeur, cela permettrait « plus que de doubler » le nombre de digital workers, c’est-à-dire de bots RPA, dans un environnement Blue Prism par rapport à la version précédente de la plateforme.
L’autre fonctionnalité mise en avant par la compagnie britannique, c’est un support natif pour automatiser les processus applicatifs dans les environnements Citrix après l’installation de Blue Prism Application Manager dans Citrix VDE et la configuration d’un ICA Channel pour communiquer avec les digital workers. Enfin, la plateforme a le droit à un hôte de messagerie natif pour les extensions de navigateurs Web (Chrome, Edge et Firefox).
Concernant les composants « optionnels », l’éditeur ajoute une Control Room, un tableau de bord pour visualiser les files d’attente, les tâches planifiées, les sessions et suivre les performances des digital workers. Une nouvelle API joue le rôle de liant entre la base de données et Blue Prism Hub pour la remontée du même type d’information. Puis, Authentification Server orchestre les authentifications à travers Blue Prism Enterprise, API et Hub. Pour l’utiliser, les clients existants doivent changer de licence. Les réponses des community managers sur les forums de l’éditeur laissent à penser que cela implique une transaction financière. « Contactez votre responsable commercial », affirment-ils à ceux qui se posent la question.
L’automatisation par des services tiers
L’innovation serait ailleurs, selon l’éditeur. « Nous avons lancé huit produits en 2020, six au cours du dernier semestre de notre exercice financier, et neuf si vous incluez la version sept de notre plateforme de base », vante Jason Kingdon, PDG et président du conseil d’administration chez Blue Prism.
Blue Prism met en avant Interact, une interface de collaboration entre bâtisseurs de processus et métiers qui collaborent à leur conception, Capture, un outil pour générer automatiquement les documents de définition des processus à partir de l’outil de création Process Studio, et Decipher IDP, un outil d’extraction de données structurées et semi-structurées propulsées à l’OCR et au NLP. Ces trois outils sont disponibles on-premise.
L’éditeur veut pousser sa version SaaS cloud hébergée sur Microsoft Azure qui comprend les mêmes fonctionnalités que Blue Prism v7, inclut Blue Prism Hub et il propose des packs avec les outils d’OCR et de gestion des processus.
Les autres capacités dites « intelligentes » sont fournies par Blue Prism et ses partenaires à travers Digital Exchange (Blue Prism DX). C’est notamment là que les utilisateurs peuvent se procurer l’outil de process mining de Celonis, des API vers les services Azure Cognitive, des connecteurs vers SAP Ariba, entre autres. Certains de ces actifs sont payants, d’autres gratuits.
« C’est le marché qui décide. Il y a de gros efforts de R&D derrière ces produits. Plutôt que d’annoncer à nos clients, “vous devez utiliser ce produit particulier”, nous leur proposons de les choisir à travers Digital Exchange », vante Jason Kingdon. « C’est un peu comme un couteau suisse. Vous manipulez différentes lames à différents moments en fonction de ce que vous essayez d’accomplir », illustre-t-il.
Mais selon le PDG, la RPA reste au centre de ses processus d’automatisation. « Nous pensons que [la RPA] définira les standards à partir desquels les activités des entreprises seront conduites à l’avenir », martèle Jason Kingdon. « Le digital worker [le bot RPA dans le langage Blue Prism, N.D.R.] est le châssis qui permet de transporter ces types de capacités ». Le dirigeant n’a pas peur des technologies alternatives pourvues peu ou prou des mêmes fonctionnalités. Il affirme que le besoin d’abstraction des systèmes pour les métiers restera important, même si les sociétés choisissent d’adopter le cloud.
Or l’approche partenariale vantée par Blue Prism pour apporter cette automatisation ne convient pas à tous les clients. Plusieurs d’entre eux le font remarquer sur le site Web de Gartner Peer Insights. Ils déplorent le manque de fonctionnalités d’OCR et de machine learning embarquées dans la version on-premise de la plateforme. « Certaines organisations les plus avancées aimeraient que nous proposions des outils ou des capacités qu’elles souhaitent utiliser, mais nous avons un modèle de partenariat très complet », défend le PDG. « Je dirais que la grande majorité des besoins sont soit pris en charge par nous, soit par nos partenaires depuis la Digital Exchange ».
« Nous sommes très bon marché » : Blue Prism défend sa politique tarifaire
L’autre reproche régulièrement effectué par les clients à Blue Prism concerne son modèle de licence qui serait plus coûteux que ses concurrents tels UiPath et Automation Anywhere.
« Nous sommes très bon marché », répond Jason Kingdon. « Nous proposons un serveur d’automatisation qui s’exécute 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Il partage les tâches entre les digital workers, il distribue la charge et généralement, d’un simple calcul nous montrons qu’un digital worker supplémentaire génère trois à cinq fois l’activité qu’un être humain aurait pu accomplir », déclare-t-il.
« Certains cas d’usage peuvent générer 10, 100, voire 1 000 % en matière de ROI. Si vous songez aux produits SAP, Salesforce, Microsoft, vous apportent-ils un retour sur investissement ? Ils sont chers parce que vous devez les utiliser, alors que notre produit s’exécute pour vous, et que chaque minute de la journée où l’automatisation fonctionne vous rapporte quelque chose en tant qu’organisation. Donc je pense que certaines personnes doivent encore assimiler l’aspect économique [de cette technologie] », assène le responsable.
De manière générale, les entreprises l’auraient compris.
« Il y a un appétit pour l’automatisation. Les gens comprennent à quel point elle peut être précieuse. Les analyses de rentabilité qu’elle génère sont très riches en termes de rendement. Les organisations sont vraiment à l’écoute », affirme Jason Kingdon.
Cibler le marché américain, convaincre les administrations européennes
Parce que deux éditeurs majeurs du marché – Blue Prism et UiPath – sont nés en Europe, les sociétés sont plus avancées que certains acteurs outre-Atlantique.
« C’est assez curieux de voir que les entreprises américaines ont commencé plus doucement, mais elles accélèrent désormais et c’est un marché sur lequel nous souhaitons nous développer », avance-t-il. L’éditeur a également ouvert un bureau en Corée du Sud.
« Je pense qu’en Europe, les banques et des services financiers ont adopté notre technologie de manière précoce, mais l’usage se généralise de plus en plus », ajoute-t-il.
En la matière, Blue Prism désire se positionner auprès des entreprises de la logistique, des services publics, et des gouvernements du continent européen. Au Royaume-Uni, plusieurs entités du National Health Service font appel à ses services pour faire communiquer plus de 200 systèmes d’administration des patients, tandis qu’en France, l’entreprise britannique s’est fait référencer auprès de l’UGAP, après trois ans de présence sur ce territoire.
« [L’Administration] représente un marché important. Les investissements dans les infrastructures ont été chaotiques et il faut faire communiquer des systèmes peu compatibles entre eux, où il est difficile d’obtenir un consensus dans la manière de les administrer. Donc, les gouvernements voient cette technologie [la RPA/l’automatisation] comme une capacité d’unification », assure Jason Kingdon.
De manière générale, les clients s’étant exprimés sur le Gartner Peer Insights apprécient la stabilité de la plateforme RPA, malgré ses interfaces vieillissantes et quelques couacs dans la mise en œuvre, notamment en matière de courbe d’apprentissage. Certains évoquent un manque de support direct de l’éditeur dans des cas particuliers, comme l’obligation de passer par un partenaire pour déployer la version on-premise dans une instance cloud. Pour le reste, les utilisateurs sont actifs sur les forums de la communauté et les responsables techniques interviennent régulièrement en cas de questions sans réponse.
« Nous essayons d’améliorer la réactivité du service client et la proximité avec nos clients et nous voulons nous assurer qu’ils peuvent se faire entendre », promet le PDG.