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Industrie 4.0 : AVEVA esquisse sa feuille de route

En fin de semaine dernière, AVEVA menait son événement AVEVA World. L’occasion de revenir sur le rachat d’OSIsoft et de tracer les grandes lignes de l’intégration de la base de données historien dans son portefeuille.

En août 2020, AVEVA, filiale à 60 % de Schneider Electric, annonçait l’acquisition d’OSIsoft, l’éditeur de PI System, une célèbre base de données historien auprès des industriels. En mars 2021, le spécialiste de la conception d’usines (entre autres) finalisait ce rachat d’une valeur de 5 milliards de dollars. Il avait alors évoqué sa vision pour l’intégration du SGBD avec ses solutions analytiques industrielles et ses systèmes de modélisation 3D, HMI/SCADA, MES, et d’autres.

Cette vision, AVEVA la nomme Performance Intelligence, c’est-à-dire la combinaison de l’IIoT, des données opérationnelles, d’ingénierie, du HMI, de l’analytique avancée, de l’IA, de la simulation, du cloud, et de « connaissances approfondies du tissu industriel », selon les propos du nouveau PDG d’AVEVA. Peter Herweck était le dirigeant de l’activité automatisation industrielle chez Schneider Electric avant sa prise de fonction en mai 2021.

OSIsoft s’intègre avec les solutions Engineering Information afin de servir de « fondation » pour les catalogues de produit des catégories Lifecycle Management (Process Simulation, Engineering et Design, Project Exection, Operations Control, Asset Performance, Value Chain Optimization), Visualisation et Experience (la plateforme cloud AVEVA Connect et OSIsoft Cloud services).

« Nous avons un peu plus de 150 produits au portefeuille que nous packagons », résumait Fabio Bocchi directeur des ventes Europe du Sud et France chez AVEVA, en amont de l’événement. « Par exemple, Edge to Enterprise est un ensemble de solutions pour répondre à la problématique de la collecte des données. Performance Intelligence correspond à une collection de suites logicielles qui vont permettre de rajouter de la valeur, de l’intelligence artificielle et des indicateurs pour aider à la prise de décision », ajoute-t-il.

Si cette vision commerciale en dit un peu plus sur le projet d’AVEVA, il ne s’agit pas d’une feuille de route. D’ailleurs, avant de présenter ce document, l’éditeur préfère mettre en avant ses clients communs à OSIsoft. GSK, General Mills, ENEL, EDF, ou encore Henkel sont parmi ceux qui emploient historiquement ces deux portefeuilles.

« Un grand nombre de nos clients disposent à la fois des solutions AVEVA et celles d’OSIsoft », rappelle Fabio Bocchi. « Avant même cette acquisition, nous devions collaborer indirectement pour faire en sorte que l’imbrication des solutions AVEVA et OSISoft se fasse correctement. Désormais, nous voulons faciliter l’intégration native des produits et y ajouter des couches fonctionnelles supplémentaires ».

Ces clients auraient accompli tout ou partie de la vision « Performance Intelligence ».

Un jumeau numérique à trois jambes

La réunion des capacités d’opération et d’ingénierie permettrait de former un jumeau numérique « complet », dédié à une activité industrielle. Ce jumeau numérique aurait « trois jambes », selon Rob McGreevy, Executive Vice President of Operations Business chez AVEVA.
La première correspond à la combinaison des données opérationnelles (en provenance des machines ou des capteurs) et d’ingénierie (CAO, BOM, conception).
La deuxième équivaut à la modélisation des processus industriels de l’entreprise via Process Simulation (équipements, leurs comportements, rôles des opérateurs, risques, contraintes, etc.).
Et enfin la troisième n’est autre que la visualisation de ces combinatoires et le fait de pouvoir interagir avec ce jumeau numérique, soit par l’intermédiaire d’un bon vieux tableau de bord, soit par le biais d’un casque de réalité virtuelle (plus impressionnant, mais moins pratique) ou de la réalité augmentée, sur une tablette ou un smartphone (un concept qui a conduit à la multiplication des POC dans l’industrie).

AVEVA affirme elle-même avoir atteint cet objectif. Cependant, la feuille de route dévoilée lors de sa conférence démontre qu’il reste du chemin à parcourir.

Les intégrations natives avec PI System en cours de développement

Les produits OSIsoft font maintenant partie de son portefeuille et les clients doivent pouvoir utiliser les fonctionnalités d’analytique prédictive couplées à PI System.

« Nous avions des bases de données qui permettaient de collecter les données au pied des machines, de les historiciser et de pouvoir potentiellement les traiter », explique Fabio Bocchi. « Néanmoins, PI System nous apporte cette dimension entreprise : c’est un seul historien pour une entreprise qui centralise l’ensemble de l’information pour ensuite de prendre de meilleures décisions », vante-t-il.

AVEVA Connect donne accès à des outils analytiques et l’offre SCADA/HMI (Operations Control) peut maintenant dépendre d’une souscription. En outre, l’éditeur propose le logiciel Advanced Planning Scheduling (ADS), un outil de préparation et de gestion de la production industrielle fournie par PlanetTogether. Également disponible pour les ingénieurs, Learning est un « environnement unifié d’apprentissage pour les équipes à distance ».

Mais il reste plusieurs points à faire évoluer dans les catalogues opérations, engineering et information et visualisation. « Nous continuons à étendre notre portfolio Operations, notamment par l’intégration des produits OSIsoft dans la stack AVEVA, par exemple pour employer nos capacités d’analytique prédictive et de rassembler les données dans notre centre d’opération unifiée », indique Rob McGreevy.

À moyen terme, AVEVA doit proposer des templates de visualisation de données par industrie, pour les énergies renouvelables, la gestion de l’eau et le secteur intermédiaire de l’industrie pétrogazière (transport, stockage, commercialisation des produits bruts ou raffinés).

À moyen et long terme, AVEVA souhaite développer ses produits dédiés à l’ingénierie, principalement pour fournir des capacités de simulation pour la mesure de l’empreinte carbone et de prévision des économies liées à la production. En matière de conception et de visualisation des données, l’éditeur veut réunir les actifs 1D (données des processus, instruments, capteurs, machines, etc.) 2D (plans des architectes et des ingénieurs), 3D (modélisation d’une usine ou d’une plateforme offshore) au sein d’un seul environnement à des fins de simulation et de création de jumeaux numériques.

La feuille de route indique également que l’entreprise souhaite fournir une couche de gestion d’information unifiée pour les opérateurs et les ingénieurs afin de « faciliter le partage de données ».

« Nos clients ont des enjeux de sécurité, de réduction de Capex pour récupérer un retour sur investissement beaucoup plus rapidement qu’il ne l’était auparavant. Ils veulent aussi accéder à des outils qui permettent de traiter davantage de données et mieux les analyser. Enfin, ils comptent mesurer les consommations énergétiques et les évaluer afin de réduire leur empreinte énergétique », résume Fabio Bocchi.

Le cloud, un enjeu pour AVEVA et ses clients

Si la filiale de Schneider Electric affirme être en capacité d’offrir « une grande partie de ces solutions dans un environnement cloud en mode SaaS », dixit Fabio Bocchi, AVEVA Connect rassemble pour l’instant un peu moins de vingt logiciels. C’est le dernier point mis en avant par l’éditeur. « Nous envisageons d’inclure le reste de la suite AVEVA [au sein d’AVEVA Connect] », anticipe Rob McGreevy, lors de son intervention.

Le responsable a effectué une démonstration de collecte de données depuis une instance PI System sur site vers Insight, un outil de visualisation de BI et d’analytique avancée. « Nous allons procéder à des détections automatiques d’anomalies sur les données de production », indique-t-il. Avec Predictive Analytics, l’éditeur souhaite proposer des recommandations de maintenance à partir du traitement des données de séries chronologiques de l’historien.

« AVEVA veut être une entreprise cloud first », vante Fabio Bocchi. « Nous investissons massivement dans le développement de nouvelles solutions de la migration de notre portefeuille existant dans le cloud. Cependant, nous ne voulons pas nous affranchir des produits on premise que nous proposons et nous continuerons à les mettre à jour ».

Rob McGreevy conserve une part de discrétion, en tout cas pour l’instant. « Je vous invite à suivre l’événement AVEVA PI World Digital d’octobre pour en apprendre davantage sur la feuille de route détaillée consacrée à l’intégration de nos produits respectifs », dit-il peu avant la conclusion de son intervention.

De son côté, Peter Herweck a rappelé les partenariats stratégiques avec Microsoft et Schneider Electric visant à favoriser cette adoption du cloud par les industriels.

« Nous avons un partenariat fort avec AWS, nous les avons aidés à développer leurs produits les plus intéressants pour nous, mais qui n’étaient pas encore matures », complète le directeur des ventes en France et en Europe du Sud.

En Europe, selon le dirigeant, l’adoption du cloud par les industriels est fonction de divers paramètres. La souveraineté des données serait un thème moins important que le contrôle des informations à leur disposition.

« Pour les clients français qui sont par ailleurs des groupes internationaux, la question du cloud souverain ne se pose pas véritablement. En revanche, certains acteurs du nucléaire ou des fournisseurs de services publics sont sensibles à ce sujet, mais ils affichent davantage un enjeu sur la manière de stocker et gérer leurs données », déclare Fabio Bocchi.

Selon les résultats partagés par AVEVA en mars, il réalise 34 % de son chiffre d’affaires (1,6 milliard de dollars) auprès de l’industrie gazière et pétrolière. L’énergie (16 %) et les CPG (11 %) sont les deux autres secteurs les plus lucratifs pour l’éditeur. Les autres sont représentés à quasi-égalité.

En France, le secteur de l’énergie, spécifiquement le nucléaire, est important pour l’éditeur, tout comme l’agroalimentaire. Danone est notamment client d’AVEVA.

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