BI : « Je vois une rébellion contre l’enfermement des clouds » (PDG de Qlik)
Dans cet entretien, Mike Capone, le PDG de Qlik, explique pourquoi l’éditeur se concentre sur une offre « agnostique » et sur « l’intelligence active » – des informations exploitables poussées en temps réel dans les workflows opérationnels des utilisateurs.
Cet entretien a été accordé à notre site « frère » SearchBusinessAnalytics au sein du groupe international TechTarget, qui possède LeMagIT en France.
Pendant QlikWorld 2021, le PDG de Qlik, Mike Capone, a pris de son temps pour échanger avec nous sur la stratégie de l’éditeur autour du concept « d’intelligence active », et sur la manière dont les développements de ses produits permettent à un plus grand nombre d’utilisateurs de s’appuyer sur les données pour prendre des décisions plus éclairées et plus rapides. Voire en temps réel.
LeMagIT : Quels messages clés avez-vous souhaité faire passer à la communauté Qlik avec cette édition 2021 de votre événement utilisateur ?
Mike Capone : Que leurs organisations ont plus que jamais besoin de leurs compétences. Au regard de ce qu’ils sont capables de faire et d’apporter avec les données, ils n’ont jamais été aussi importants pour leurs organisations.
Sur les tendances, c’est aussi l’avènement du temps réel, du besoin de prendre des décisions éclairées (data driven) sur le moment – ce qui revient à échanger en continu et dans les deux sens (à streamer les données) entre les systèmes opérationnels et les systèmes analytiques.
Ces données doivent donc pouvoir venir et être n’importe où : dans Qlik, Snowflake, AWS, Azure, etc. La puissance de notre moteur est justement de pouvoir les prendre toutes puis de les analyser. Et plus important encore, une fois que vous avez une réponse, de pousser celle-ci jusqu’au point de décision, pour toute personne en ayant besoin, en temps réel. C’est vraiment le sujet de cette année.
L’Intelligence Active au cœur de Qlik
LeMagIT : C’est ce que Qlik appelle « l’intelligence active ». Comment la définiriez-vous précisément ?
Mike Capone : Les données vieillissent mal. Donc regarder en arrière, vers le passé, n’est jamais une bonne chose ; que ce soit quand vous conduisez une voiture ou quand vous prenez une décision en entreprise. Ce que nous essayons de faire au contraire, c’est de trouver la bonne réponse pour demain et de la traduire en actions.
Mike CaponePDG, Qlik
La plupart des dirigeants me diront que leurs outils analytiques sont très bons. Ils leur donnent les grandes lignes de ce qu’il faudrait faire. Mais amener une organisation à agir pour suivre cette direction, c’est une histoire complètement différente !
Avec des choses comme les alertes automatisées, notre technologie vous permet d’envoyer des notifications aux bonnes personnes. Avec nos capacités d’intégration, et avec notre récent rachat de Blendr.io, nous pouvons aujourd’hui prendre les résultats analytiques de Qlik et agir immédiatement. Dans certains cas, cela passera par un humain. Mais dans de nombreux cas, non. En gagnant en compétences, certaines de ces « activations » peuvent se faire automatiquement.
Un de mes exemples préférés est celui d’Aramark [N.D.R. : dont une partie de l’activité est concurrente de Sodexo]. L’entreprise remonte en temps réel les informations de ses points de vente dans Qlik. Elle voit ce qui se passe pendant le déjeuner, au moment où cela se passe. Si un jour les salades ne se vendent pas, Aramark sait qu’il faut en baisser le prix parce qu’elles ne seront plus bonnes le lendemain. Autant les vendre maintenant, même moins cher. C’est ça que nous appelons « l’intelligence active ».
LeMagIT : Pouvez-vous remettre en perspective toutes les fonctions que Qlik a amenées à sa plateforme analytique pour arriver à cette intelligence active ?
Mike Capone : La première est incontestablement l’envoi d’alertes. Cette possibilité de recevoir des notifications avec des pistes exploitables d’actions, sur le support de votre choix, est primordiale. Il peut s’agir d’un SMS, d’un message dans Slack ou sur Teams.
Mike CaponeQlik
C’est cette capacité qu’illustre encore Aramark quand il détecte qu’un groupe d’employés est sur le point de faire des heures supplémentaires (dans le système de gestion des temps). Un SMS est automatiquement envoyé à un responsable sur le terrain pour l’informer qu’il faut peut-être faire tourner les équipes.
La deuxième, c’est l’acquisition de Blendr.io. Cette plateforme d’intégration low-code, sécurisée, dans le cloud, nous permet d’intégrer d’autres plateformes cloud et de pousser les infos dans des systèmes opérationnels (Salesforce, etc.).
Enfin, nous avons lancé notre application mobile qui s’appuie sur notre cloud.
Feuille de route de Qlik
LeMagIT : Que nous réserve votre feuille de route ? Que pouvez-vous nous en dévoiler ?
Mike Capone : Nous avons deux grands axes d’innovation.
Le premier est celui de l’intelligence augmentée et du machine learning. Nous avons un superbe produit avec notre moteur cognitif qui nous donne la capacité d’interpréter les données et de faire des suggestions. Pousser cela un pas plus loin, et le faire coller parfaitement au besoin des utilisateurs va être quelque chose d’extrêmement important. Nous allons faire plusieurs annonces dans ce domaine.
Mike CaponeQlik
Et nous continuons aussi à regarder les opportunités de rachats. Il y a des entreprises très intéressantes que nous suivons de près. Donc vous nous verrez peut-être bouger. Nous avons de très bons résultats qui nous permettent d’avoir suffisamment de cash pour faire ce genre de choses.
Notre second axe d’innovation concerne l’intégration de données. Un des points irritants reste le « T » de l’ETL [N.D.T. : Extract, Transform, Load]. Nous avons une plateforme d’intégration de données, mais quand il y a besoin de faire des transformations très complexes, les outils sont un peu « limites ». Certains de nos clients font tourner des centaines de milliers de lignes de code ETL. Les personnes qui ont écrit ces lignes de code sont probablement parties à la retraite depuis bien longtemps. Notre mission c’est aussi de les aider à moderniser tout ça. Donc vous nous verrez aussi aller plus loin dans la préparation de données et de la collecte de données.
Démocratisation de l’analytique et rébellion des clients captifs
LeMagIT : Si l’on en revient à « l’intelligence active », ce concept change-t-il la manière dont vous ciblez les utilisateurs avec votre plateforme ? Qui cible Qlik aujourd’hui ?
Mike Capone : Le terme est galvaudé, mais la « démocratisation » est très importante. Ce que nous voulons faire, c’est libérer les DSI et les Chief Data Officers des tâches qui ne sont pas les leurs. Ils doivent pouvoir cataloguer les données, les trier, les nettoyer et les rendre prêtes à être utilisées. Mais ils n’ont pas à être mêlés à la production des insights. Nous ne voulons plus jamais voir un métier demander à l’IT de lui sortir un rapport ou de lui créer un tableau de bord.
L’intelligence active s’adresse donc vraiment aux utilisateurs finaux, qu’il s’agisse d’un analyste financier qui souhaite mettre en place des alertes au cas où les choses évoluent d’une manière nécessitant une attention particulière, ou d’un data scientist chevronné qui cherche un jeu de données bien propres, dans un format prêt pour l’analytique, pour entraîner ses algorithmes.
Vous devez pouvoir faire tout cela sans demander d’aide.
LeMagIT : Plus largement, d’après vous, quelles sont les grandes tendances de l’analytique ?
Mike Capone : Une chose que je vois, et très clairement, c’est une rébellion contre l’enfermement des clouds. Ce que nous constatons – et c’est un point de vue intéressé, car nous sommes totalement agnostiques en matière de cloud (nous travaillons avec tous les grands acteurs du cloud) – c’est que les DSI s’inquiètent beaucoup de « l’indépendance » de leurs données. Ils veulent être sûrs de ne pas devenir des clients captifs bloqués sur une plateforme.
Mike CaponeQlik
La deuxième chose, c’est cette idée que « mes données sont mes données ». Il y a une révolte contre ces éditeurs qui veulent verrouiller les données de leurs clients ou les faire payer pour récupérer leurs données. J’ai de plus en plus ce type de conversations. Mais de manière chaleureuse, parce que nous, nous disons justement à nos clients de mettre leurs données là où ils veulent. Cela joue beaucoup en notre faveur en ce moment.
La troisième chose, c’est que la pandémie a accéléré la transformation numérique. Nous avons fait en un an ce qui, en temps normal, en aurait probablement pris cinq. D’ici deux ou trois ans, je pense que tous les dirigeants devront absolument avoir des compétences et une expérience dans la technologie, dans la donnée et dans l’analytique pour réussir.
Je ne pense pas que nous verrons de grands PDG sans une très forte connaissance numérique. On en voit d’ailleurs les prémices. Des responsables d’entreprises tech partent dans les secteurs des produits de consommation ou des biens électroniques. Pourquoi ? Parce que c’est le numérique et la technologie qui vont déterminer les tendances de demain.
Donc de mon point de vue, nous allons voir de plus en plus d’entreprises « data-driven », qui utilisent les données pour prendre des décisions plus éclairées. Et je trouve ça très bien.