Marseille se prépare à devenir le 5e hub Internet du monde
Interxion construit un quatrième datacenter dans le port de Marseille. Il étendra la surface locative à 24 000 m2 pour héberger les serveurs qui diffusent Internet en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie.
Marseille sera le cinquième hub mondial d’Internet d’ici à 2023. Tel est l’objectif fixé par l’Américain David Ruberg, le grand patron de la chaîne de datacenters Interxion, lors de la pose de la première pierre d’un nouveau bâtiment de colocation sur le port de Marseille. Marseille fait office de passerelle entre les contenus numériques occidentaux diffusés depuis l’Europe et les consommateurs situés en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie. De son port partent quatorze câbles sous-marins, qui desservent quarante-cinq pays sur les côtes de la Méditerranée, de l’Océan Indien et de la Chine.
La construction de ce quatrième datacenter par Interxion doit permettre d’ajouter 6 700 m2 de surface aux 17 300 m2 déjà remplis de serveurs. Tous les grands acteurs du cloud, français et américain, 160 opérateurs télécoms de toutes nationalités et un nombre tenu secret d’entreprises locales occupent l’espace. Les noms de ces acteurs ne sont pas divulgués. LeMagIT a pu voir passer ceux d’AWS, Azure, Google, Oracle, Orange, Jaguar Network.
Marseille et Paris, les deux poumons numériques de la France
« Marseille est connectée au monde grâce à Interxion et, au-delà, grâce à la volonté européenne. Mais ces acteurs ne pourraient rien faire sans Marseille, qui a une position géostratégique prépondérante. Nous sommes dans un port de dimension mondiale, qui réinvente son économie dans le respect des intérêts de chacun grâce aux nouvelles technologies », a lancé le président de la région PACA, Renaud Muselier, lors d’un discours d’inauguration fin mai, en précisant que son ambition était de faire de la région PACA, la première smart-région européenne d’ici à 2025.
« Les hébergeurs de datacenters sont des acteurs fondamentaux des infrastructures télécom. Au XXIe siècle, nous construisons des datacenters comme nous construisions des chemins de fer au XIXe siècle : pour échanger des marchandises. Sauf que ces marchandises sont désormais des données. Et, à Marseille, le trafic des données augmente de 140 % par an, c’est-à-dire qu’il décuple tous les dix ans. Depuis 2014, les datacenters d’Interxion ont permis de créer 400 emplois. Ce sont aussi des équipes des fournisseurs américains qui viennent s’installer à Marseille » a pour sa part déclaré Fabrice Coquio, le président d’Interxion France, en indiquant l’importance économique du numérique pour Marseille.
« Le développement des datacenters a conduit le port de Marseille à se positionner sur la logistique de la donnée. Désormais, nous avons une activité de sécurisation des câbles. Nous réalisons des forages, nous installons des fourreaux que nous commercialisons. C’est un véritable relais de croissance économique pour le port », s’est félicité Hervé Martel, le président du directoire du grand Port maritime de Marseille.
Pour l’heure, Marseille est encore classé neuvième dans le palmarès des plus grands points d’échange de données Internet dans le monde. Paris est pour sa part quatrième, derrière Londres, Amsterdam et New York. La capitale pourrait cependant monter bientôt au second rang de ce classement, qui est établi selon la bande passante totale des liens réseau reliés aux datacenters d’une ville.
Le quatrième bâtiment d’Interxion à Marseille, baptisé MRS4, devrait être opérationnel dès le second trimestre 2022, date à laquelle un quinzième câble sous-marin devrait arriver dans le port. Sur le papier, Interxion aurait déjà des commandes pour remplir toutes les allées de MRS4.
13,6 mégawatts de puissance, mais neutre en émissions carbone
Au-delà de l’aspect économique pour Marseille, pour la France et pour Internet de manière globale, le nouveau datacenter MRS4 d’Interxion présente surtout des caractéristiques qui poussent encore plus loin les performances écoresponsables de ce genre de bâtiments.
« Nous sommes des industriels. Avant d’être une usine digitale, un datacenter est une usine électrique et climatique. MRS4 va nous permettre d’augmenter notre surface locative en France de 14 % tout en réduisant de 20 % nos émissions de CO2 », dit Fabrice Coquio, en précisant que la construction de MRS4 représente un investissement de 125 millions d’euros, soit plus d’un quart des 400 millions d’euros qu’Interxion a jusqu’ici investis à Marseille.
« L’apport en énergie du bâtiment est un enjeu principal. Interxion rachète de l’énergie renouvelable à RTE et Enedis, mais notre agenda est très serré pour ces acteurs. Ainsi, nous allons construire notre propre poste de transformation électrique qui sera relié au réseau brut de RTE pour alimenter MRS4 et nous réinjecterons le surplus d’électricité transformée dans le réseau français », explique Rogier Van der Wal, le directeur commercial d’Interxion.
« Nous voulons être le seul acteur des datacenters en France qui soit 100 % neutre en émissions carbone. Sur le plan pratique, la conception de MRS4 va nous permettre de consommer moins de 1,2 kilowatt quand un client consomme 1 kilowatt dans ses serveurs. En général, une entreprise consomme plutôt le double dans sa salle informatique, à cause de la consommation des équipements autour des serveurs, en particulier le refroidissement. »
« Nous allons parvenir à un si bon taux de consommation, en particulier, grâce au River Cooling. C’est-à-dire que nous n’allons pas produire du froid, nous ferons baisser la température en faisant circuler une eau à 14 °C que nous puisons dans une rivière souterraine qui circule non loin du site », détaille le directeur commercial. Il précise que l’eau, une fois réchauffée par la température des serveurs, sera réinjectée dans le réseau de chauffage de la ville.
« Ensuite, pour être véritablement neutres en émission CO2, il nous faut compenser les kilowatts que nous utiliserons. Pour y parvenir, nous investissons dans le parc national des Calanques de Marseille, pour préserver des champs de posidonies, une plante sous-marine qui absorbe le carbone », conclut-il.
À terme, le bâtiment MRS4 devrait délivrer une puissance de 13,6 mégawatts.