Automatisation du marketing : Adobe passe à l’heure du « temps réel »
Avec un nouveau produit (Journey Optimizer) et une CDP dédiée au B2B, Adobe a posé deux autres jalons vers « l’activation en temps réel ». Une pratique marketing riche de promesses, mais dont les cas d’usage restent à explorer.
Lors de son évènement annuel 2021, Adobe a présenté un patchwork de produits et de mises à jour. L’annonce la plus visible est certainement la sortie d’un nouveau produit, Journey Optimizer – nom de code interne « Sierra » – dans le marketing automation (gestion des audiences, des segments, des profils clients, etc.). « Ce n’est pas une nouvelle version, c’est vraiment une nouvelle génération d’outils pour gérer des campagnes cross-canal », insiste bien Lionel Lemoine, responsable Solution Consulting pour l’Europe de l’Ouest et du Sud chez Adobe, dans un échange avec LeMagIT.
Journey Optimizer : pour les explorateurs du temps réel
Le moteur de Journey Optimizer s’appuie sur la « plateforme » d’Adobe, sorte de « Datalake structuré » dans lequel déverser les données des applications d’Experience Cloud et celles venues de l’extérieur. La plateforme est incluse nativement dans l’offre, souligne Lionel Lemoine, « ce qui offre des possibilités d’activation incomparables », se réjouit-il.
Pourquoi incomparables ? Parce que les volumétries d’envois et de traitements sont plus importantes. Mais surtout parce qu’elle permet « l’activation en temps réel », Leitmotiv de cet évènement 2021.
« On a l’impression d’avoir deux produits. Un d’orchestration de campagne, plutôt classique (workflow en batch). Et un d’activation de campagne temps réel », résume le responsable français. « C’est-à-dire que certaines branches du workflow se déclenchent dès qu’un évènement est détecté ».
Les deux cumulés - volumétrie et trigger temps réel – ouvriraient la voie à une vraie ultra-personnalisation, aussi bien dans les messages que dans les canaux pour les véhiculer. « Vous pouvez avoir des millions de personnes dont aucune n’aura véritablement le même traitement », entrevoit Lionel Lemoine.
Thomas HussonForrester Research
Reste la question du bénéfice de ce temps réel par rapport à un déclenchement en batch.
Le cas d’usage le plus évident est celui de la détection d’une visite en magasin qui, instantanément, déclenche une action : par exemple une promotion personnalisée et temporaire, comme une offre de 5 % pour un achat dans l’heure, envoyée par SMS. La logique est la même pour diminuer des abandons de paniers sur un site.
« Sur cette notion [de temps réel], on est encore dans un champ d’exploration dont on ne fait qu’effleurer les possibilités », concède néanmoins Lionel Lemoine. « On imagine encore des cas d’usage par rapport à des comportements traditionnels […] Mais je suis persuadé qu’il y en a des dizaines auxquels on ne pense pas encore ».
À l’avenir, les stratégies pourront aussi embrasser le semi-temps réel. En clair, l’historique d’un parcours peut révéler des fourchettes horaires plus propices à l’envoi d’un message ou à la réalisation d’une action. La détection d’un évènement (ouverture d’un mail par exemple) peut se faire en temps réel, mais le second évènement (appel, SMS, etc.) peut être réalisé plus tard (après midi, début de soirée), mais de manière plus rapide et plus pertinente qu’en batch.
Forrester Research confirme que Journey Optimizer est l’une des principales annonces d’Adobe. « Pour les équipes marketing, cela permet de personnaliser des parcours en quasi-temps réel (selon que la démarche est inbound ou outbound). Et l’exploitation de la donnée permet de mieux contextualiser voire d’anticiper le type d’interactions client », synthétise Thomas Husson VP, Principal Analyst.
L’analyste de Forrester souligne par ailleurs que toutes les entreprises n’en sont pas encore au temps réel. « Cela suppose une certaine gouvernance autour de la donnée et surtout de maîtriser les principaux parcours clients. Mais sur des cas d’usage lié au e-commerce, au m-commerce, à l’abandon de paniers, à l’activation d’un programme relationnel, cela prend tout son sens », constate-t-il.
Une CDP, oui. Mais B2B et en temps réel
Journey Optimizer est, en premier lieu, pensé pour le B2C. Une autre annonce concerne le marketing B2B : une nouvelle CDP – baptisée RT CDP B2B – qui est l’évolution de la RT CDP lancée il y a un an (RT pour Real Time).
« Jusqu’à présent [dans la CDP], l’essentiel de l’activation était basé sur un profil personnel. On agrégeait de la donnée en provenance de différentes sources (mobile, site web, surf, en magasin, etc.) » resitue Lionel Lemoine. « Là, on va être capable d’agréger au-delà, au niveau de l’entreprise. C’est de l’ABM [N.D.R. : Account Based Marketing], mais de l’ABM en temps réel. »
Lionel LemoineAdobe
« Quand vous faites de l’ABM, vous réfléchissez à des cycles longs de nurtering. Vous êtes sur des temporalités de 12 à 18 mois. Et la scénarisation est aussi très segmentée », continue le responsable d’Adobe. « Une entreprise gagne un point de scoring, ce qui la fait passer dans une nouvelle catégorie, ce qui déclenche d’autres types d’actions marketing », illustre-t-il.
Généralement, ce processus est géré en batch. Pourquoi le faire passer en temps réel ? « L’idée, c’est de faire la même chose au niveau de l’entreprise qu’au niveau de l’individu, parce que dans une logique de batch, vous pouvez rater des moments clefs comme l’émission d’un RFP (appel d’offres) par exemple », répond Lionel Lemoine.
Les achats B2B ont aussi la particularité de passer par différentes équipes (PO, légal, etc.), dans un « parcours » bien différent du B2B. « Ces personnes sont des étapes clefs dans le parcours client Entreprise. Chacun de ces départements peut nécessiter une communication plus individualisée. Il faut donc avoir ces deux vues : la maturité globale de l’entreprise, et être capable de redescendre au niveau des départements », résume le responsable d’Adobe.
Dans le contexte B2B, il faut comprendre ce temps réel plus comme une accélération de la capacité à réagir. « On n’est pas dans la nanoseconde », plaisante Lionel Lemoine. « Dans l’ancien paradigme (B2B sur la base des batchs), le client recevait un mail par semaine. Là, on peut cadencer à la journée ou à la demi-journée ».
L’outil pourrait aller plus loin puisqu’il utilise le même moteur que la version B2C. Mais les cas d’usages B2B en vrai temps réel sont « marginaux » (sic). D’où le choix d’Adobe de cibler le quasi-temps réel dans l’ABM, un autre grand espace marketing qui reste à explorer.