itestro - Fotolia
XCEED : Renault, IBM et Faurecia lèvent le voile sur leur blockchain
Renault, Faurecia, IBM, Knauf Industries, Simoldes et Coşkunöz annoncent un accord de partenariat pour déployer et utiliser la blockchain XCEED. L’occasion pour les participants de commenter l’avancement technique du projet.
En septembre dernier, Renault et IBM annonçaient essayer Xceed (eXtended Compliance End-to-End Distributed), un projet de blockchain organisé avec Faurecia, Saint-Gobain, Plastic Omnium et Continental. L’objectif pour ces partenaires était d’envisager un outil de traçabilité et de conformité des composants et sous-composants de véhicules.
Le projet en lui-même mûrit depuis 2018, et a donné lieu à un « test industriel » à partir de 2019 dans l’usine Renault de Douai. Il trouve sa justification dans le changement de législation européenne officialisé en septembre 2020, mais lancé en 2016. Cette loi vise à renforcer les contrôles de conformité sur les véhicules, la qualité des essais et une gouvernance pour faciliter le partage d’information entre États de l’Union européenne.
Le 21 avril 2021, Renault, IBM, Faurecia, Knauf Industries, Simoldes et Coşkunöz ont annoncé la signature d’un accord de partenariat pour recourir à la blockchain dans leurs usines. Les sites Renault de Douai, en France, de Palencia, en Espagne et Bursa, en Turquie sont les premiers à déployer la technologie. « Nous sommes dans une phase de passage à l’échelle », confirme Odile Panciatici, coordinatrice du projet XCEED et vice-présidente blockchain chez le groupe Renault.
Les équipementiers et les fournisseurs de matières premières – petits ou grands, peu importe leur rang – sont désormais invités à rejoindre le programme.
« Lors du Proof of Concept, nous avons essayé la technologie, mais aussi la création d’un écosystème, la mise en place de partenariats et d’une gouvernance, avant de réaliser un MVP », ajoute-t-elle.
Ce MVP avait été effectué à partir du protocole open source Hyperledger Fabric hébergé sur des infrastructures IBM. Big Blue et les partenaires de la plateforme XCEED se sont assurés que les nœuds pouvaient être étendus sur différentes architectures hybrides et multicloud. IBM a notamment testé le déploiement sur Google Cloud.
« XCEED s’appuie sur différentes briques pensées dans une logique d’évolutivité et de mise à l’échelle », déclare Vincent Fournier, blockchain practice leader chez IBM. « HyperLedger Fabric est hébergé dans des conteneurs [sur Kubernetes] et interagit avec des composants, comme une base de données, car toutes les informations n’ont pas forcément vocation à être logées dans la blockchain ».
Ensuite, d’autres éléments permettent de façonner « l’échange entre XCEED et l’extérieur, c’est-à-dire les systèmes d’information des différents participants de la filière automobile », précise Vincent Fournier.
IBM a conçu des API pour les acteurs capables de gérer les intégrations « de manière industrielle », mais aussi un processus d’envoi de fichiers via un serveur SFTP. « Nous allons faciliter l’injection et la visualisation de données à partir d’un portail web qui communique par API avec le back-end », indique Vincent Fournier. Le tout est consolidé par une couche de sécurité afin d’administrer les politiques d’authentifications et les autres périmètres.
Le nombre de nœuds ne fait pas tout
Cela ne répond toujours pas à la question du nombre de nœuds opérés par IBM, une interrogation en suspens depuis septembre 2020.
« Aujourd’hui, le cœur du réseau Blockchain est présent sur IBM cloud mais peut être étendu à d’autres services cloud utilisés par les partenaires de Xceed dans un déploiement en cloud hybride à même de satisfaire les besoins d’hébergement de chacun » précise le practice leader chez IBM.
En production, ce cœur de réseau porté par le protocole Blockchain open source Hyperledger Fabric est composé de six nœuds : trois nœuds dédiés à la validation des règles métiers des transactions ainsi qu’à la tenue du registre distribué ces nœuds sont appelés validateurs ou endorseurs.
Un autre ensemble de trois nœuds dit nœud d’ordonnancement et utilisant le protocole de consensus distribué Raft pour gérer l’ordonnancement des informations circulant dans le réseau Blockchain permet à la Blockchain d’être résistante aux pannes.
Dans le protocole de Raft, un ensemble d’au minimum trois nœuds va choisir à intervalle régulier entre eux un leader. Une fois le leader choisi, les autres nœuds vont envoyer l’ensemble des informations que ces derniers reçoivent au nœud leader qui va décider de l’ordre dans lequel les informations sont enregistrées dans les blocs de la chaine. Enfin, Régulièrement le nœud leader va envoyer aux nœuds validateurs le nouveau bloc dont les informations doivent être traitées et exécutés.
« Quand le réseau de production grandira en accueillant de nouveaux partenaires, la solution Xceed se dotera de nouveaux nœuds de validation et d’ordonnancement pour supporter organiquement l’augmentation de la charge induite », ajoute Vincent Fournier.
Chaque participant devra-t-il déployer un nœud de la blockchain ? Les instigateurs du projet XCEED le répètent : non, pas forcément.
« Le but n’est pas nécessairement de déployer un nœud chez tous les partenaires, mais d’évaluer les besoins, les conditions de déploiement et les manières de l’opérer suivant le fournisseur cloud en respectant l’avis des membres fondateurs », prévient Vincent Fournier.
Odile PanciaticiVP blockchain, Groupe Renault
« Nous devons trouver un équilibre entre les besoins de chacun des partenaires et les exigences technologiques pour obtenir un outil performant techniquement et économiquement », ajoute la vice-présidente blockchain chez le groupe Renault.
Le contrat annoncé ce mercredi 21 avril concerne les six entreprises présentées plus haut. « Nous prévoyons de multiplier le nombre de partenariats par dix d’ici la fin de l’année », déclare la coordinatrice du projet. La plateforme rassemblera alors une soixantaine d’acteurs de la filière automobile.
« Actuellement, nous sommes sur un périmètre européen, mais nous l’élargirons au fur et à mesure. Il y a des usines et des fournisseurs qui sont installés bien au-delà des frontières européennes. Nous voulons être capables d’accueillir l’ensemble des acteurs intéressés dans le domaine », assure Odile Panciatici.
Une gouvernance complexe à mettre en place
Mais jusqu’alors, les différents membres ont principalement œuvré pour établir la gouvernance de la plateforme XCEED.
« C’est assez long à mettre en place parce que nous avons beaucoup de diversités, aussi bien technologiques que de mode de fonctionnement », constate Odile Panciatici. « Nous n’avons pas forcément l’habitude d’avoir un outil commun. Nous savons employer le même outil, mais chacun a ses règles d’utilisation et sa propre organisation. Par exemple, la qualité fournisseur peut être administrée par différentes directions suivant l’entreprise », illustre-t-elle. « Or dans un projet blockchain nous devons partager des règles de gouvernance, d’utilisation et de visibilité de la donnée ». Elle évoque également les démarches légales et contractuelles qu’un tel projet implique.
La plateforme est prévue pour gérer la conformité et la traçabilité de trois types d’informations. « Nous avons un certain nombre de modules qui touchent au domaine réglementaire, aux caractéristiques géométriques [les relations entre les pièces et les processus d’assemblage, par exemple le jeu nécessaire entre les portières et la carrosserie N.D.R.] et à la définition des matériaux », liste Odile Panciatici.
« Cette plateforme permettra, suivant où on se place, de vérifier la conformité du produit ou du processus », précise Éric Jacquot, Directeur Groupe End to End Quality de Faurecia. « Cela nous aidera à la prise de décision et à la validation grâce à l’automatisation de la conformité ».
La plateforme doit non seulement permettre les échanges de données et de processus souvent protégés par propriété intellectuelle de manière sécurisée, mais aussi relier les informations des différentes parties prenantes afin d’obtenir une vision d’ensemble en quasi-temps réel des opérations.
XCEED, une blockchain potentiellement interopérable
Seulement XCEED ne couvre pas l’ensemble des processus et des composants employés par les fournisseurs, les OEM et le constructeur automobile. Les organisateurs du projet prévoient d’élargir la couverture de la plateforme en ajoutant des modules. L’un d’entre eux serait consacré aux centaines de logiciels embarqués dans les véhicules.
« Nous envisageons également de couvrir la phase de conception, les différentes étapes d’après-vente, ou encore l’empreinte carbone à travers XCEED », complète Odile Panciatici.
Concernant certaines matières premières que les partenaires du projet ne prennent pas en compte, la solution pourrait se trouver dans des intégrations avec d’autres projets similaires.
« Nous avançons pas à pas, dans le cadre d’une méthodologie agile. Nous ne nous interdisons pas des évolutions d’architecture et de travailler sur l’interopérabilité de différentes blockchains, en fonction de la maturité des projets qui se développent çà et là », projette la VP Blockchain chez le groupe Renault. La responsable pense notamment au programme de blockchain RSBN mené par IBM, Volvo, Volskwagen, RCS Global, Ford, Huayou Cobalt et LG Chem pour la traçabilité des minerais (du cobalt principalement) entrant dans la composition des batteries de voitures.
Enfin, suivant la popularité du projet XCEED, les fondateurs pourraient changer de modèle de partenariat.
« Si la plateforme rencontre le succès attendu, nous aurons besoin de créer une entité de type consortium pour l’administrer », conclut-elle.