Stockage : Weebit Nano lancera ses ReRAM dès cette année
Quatre fois moins chers à fabriquer que les NAND des SSD, les composants de ReRAM sont aussi plus performants et plus endurants. Le CEA-Leti vient de finaliser leur contrôleur, pour un lancement en septembre.
La startup israélienne Weebit Nano présentera cette année ses premiers prototypes de mémoires ReRAM. La promesse : des composants aussi rapides que les 3D XPoint des SSD Optane DC d’Intel, 100 fois plus endurants que les NAND des SSD et, surtout, moins chers à produire. Les mémoires ReRAM de Weebit Nano sont destinées à servir d’unités de stockage autonomes, mais aussi à être intégrées sur des SoC (System on a Chip), c’est-à-dire des puces pour l’électronique embarquée qui contiennent à la fois la puissance de calcul et le stockage.
« Nous pensons que nous allons véritablement révolutionner le stockage Flash classique avec un produit qui évite tous ses écueils. Par exemple, le constructeur Tesla a récemment dû rappeler quantité d’anciens véhicules qui ne fonctionnaient plus normalement parce que leurs SSD avaient atteint leur quantité limite d’écritures. Cela n’arrivera pas avec notre technologie qui supporte 10^6 cycles d’écriture par cellule, c’est-à-dire une panne bien au-delà de la durée de vie de telles voitures », argumente Ishai Naveh, le directeur technique de Weebit Nano, lors d’une visioconférence avec LeMagIT.
Parmi les observateurs, le cabinet de conseil financier Frost & Sullivan est particulièrement enthousiaste : « la demande de mémoires à haut débit et à faible consommation d’énergie est en hausse. Si le stockage flash est la technologie la plus répandue, ses limites en matière d’évolutivité et d’endurance offrent une occasion favorable aux solutions en rupture, d’entrer sur le marché. En raison du positionnement et des solutions technologiques de Weebit, nous pensons donc que la société jouera un rôle prépondérant sur le marché en pleine croissance des mémoires non volatiles », écrivent ses analystes dans un rapport récemment paru.
Des composants quatre fois moins chers à fabriquer
Ishai NavehDirecteur technique, Weebit Nano
« Le fait est que nous bénéficions surtout d’une conjoncture économique favorable pour lancer notre produit dès cette année », reprend Ishai Naveh. « En effet, le marché souffre en ce moment d’une pénurie de composants électroniques qui incite les usines de semi-conducteurs à construire de nouvelles chaînes de montage, mais encore faut-il qu’elles trouvent des produits très rentables à fabriquer. Or, nos mémoires coûtent quatre fois moins cher à fabriquer que les autres composants Flash. »
« Et il est possible de les fabriquer en même temps que les processeurs, ce qui permet de graver un SoC entier en quelques étapes simples, sans avoir à passer par un long processeur d’assemblage des différents circuits a posteriori », ajoute-t-il.
Les ReRAM de Weebit Nano reposent en l’occurrence sur un substrat en oxyde de silicium (SiOx) très simple où chaque transistor n’a besoin que de deux couches de matériaux entre les deux électrodes. Comparativement, la NAND eFlash, qui sert de stockage dans un SoC, a besoin de superposer onze matériaux.
« Cela signifie que notre technologie est très facile à fabriquer sur les chaînes de montage traditionnelles, avec une gravure qui descend aujourd’hui à 12 nm. Avec des composants MRAM, il est actuellement impossible de descendre en dessous de 28 nm. Or, une gravure à cette échelle est pénalisante pour des processeurs qui, désormais, ont des transistors beaucoup plus fins », défend Ishai Naveh.
Cette simplicité de fabrication permettrait accessoirement à une mémoire ReRAM de continuer à fonctionner normalement à une température aussi élevée que 150 °C.
Une collaboration avec le CEA-Leti
Les ReRAM de Weebit Nano sont en développement depuis 2016. Le dernier obstacle à leur mise au point a été franchi il y a quelques semaines à peine grâce aux travaux du CEA-Leti. Le laboratoire de recherche, qui collabore avec l’antenne grenobloise de Weebit Nano, a en effet réussi à développer la dernière pièce manquante : le contrôleur qui permet à un processeur de lire et écrire les données au sein d’une unité ReRAM.
D’ici à la rentrée, Weebit Nano et le CEA-Leti devraient présenter un prototype de SoC fonctionnel à base de processeur RISC-V et de stockage en ReRAM. Il servira d’exemple pour tout équipement à embarquer dans les véhicules, dans les drones ou dans tous types d’objets connectés. Il peut aussi servir de base aux modèles de SSD intelligents prévus par Seagate et Western Digital.
Coby HanochPDG, Weebit Nano
« Sur les SoC, notre modèle économique sera de vendre des licences de notre technologie aux fabricants de processeurs. En ce qui concerne les unités de stockage autonomes, susceptibles de remplacer les SSD actuels et dont nous montrerons également des prototypes concevables en série dès cet été, rien n’est défini. Peut-être que nous produirons nos propres unités de stockage, peut-être que nous vendrons des licences de notre technologie à des fabricants de SSD », dit Coby Hanoch, le PDG de Weebit Nano.
« Weebit est encore en phase d’expansion. Sa technologie semble mature et nous constatons ses efforts de partenariats. Son défi, en fin de compte, concerne davantage le marketing et les ventes que la technologie », conclut le rapport de Frost & Sullivan.
Peut-être une carrière dans l’IA embarquée
Il est par ailleurs possible que les ReRAM de Weebit Nano servent en définitive dans un domaine qui n’a que peu à voir avec celui de départ : le Machine Learning. En effet, lors de leurs travaux, les chercheurs du CEA-Leti ont découvert que le matériau utilisé avait une propension à accepter plus ou moins les nouvelles écritures selon les données précédemment enregistrées dans les cellules. Coby Hanoch évoque la possibilité d’émuler un réseau de neurones dans la mémoire, plutôt que le simuler au niveau du processeur.
Au fil d’un article paru dans la revue scientifique Nature, l’équipe du CEA-Leti explique ainsi que la ReRAM permettrait de construire des appareils de reconnaissance des images qui ne consommeraient que quelques microjoules. Ils pourraient donc être installés directement sur les caméras de vidéosurveillance.