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De l’ITSM à l’ESM : Ivanti rachète Cherwell
Avec le soutien de plusieurs fonds, Ivanti a mis la main sur un concurrent leader de l’Enterprise Service Management. Un moyen de se diversifier au-delà de l’ITSM, et de marcher dans les pas de ServiceNow dans un marché en pleine évolution.
Mouvement majeur dans l’ITSM. Ivanti a racheté Cherwell. L’annonce, officialisée le 25 mars, n’a pas été présentée comme une opération dans l’ITSM, mais bien dans l’ESM (Enterprise Service Management).
À la différence de l’ITSM, l’ESM vise à gérer les processus transverses d’une entreprise au-delà de ses seuls processus IT (RH, CX, etc.). Il étend également la prise en charge « des points d’accès traditionnels » (dixit Ivanti) jusqu’aux capteurs IoT.
Double hasard du calendrier, ce rachat intervient quelques jours seulement après l’arrivée d’un troisième fonds (Charlesbank Capital Partners) au capital d’Ivanti, aux côtés de ceux déjà présents (Clearlake Capital Group et TA Associates) ; et après une opération similaire de l’éditeur suédois d’ERP avec le Britannique Axios.
Toujours deux produits, mais des synergies aussi
« Ensemble, nous allons construire une solution de gestion des services d’entreprise plus complète et orientée verticalement ; qui fournira une excellente expérience à tous les collaborateurs, où qu’ils travaillent », souligne bien Jim Schaper, CEO d’Ivanti, confirmant le glissement global du marché d’une stratégie ITSM vers l’ESM.
Avec les technologies de Cherwell, Ivanti « étendra le champ d’action de la plateforme Ivanti Neurons », continue-t-il.
Plus globalement, l’éditeur s’engage à garder les deux produits ITSM/ESM des deux marques tout en travaillant sur des synergies lorsque des convergences sont possibles. Par exemple, Ivanti devrait rapidement intégrer les outils low-code/no-code de Cherwell.
Le petit de l’ESM rachète le gros
Le rachat est d’autant plus intéressant que sur le secteur de l’ESM, Ivanti est beaucoup plus « petit » que Cherwell selon les estimations de Forrester Resaerch.
Charles BetzForrester Research
Le cabinet d’analystes classe par ailleurs Cherwell dans le « leaders » – aux côtés de Service Now, de BMC, de Micro Focus, d’USU et d’Axios (désormais IFS donc) – et Ivanti dans les « Strong Performers » – aux côtés d’IBM, d’Atlassian, de TopDESK et de Broadcom. Même dans cette « deuxième division », Ivanti est le plus petit en termes de présence sur le marché. À titre de comparaison, celle-ci est similaire à la présence du Français EasyVista (classé dans les « contenders » – la troisième division de Forrester).
Mais il y a une subtilité.
« La taille indiquée [sur les Forrester Waves] est l’estimation du revenu du produit, et non la taille globale de l’entreprise. C’est une nuance importante à prendre en compte lors de leur interprétation », rappelle Charles Betz, Analyste Principal chez Forrester, dans un échange avec LeMagIT.
Ivanti possède en effet d’autres offres, moins centrées sur l’ESM. « Son chiffre d’affaires annuel se situe entre 100 et 500 millions de dollars », évalue globalement Charles Betz.
« Sur les seuls outils ESM, nous estimons que les revenus de Cherwell (soit environ 50 millions de dollars) sont plus élevés [que ceux d’Ivanti]. Mais l’étendue de l’offre totale d’Ivanti a conduit à un soutien financier de la part d’une série d’investisseurs solides », insiste bien l’analyste.
Un bon rachat pour Ivanti pour passer de l’ITSM à l’ESM
Plus petit dans l’ESM, mais plus gros dans sa totalité, Ivanti aurait donc fait un bon achat. « Cherwell a un ensemble de produits plus limité, mais fonctionnellement supérieur », synthétise Charles Betz.
« Cette fusion va renforcer les capacités d’Ivanti au-delà de son cœur de métier (l’ITSM) et dans les autres métiers de l’entreprise », renchérit Adam Holtby, analyste principal chez Omdia cité par Ivanti dans son communiqué officiel. Un point de vue que confirme Charles Betz au MagIT. À la question de savoir si ce rachat suit la même logique que la diversification réussie de ServiceNow vers le HR Service Delivery et le Customer Service Management, l’analyste de Forrester répond que « oui, il améliore leur positionnement [dans l’ESM], c’est sûr ».
« Ivanti était déjà suffisamment bon pour être dans notre Forrester Wave de l’ESM, mais maintenant qu’ils ont les offres de Cherwell, je pense qu’ils vont continuer [dans cette direction] ».
Concentration et nouveaux entrants dans l’ESM
C’est en tout cas deux acteurs majeurs indépendants – Axios et Cherwell – qui viennent coup sur coup de se faire racheter, traduisant un début de concentration et la dynamique positive du marché.
L’ESM est « la prochaine vraie génération de solutions d’entreprise », confirme Charles Betz.
Conséquence, l’analyste entrevoit déjà de nouveaux entrants – en plus de la poursuite du mouvement de concentration. « On peut s’attendre à l’arrivée de poids lourds du logiciel d’entreprise. [Car] tôt ou tard, Oracle et SAP vont devoir placer leurs pions », prédit-il. « Et là, les choses vont vraiment devenir très intéressantes ».