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Stockage : Iridia développe une puce à base d’ADN

La startup va lancer sous peu la fabrication de son dispositif de stockage sur brins d’ADN. L’invention serait intégrable aux baies de disques et apporterait quatre fois plus de capacité.

La startup américaine Iridia planche sur le stockage de données sur des brins d’ADN synthétique, afin d’atteindre une densité beaucoup plus importante que celle des supports électroniques ou magnétiques actuels. Son but est de développer une solution qui soit économiquement viable et qui tienne sur des composants d’aspect similaires à ceux que l’on trouve aujourd’hui dans les SSD, de sorte à intégrer les baies de stockage traditionnelles que l’on trouve dans les datacenters.

Au mois de mars, la startup a levé 24 millions de dollars, notamment de la part de Western Digital Capital, la branche d’investissement du fabricant américain de disques durs. LeMagIT est parti à la rencontre de Murali Prahalad, le PDG de cette startup, pour en savoir plus sur l’état d’avancement de ses travaux.

LeMagIT : Quel défi faut-il surmonter pour que l’ADN synthétique puisse stocker des données ?

Murali Prahalad : Le coût. Si l’on en croit les chiffres d’IDC parus cette année, nous sommes en passe de générer quelque chose comme 60 zettaoctets de données dans le monde, dont 3 % vont être archivés. Supposons que seulement 0,1 % de ces 3 % soit écrit sur de l’ADN, quelle que soit sa forme. Relire ensuite toutes ces données avec un séquenceur d’ADN traditionnel reviendrait à séquencer l’équivalent de 2,9 milliards de génomes humains. Au coût actuel du séquençage, cela coûterait en tout 1 400 milliards de dollars, soit 1 million de dollars par téraoctet. À ce prix-là, il est impossible de concurrencer les bandes ou les disques durs magnétiques.

LeMagIT : Quelle solution proposez-vous pour résoudre ce problème ? Et en quoi est-elle différente de celles sur lesquelles planchent des sociétés comme Microsoft ou Catalog ?

Murali Prahalad : Les travaux actuels consistent à déplacer des liquides dans des tubes, avec des méthodes de séquençage qui n’ont absolument rien à voir avec les pratiques en vigueur dans un datacenter. Prenez Microsoft qui s’est associé à Twist Bioscience pour développer un système de synthèse chimique, par exemple. Le problème de tous ces projets est qu’ils se concentrent sur la manière d’enregistrer chimiquement les données, et qu’ils comptent sur les séquenceurs d’ADN traditionnels pour les relire.

« Notre solution permettrait de réduire de 99 % les coûts de fonctionnement d’un datacenter qui stocke 1 exaoctet d’informations sur des SSD. »
Murali PrahaladPDG, Iridia

Notre vocation est de développer un système qui tienne sur une puce, pour entrer directement dans les équipements des datacenters. Et avec des latences en lecture et en écriture nettement meilleures que celles des bandes magnétiques, ainsi qu’une consommation d’énergie 2 500 fois inférieure à celle des SSD. Pour se rendre compte de l’importance de l’économie d’énergie que cela représente, songez que notre solution permettrait de réduire de 99 % les coûts de fonctionnement d’un datacenter qui stocke 1 exaoctet d’informations sur des SSD.

LeMagIT : Quel sera l’avantage pratique de stocker les données sur votre puce plutôt que sur des bandes ou des disques durs ?

Murali Prahalad : Une densité quatre fois meilleure que celle des bandes et des disques durs magnétiques pour un prix moindre. Nous avons étudié les feuilles de route pour les bandes magnétiques et les disques durs afin de déterminer les coûts que nous devrions atteindre pour être compétitifs. Je pense d’ailleurs que c’est ce calcul qui a attiré à nous des investissements de la part de géants du stockage. Ils savent que si nous parvenons à notre objectif, nous allons chambouler leur marché.

La densité sera seulement quatre fois meilleure, car viser tout de suite la capacité maximale théorique de l’ADN rendrait notre solution trop chère.

LeMagIT : Comment fonctionne votre solution ? À quel point votre puce est-elle prête ?

Murali Prahalad : Nous avons mis au point des cellules de mémoire à base de nanopores ainsi qu’un système capable d’y déplacer et d’y manipuler les données à volonté. Nous savons écrire des bits sur ce brin d’ADN et nous savons relire les bits que nous avons écrits. Il s’agit maintenant d’analyser les taux d’erreur. Ce sont des réflexions qui concernent l’optimisation du signal au regard de la densité. Il n’empêche : le système fonctionne.

« Nous sommes en train de construire les premiers prototypes de notre puce. »
Murali PrahaladPDG, Iridia

Nous sommes en train de construire les premiers prototypes de notre puce. Ils seront remplis de réactifs chimiques, mais la manière d’écrire et de lire des bits sera similaire à celle des puces CMOS. Si nos prototypes fonctionnent comme nous l’espérons et que nous obtenons les débits de données brutes que nous prévoyons, la production en série ne sera plus qu’un exercice d’ingénierie linéaire, qui consistera à augmenter au fur et à mesure des générations la densité de cellules de nanomémoire par centimètre carré, ainsi que le nombre de bits par cellule de nanomémoire.

LeMagIT : À quoi vont servir les 24 millions de dollars que vous venez de lever ?

Murali Prahalad : D’abord, nous allons embaucher. Nous ne sommes que 10 personnes et nous cherchons à doubler notre effectif en l’enrichissant d’experts en fabrication, en chimie, en traitement des signaux numériques, en science des matériaux, en enzymologie… Nous voulons recruter les meilleurs cerveaux et cet investissement nous permet d’être financièrement disposés à le faire.

Ensuite, cet investissement va aussi nous permettre de passer commande auprès des usines que nous avons sélectionnées pour construire notre puce.

LeMagIT : Pouvez-vous nous en dire plus sur vos relations avec Western Digital ?

Murali Prahalad : Nous sommes très reconnaissants de leur investissement, mais il ne s’agit pas d’avoir un partenariat exclusif avec eux. Bien entendu, ils seront présents à la table des discussions quand nous déciderons quels canaux de distribution et quelle stratégie commerciale nous devrons suivre. Pour autant, nous voulons travailler avec tout le monde. Nous aurons des générations successives, nous aurons sans doute d’autres acteurs qui s’intéresseront à nous. Mais pour l’heure, notre priorité reste vraiment la mise au point de la technologie et sa démonstration.

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