Nokia

Nokia pourrait licencier 11 % de ses équipes pour se transformer

L’équipementier européen entend recentrer son activité sur les boîtiers réseau télécom virtuels, à savoir des logiciels qu’il installerait dans les clouds américains. Une stratégie a priori inspirée par Accenture.

Nokia pourrait supprimer jusqu’à 11 % de ses effectifs d’ici à 2023, soit un licenciement de 5 à 10 000 personnes, afin de réaliser 600 millions d’euros d’économie. Cette économie correspondrait au coût de sa restructuration autour de nouvelles technologies, comme les infrastructures 5G en cloud.

« Nous assurer que nous avons la bonne configuration et les bonnes capacités est une étape nécessaire pour être durablement performants », déclare ainsi le PDG de Nokia, Pekka Lundmark, dans un communiqué.

En octobre, l’équipementier s’était déjà restructuré en quatre groupes d’activités : infrastructures de réseaux mobiles, infrastructures réseau, services cloud et réseau, ainsi qu’une entité dédiée aux autres technologies propriétaires de Nokia. Ce dernier groupe a en charge la mise au point de produits dédiés à secteurs verticaux précis, comme les centres hospitaliers ou les diffuseurs de média. Les suppressions de postes sont censées correspondre à la stratégie de croissance de chacun de ces groupes.

« Chacun d’entre eux a identifié une voie claire vers une croissance durable et rentable, et ils réinitialisent leurs bases de coûts pour investir dans leur avenir », insiste le PDG.

Se recentrer sur les boîtiers virtuels, installés dans les clouds américains

La restructuration aurait notamment pour objectif de miser sur le développement d’une infrastructure 5G virtuelle qui serait fournie depuis le cloud, donc physiquement installée chez les hébergeurs.

La restructuration – la deuxième en moins de dix ans – aurait notamment pour objectif de miser sur le développement d’une infrastructure 5G virtuelle qui serait fournie depuis le cloud, donc physiquement installée chez les hébergeurs.

En l’occurrence, Nokia a mis au point deux versions virtuelles de ses équipements RAN qui servent de passerelle entre les communications radio et les réseaux de données : O-RAN et vRAN. Ces deux solutions de type « Software-Defined » consistent à exécuter toutes les fonctions des boîtiers RAN sur des machines génériques. Un RAN s’occupe non seulement de router les communications, mais aussi de les chiffrer, d’assurer leur qualité de service, d’aménager des sous-réseaux privés.

O-RAN est le diminutif de l’Open RAN Alliance, un consortium auquel participe Nokia et qui standardise à sa façon la manière de virtualiser les fonctions d’un RAN, de sorte que toutes les solutions O-RAN soient interopérables.

La dénomination vRAN est quant à elle plus générique : les éléments sont virtualisés de la même manière, mais sans respecter nécessairement les spécifications de l’Open RAN Alliance. Typiquement, un constructeur choisira la manière qui lui convient le mieux de discuter entre le vRAN virtualisé en cloud et l’équipement réseau de transmission eCPRI (enhanced Common Public Radio Interface) qui se trouve au pied d’une antenne. En général, proposer du vRAN non conforme à l’Open RAN Alliance permet à un équipementier de continuer à vendre ses propres matériels au pied des antennes.

L’équipementier européen a simultanément annoncé des accords avec les principaux fournisseurs de cloud américains pour héberger ses RAN virtualisés. Chez Google GCP, ils prendront la forme de containers Kubernetes (alias Anthos, chez Google) qui s’interfaceront avec les services Google liés au Edge computing. Avec AWS, Nokia promet l’apparition d’une solution tout-en-un qui permettra aux fournisseurs de services (télécoms, ESN spécialisées…) d’héberger leurs applicatifs au plus proche de l’infrastructure. Chez Azure, enfin, les O-RAN et vRAN de Nokia seront embarqués dans les services Azure Private Edge Zones.

Dans tous les cas, il s’agit de dire aux entreprises qu’elles n’auront pas à recoller les morceaux entre les plateformes pour développer des projets Edge qui passent par les réseaux 5G. Citons la surveillance à distance des équipements urbains et industriels, le pilotage des systèmes en points de vente depuis le siège, etc. Ces projets seraient ainsi d’autant plus simples à porter pour les prestataires télécom.

À date, Nokia n’a pas annoncé de partenariat avec des acteurs du cloud européen. Nokia semble plutôt faire le pari que les géants américains auront suffisamment de présence dans les datacenters en colocation qui serpentent les territoires européens.

L’ombre d’Accenture plane sur la stratégie de Nokia

Selon les analystes, les nouvelles activités de Nokia dans le domaine du cloud, avec les services d’accompagnement réseau qu’il compte commercialiser autour, visent à sortir l’équipementier de la simple vente de produits. Cette stratégie de transformation – passer de l’ère des produits manufacturés à l’ère des produits distribués sous forme de services, avec un impact sur les métiers – est celle que prodigue habituellement le cabinet de conseil Accenture aux industriels, sous la dénomination Industry X.0.

Il existe d’ailleurs une collaboration entre l’Américain Accenture et Nokia pour ainsi « transformer les réseaux en profitant de l’essor de la 5G à l’horizon 2020 » qui remonte à 2016. Les deux groupes avaient cette année-là fondé la filiale commune Nokia Accenture Business Group. L’enjeu de celle-ci était de combiner les logiciels et les services mis au point par Nokia avec les capacités de vente et d’intégration d’Accenture ou, entre les lignes, de débarrasser Nokia de ses forces commerciales.

Outre réduire sa masse salariale, Nokia déclare que ses deux groupes liés aux infrastructures ainsi que celui dédié aux produits verticaux ne chercheront plus non plus à s’engager dans des ruptures technologiques.

Nokia a connu des difficultés économiques depuis le rachat de son concurrent Alcatel-Lucent, également en 2016. Plutôt que renforcer sa position sur le marché, cette acquisition lui aurait fait perdre des parts au profit d’Ericsson et Huawei.

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