AMD lance ses processeurs Epyc de troisième génération
Selon le fabricant, ils apporteront aux serveurs un fonctionnement 19 % plus rapide et de meilleurs dispositifs de sécurité. Leurs caractéristiques n’évoluent guère et leurs prix augmentent un peu.
AMD lance cette semaine la troisième génération de ses processeurs Epyc pour serveurs. Censés être toujours moins chers, moins énergivores et plus puissants que les Xeon d’Intel, les nouveaux Epyc 7003, alias « Milan », sont toujours gravés avec une finesse de 7 nm et grimpent toujours jusqu’à un maximum de 64 cœurs et 256 Mo de cache par socket. Il faudra attendre la génération suivante, Genoa, quelque part en 2022, pour des Epyc gravés en 5 nm et qui repousseront ces caractéristiques ; on parle dès à présent de 96 cœurs.
Les cœurs sont désormais des Zen3, que l’on trouvait déjà sur les derniers processeurs Ryzen qu’AMD fabrique pour les PC. Ils sont 19 % plus rapides que les précédents Zen2, ils sont interconnectés de manière plus optimale via un cache plus unifié et ils apportent de meilleures options de chiffrement pour protéger les machines virtuelles contre des cyberattaques.
Parmi les caractéristiques techniques, on décèle que le mode turbo – qui permet à un cœur de fonctionner brièvement à une vitesse plus élevée que l’habituelle – est légèrement plus vigoureux. Un nouvel Epyc 7643 à 2 GHz supporte par exemple que ses cœurs grimpent à tour de rôle à 3,6 GHz, alors que l’ancien 7642 à la même fréquence ne tolérait qu’une pointe à 3,3 GHz.
Ce lancement précède de quelques semaines celui des nouveaux Xeon Ice Lake d’Intel, dont on sait surtout qu’ils bénéficieront d’une nouvelle finesse de gravure en 10 nm. Cette amélioration, susceptible de bouleverser leurs performances et leur consommation d’énergie, complique à ce stade la comparaison entre les deux nouvelles familles de processeurs.
AMD avance, chiffres à l’appui, que ses derniers Epyc calculent jusqu’à deux fois plus vite que les actuels Xeon de son concurrent, dans des serveurs similaires. Historiquement, un processeur Epyc permet de produire des serveurs 30 % moins chers que leurs équivalents avec processeur Intel. Les serveurs Intel bénéficient en revanche de quelques caractéristiques exclusives, comme le fait d’utiliser des barrettes mémoire Optane.
20 modèles pour des serveurs bi ou monosockets
L’Epyc 7003 se décline en une vingtaine de modèles que l’on peut regrouper en trois catégories. Il y a celle des processeurs optimisés pour proposer un maximum de cœurs, afin d’exécuter un maximum de machines virtuelles. Celle des processeurs qui profitent d’un nombre réduit de cœurs, pour booster leur puissance de calcul sans pour autant que cela coûte en énergie et en dissipation thermique. Et celle des processeurs qui tâchent d’offrir le meilleur intermédiaire. Dans tous les cas, chaque cœur est capable d’exécuter deux threads en même temps.
Tous les Epyc 7003 ont en commun un chipset mémoire interne capable de gérer un maximum de 4 To de RAM, via 8 canaux DDR4-3200, ainsi que 128 liens PCIe 4.0. Ces derniers sont regroupés dans les serveurs par lots de 4 ou 16 selon les extensions, lesquelles vont des disques NVMe aux GPU, en passant par les cartes réseau.
Les processeurs Epyc 7003 sont composés de « chiplets » de 8 cœurs Zen3 qui entourent une mémoire cache L3 de 32 Mo. La différence entre les modèles se fait selon le nombre de chiplets – quatre ou huit – mais aussi selon le nombre de cœurs électroniquement désactivés dans ces chiplets. AMD explique qu’il désactive des cœurs pour respecter une enveloppe thermique. Les experts du marché s’accordent plutôt à dire que les cœurs désactivés sont généralement des erreurs de gravure, mais que les recycler dans les produits finaux permet au fabricant de maintenir des prix plus intéressants que ceux d’Intel.
Notons que la puissance perdue à cause de cœurs inactifs serait, selon AMD, vaguement compensée par la latence moindre dont bénéficieraient les cœurs restants pour accéder à leur cache commun.
Précédemment, les chiplets des cœurs Zen2 comprenaient également 8 cœurs et 32 Mo de cache. Mais ils étaient divisés en deux bancs de 4 cœurs/16 Mo de cache avec, dans chaque banc, 8 Mo qui servaient de zone d’échange des données entre les cœurs et 8 Mo dont chaque cœur se servait pour son cache individuel. À présent, les 8 cœurs Zen3 d’un chiplet sont sur un même banc et ses 32 Mo de cache reviennent à une zone d’échange de 8 Mo, plus 24 Mo disponibles pour les besoins individuels. On retiendra surtout qu’un cœur Zen3 peut avoir pour lui seul jusqu’à 24 Mo de cache, contre seulement 8 précédemment, ce qui peut s’avérer utile en production pour certaines machines virtuelles.
Des tarifs plus élevés que sur la génération précédente
Dans la catégorie des Epyc massivement multicœurs, on trouve cinq modèles dotés de huit chiplets. L’Epyc 7763 qui a tout ses 64 cœurs actifs à 2,45 GHz – ils supportent à tour de rôle des pointes individuelles jusqu’à 3,4 GHz – est le plus cher des 7003 avec un tarif de 7 890 $. Il atteint aussi la dissipation thermique maximale de 280 watts.
En dessous, le 7713 dispose également de huit chiplets de 8 cœurs actifs qui totalisent 256 Mo de cache L3, mais sa fréquence de 2 GHz lui permet d’abaisser sa dissipation à 225W et son prix à 7 060 $. Toutefois, ses cœurs sont individuellement capables de grimper plus haut, jusqu’à 3,675 GHz.
Ces deux processeurs remplacent les Epyc Rome contenant 64 cœurs, à savoir les 7742 (2,25 à 3,4 GHz, 225W, 6 950 $) et 7702 (2 à 3,35 GHz, 200 watts, 6 450 $).
On trouve ensuite l’Epyc 7643 qui n’a plus que 48 cœurs actifs – soit un prix qui chute à 4 995 $ – mais qui consomme toujours 225 W du fait de sa fréquence à 2,3 GHz, individuellement boostée à 3,6 GHz. Il remplace le 7642 qui avait les mêmes caractéristiques, mais coûtait lui aussi sensiblement moins cher, soit 6 150 $.
Entre les deux, l’Epyc 7663 est une bizarrerie : il n’a que 56 cœurs actifs (6 366 $) et sa fréquence est la même que celle du 7713. Pour autant, il consomme plus que lui, soit 240W. Ce processeur n’avait pas d’équivalent dans la génération Rome.
Tous ces processeurs sont conçus pour fonctionner sur des cartes mères bisockets. AMD a toutefois prévu une version massivement multicœur pour les serveurs monosockets : le 7713 P. Il s’agit exactement d’un 7713, sauf que son incapacité à fonctionner sur des serveurs bisockets lui vaut un tarif bien moins élevé, soit 4 995 $.
Nouvelle gamme F pour les processeurs qui privilégient la puissance brute
La catégorie des processeurs qui privilégient la puissance de calcul brute par cœur – en l’occurrence juste une fréquence plus élevée – est reconnaissable à la lettre F dans sa nomenclature. Cette catégorie n’existait pas précédemment dans le catalogue d’AMD. Privilégier la puissance plutôt que le nombre de cœurs disponibles en parallèle servira aux applications monolithiques qui ont besoin de performances, comme celles que le trouve en HPC ou en décisionnel.
Tout comme la catégorie massivement multicœur, ces processeurs se composent de huit chiplets, soit 256 Mo de cache. Mais le nombre de cœurs désactivés est bien plus élevé.
En haut de gamme, l’Epyc 75F3, à 4 860 $, dispose de 32 cœurs actifs fonctionnant en 2,95 GHz avec des pointes individuelles à 4 GHz. Tout comme le 7763, sa dissipation thermique est de 280W.
Les Epyc 74F3, 73F3 et 72F2 ont respectivement 24, 16 et 8 cœurs actifs avec une fréquence inversement proportionnelle, soit 3,2, 3,5 et 3,7 GHz. Le 74F3 dissipe 240W et coûte 2 900 $, tandis que le 72F3 dissipe 180W et coûte 2 468 $.
La bizarrerie ici est le 73F3. Étonnamment, il consomme autant que le 74F3 qui le surplombe et il coûte même plus cher que lui, soit 3 521 $.
Les cœurs de ces processeurs supportent tous des « boosts » ponctuels jusqu’à 4 GHz, allant même jusqu’à 4,1 GHz pour le modèle 72F3. Par ailleurs, tous ces modèles sont conçus pour des serveurs bisockets.
Les processeurs à quatre chiplets : le coin des bonnes affaires
La troisième catégorie est celle des processeurs à quatre chiplets. Sauf que la bizarrerie se situe cette fois tout en haut du tableau : le haut de gamme de cette catégorie, le 7543 dispose en effet de… huit chiplets. Il s’agit en fait d’un « sous-75F3 » dont les 32 cœurs actifs ne fonctionnent plus qu’à 2,8 GHz (pointes individuelles à 3,7 GHz) pour une dissipation globale de 225W et un tarif de 3 761 $. Gageons que le marketing d’AMD n’a pas souhaité mettre ce modèle dans la catégorie des processeurs optimisés pour le calcul, dans l’espoir que cela rendrait son catalogue moins illisible.
Le 7543 succède au 7542 qui avait une fréquence de base un peu plus élevée – 2,9 GHz (mais turbo à seulement 3,4 GHz) – et coûtait un peu moins cher, soit 3 400 $.
Avec 4 chiplets, soit 128 Mo de cache, l’Epyc 7513 possède 32 cœurs actifs à 2,6/3,65 GHz (200W, 2 840 $), les Epyc 7443 et 7413 ont 24 cœurs actifs à 2,85/4 GHz et 2,65/3,6 GHz (200W/2 010 $ et 180W/1 825 $), tandis que les Epyc 7343 et 7313 n’ont plus que 16 cœurs actifs à 3,2/3,9 GHz et 3/3,7 GHz, soit respectivement 190W pour 1 565 $ et 155W pour 1 083 $.
Ce sont ces modèles-là qui apportent le plus de bénéfices par rapport à la génération Rome. Dans celle-ci, on trouvait plutôt des 7532 (32 cœurs à 2,4/3,3 GHz, 200W) à 3 350 $, 7402 (24 cœurs à 2,8/3,35 GHz, 180W) à 1 783 $, ou encore 7 302 (16 cœurs à 3/3,3 GHz, 155W) à 978 $.
Tous ces processeurs sont prévus pour fonctionner dans des serveurs bisockets. Pour les monosockets, AMD a décliné les trois modèles 7543P à 2 730 $, 7443P à 1 337 $ et 7313P à 913 $.
Dernière bizarrerie, cette catégorie est complétée par un énigmatique Epyc 7453 qui, malgré ses quatre chiplets, n’a que 64 Mo de cache. Son nombre de cœurs reste pourtant élevé : 28, soit certainement un mélange de deux chiplets à 8 cœurs et de deux autres à 6, avec potentiellement seulement 16 Mo de cache activé par chiplet.
Avec une fréquence de 2,75 GHz et des pointes individuelles à 3,45 GHz, ce processeur dissipe 225W, soit autant que le 7543 qui a pourtant huit chiplets, 32 cœurs, quatre fois plus de cache et une fréquence sensiblement supérieure. Ces défauts sont compensés par un prix très bas de 1 570 $, soit sensiblement le même que celui du 7343 à 16 cœurs. Ce modèle n’avait pas d’équivalent dans la gamme Rome.
Des machines virtuelles et des applications critiques mieux protégées
Concernant les nouveaux dispositifs de sécurité, ils sont au nombre de deux. Afin de se prémunir contre les algorithmes de type Spectre, un mécanisme interne verrouille à présent la zone mémoire qui contient l’adresse à laquelle un programme doit revenir après avoir exécuté une sous-routine. Cette faille de sécurité, qui n’existe pas sur les machines Power ou ARM, a longtemps fait peser des soupçons sur Intel et AMD quant à leurs capacités à protéger les serveurs les plus critiques.
L’autre mécanisme de sécurité, intitulé Secure Nested Paging, enrichit les dispositifs déjà présents dans Rome et qui servaient à chiffrer le contenu de machines virtuelles en production. Auparavant, les machines virtuelles ne pouvaient pas s’attaquer entre elles dès lors que leur système utilisait un pilote AMD. Désormais, plus besoin de pilote : l’hyperviseur assure en amont cette protection. Accessoirement, cette technique empêche de lire le contenu d’une machine virtuelle depuis un autre hyperviseur qui n’aurait pas reçu la bonne signature.
Ces mécanismes de haut niveau, qui se traduisent par des instructions inédites lors de la compilation des applications, ont un revers technique. Ils empêchent les entreprises de construire des clusters de virtualisation avec des générations différentes de processeurs Epyc. Et encore plus de mixer dans un même cluster des serveurs AMD avec des serveurs Intel.