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Avec TrendMiner, Software AG mise sur les data scientists… et sur S4/HANA Cloud
TrendMiner, filiale de Software AG, a annoncé récemment une mise à jour pour son outil de self-service analytics dédié à l’industrie. Avec ces nouveaux atouts, l’éditeur allemand compte bien étendre son influence au-delà de l’industrie lourde et un partenariat avec SAP pourrait lui permettre d’atteindre son objectif.
TrendMiner souhaite enrichir son logiciel de self-service analytics. Celui-ci a été conçu pour les « experts opérationnels », des ingénieurs processus ou de production sur le terrain voulant analyser, superviser ou prédire la production ou le fonctionnement des équipements. L’outil s’interface avec les bases de données historiens du marché dont OSI Soft, AspenTech, Honeywell, GE Proficy Historian ou encore Wonderware InSQL. Mais le logiciel est en principe compatible avec n’importe quelles bases de données capables de gérer des séries chronologiques. « TrendMiner permet d’analyser toute donnée comportant un tag [un marqueur temporel dans une base de données time series N.D.L.R.] », assure Fabrice Hugues, directeur Innovation et Solutions chez Software AG.
TrendMiner est employé par les compagnies pétrochimiques, Total entre autres, pour interpréter les données de production en les rendant visuellement interprétables. Des algorithmes embarqués permettent d’établir des prédictions de production et d’éviter des pannes. Les courbes représentées peuvent être corrélées pour détecter des pics de consommation d’énergie sur des équipements spécifiques, ou analyser des causes profondes d’une anomalie.
« Le retour du Data Scientist »
Seulement l’outil façonné pour ses experts métiers manquait de fonctionnalités de partage avec les équipes de data science. « Au départ avec TrendMiner, nous avions pris le parti de dire que les data scientists sont excessivement rares et chers et qu’ils sont souvent éloignés des métiers. Nous nous étions focalisés sur la notion de self-service analytics pour donner des outils aux experts métiers », indique Fabrice Hugues. « Mais nous nous sommes rendu compte qu’il était dommage de séparer les data scientists et les ingénieurs. Nous cherchons à les faire travailler ensemble ».
C’est ce vide que la mise à jour R1.2021 vient principalement combler. TrendMiner peut désormais embarquer des notebooks en provenance de nombreuses librairies et frameworks Python, à savoir Pandas, NumPy, SciPy ou encore scikit-learn. Toute personne ayant des connaissances de développement de scripts dans ce langage a la capacité d’intégrer son notebook, ce qui permet aussi de générer de nouvelles visualisations comme des histogrammes, des heat maps ou des diagrammes.
Cette étape doit faciliter l’ajout d’indicateurs comme des seuils minimaux et maximaux, des courbes ou des droites représentant le fonctionnement normal ou encore les déviations standards. TrendMiner favorise l’automatisation de ces scripts Python selon des critères de périodicité, par exemple.
Ces analyses visuelles peuvent être partagées via DashHub, un environnement pour afficher différents tableaux de bord. Un essai gratuit est tout de même accessible.
En sus, il est possible de créer des modèles prédictifs non linéaires pour qualifier la qualité des données ou des processus, de réaliser des calculs de bilan massique (en chimie, c’est l’action de mesurer la quantité de matière première nécessaire à l’obtention d’un produit final N.D.L.R). Seule petite ombre au tableau, cette fonctionnalité dépend de DataHub TrendMiner et requiert une licence additionnelle par utilisateur.
De manière plus générale, la version R1.2021 doit améliorer la prise en charge ainsi que la gestion des fichiers PI Asset Framework (le format employé par OSIsoft pour enrichir les données de séries chronologiques) et CSV. Par ailleurs, l’éditeur complète l’administration des étiquettes (tampons, formules, agrégats, etc.). Les développeurs de TrendMiner ont également revu le système de partage de données et leur recherche. TrendHub notifie maintenant la raison des pertes des informations de supervision et prend en charge jusqu’à 10 facteurs d’impact. La nouvelle génération de TrendHub (NextGen ou 2.0) reçoit aussi son lot d’amélioration visuelle et de partage.
Le partenariat avec SAP : un coup de pouce supplémentaire pour TrendMiner
Software AG s’est fait connaître par ses capacités d’intégration, ses connecteurs et ses API. En 2017, l’éditeur allemand a pris le virage de l’IoT, ciblant plus particulièrement les groupes industriels après l’acquisition de Cumulocity IoT, une plateforme IoT originellement dédiée aux villes intelligentes et au facility management. Un an auparavant, il avait mis la main sur Zementis, une startup californienne spécialisée dans l’analytique prédictive et le data mining. TrendMiner a enrichi ce portfolio en 2018 et Software AG tente de combiner toutes ces ressources de data science pour ajuster ses solutions. Par exemple, l’éditeur a intégré les capacités de Zementis pour analyser le comportement des API.
« En tant que Software AG, historiquement nous sommes perçus comme des techniciens IT. De par son origine, TrendMiner nous apporte une expertise en matière de processus industriel : leurs employés sont des ingénieurs mécaniques, des physiciens, bref une population très différente des développeurs travaillant habituellement pour Software AG », estime Fabrice Hugues. « De notre côté, nous leur offrons des moyens commerciaux et marketing, ce qui a permis à TrendMiner d’avoir un levier important ».
Un autre de ces leviers a été présenté il y a peu lors de l’annonce par Software AG de ses résultats financiers de l’année fiscale 2020. Le numéro deux des éditeurs allemands a dévoilé un partenariat avec SAP, le numéro 1, pour connecter S/4 HANA Cloud à TrendMiner dans le but d’analyser les données time séries en provenance des activités supply chain.
« Nous savons tous que personne ne peut tout faire tout seul dans le cadre de l’industrie 4.0, ce domaine est bien trop complexe. Et nous devons apporter de l’innovation plus rapidement à notre clientèle », vante Franz Hero, Global Head of S/4 HANA Digital Supply Chain chez SAP lors de la journée des investisseurs organisée par Software AG le 23 février 2021.
De son côté, SAP propose SAP Analytics Cloud, un outil de self-service analytics/BI plus généraliste. Le groupe dirigé par Christian Klein a également renforcé son partenariat dans le domaine du PLM avec Siemens et pourrait très bien compléter son offre en combinant les thématiques PLM, IoT et analytique en collaboration avec Software AG.
« Nous avons noué un partenariat fort avec SAP pour que TrendMiner puisse bénéficier des capacités de volumétries et de traitement de données de la base de données in-memory SAP Hana. En revanche, ce produit est davantage employé en corrélation avec les solutions de l’éditeur dans la logistique ou la supply chain, par exemple. Nous allons pouvoir quelque peu étendre nos capacités en dehors de l’IoT et de l’industrie lourde », entrevoit Fabrice Hugues. « Par ailleurs, Stefan Sigg [Chief Product Officer et membre du comité exécutif de Software AG N.D.L.R] est le “père” de SAP HANA. Ce n’est pas pour rien que Software AG se pose la question de l’intérêt [d’une telle intégration] ».
Stefan SiggChief producer officer, Software AG
Selon Stefan Sigg, cet accord permet en principe de coupler des données des SGBD historiens et de les enrichir avec les informations contextuelles des systèmes de maintenance ou des ERP, et y appliquer des algorithmes. « Cela donnera la possibilité aux entreprises qui adoptent ce type de solutions de devenir elles-mêmes – tout du moins en partie – des éditeurs de logiciels et fournir des services en sus de leurs produits », renchérit Stefan Sigg lors de la conférence menée avec Franz Hero.
Globalement, Fabrice Hugues observe une multiplication des capteurs IoT et donc du volume de données time series dans l’industrie lourde, mais aussi dans la supply chain. En France, le dirigeant remarque une croissance des projets IoT. « Il y a eu beaucoup d’expérimentations et de PoCs dans le domaine de l’IoT, mais nous avons vu des entreprises sortir de cette phase au début de l’année 2020 avec la volonté de lancer des déploiements en production », affirme le responsable.
Financièrement, Software AG a connu une baisse de 3,8 % de son chiffre d’affaires entre 2019 et 2020 (834,8 millions contre 890,6 millions d’euros). La COVID joue en partie dans ce bilan, tout comme la vente de FTE, une ESN espagnole, mais il faut surtout mentionner le plan quinquennal Helix en cours, dont l’une des grandes phases tient dans un changement de licence perpétuel à un mode à la souscription.
En 2021, l’autre axe de cette stratégie réside dans un investissement de 30 à 40 millions d’euros dans son infrastructure IT pour renforcer sa sécurité d’une part et d’autre part pour assurer sa promesse commerciale de développer trois piliers : l’intégration et les API, l’IoT et analytique, ainsi que les services professionnels.