Discussions entre SAP et OVH : l’espoir d’un moteur franco-allemand pour l’Europe du numérique
L’éditeur allemand SAP et le cloudiste français OVH ont commencé à aborder la question d’un éventuel hébergement SecNumCloud de S/4. Capgemini est également de la partie. Le tout sous l’œil bienveillant des utilisateurs.
Lors du lancement de Rise – le grand programme d’accompagnement de ses clients vers le cloud –, SAP a dévoilé un accord avec les trois grands faiseurs du marché (AWS, Azure et GCP) et deux challengers (IBM et Alibaba Cloud). De quoi couvrir la quasi-totalité des demandes puisque les clients de SAP France intéressés par le cloud veulent presque tous, aujourd’hui, aller chez les hyperscalers, comme nous le confirmait récemment Frédéric Chauviré, responsable de la branche locale de l’éditeur.
Cela ne signifie pas pour autant que les clients ne s’interrogent pas sur d’autres options « locales » ou « souveraines ». Ni que SAP n’y pense pas.
Bien au contraire, même. Lors du débriefing de l’annonce de Rise avec le club utilisateur français (USF), Frédéric Chauviré s’est vu poser la question d’OVH. « Il n’y a pas aujourd’hui de plateforme SAP certifiée chez OVH », répond le responsable avant de compléter sa réponse d’un petit scoop : « on travaille et on discute avec eux, en direct et aussi avec des partenaires ».
Il ne s’agit que d’une phrase dans un échange d’une demi-heure. Mais elle n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. L’animateur de la session lui-même, Gianmaria Perancin (président de l’USF) a bien noté l’intérêt de son éditeur préféré pour cette option souveraine et française.
Frédéric ChauviréSAP France
« OVH est un acteur français et ça ne peut que m’intéresser de voir comment il va travailler avec SAP. Je ne peux que me réjouir d’entendre Frédéric Chauviré dire que pour l’instant, certes, rien n’est certifié, mais que [SAP] travaille avec eux, qu’un canal est ouvert. Et moi, je ne peux qu’espérer que ce canal débouche sur quelque chose… et j’espère plutôt tôt que tard », déclare-t-il au MagIT.
Le président de l’USF ne cache d’ailleurs pas un certain enthousiasme. « Je suis Italien. Je vis en France. Forcément, je suis fondamentalement Européen. Ma conviction profonde est qu’il faudrait avoir des acteurs européens qui soient capables d’offrir des alternatives fiables aux acteurs américains ou asiatiques », continue-t-il. « Du coup [ces discussions entre OVH et SAP], ça me donne envie de travailler davantage avec OVH (et c’est en cours). Mais aussi avec d’autres. Je pense à T-Systems ou à Atos, par exemple ».
S/4 chez OVH
Des discussions entre SAP et OVH semblaient naturelles pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les deux acteurs font partie de GAIA-X. Ensuite OVH monte en puissance : intégration d’Atos OneCloud, rapprochement avec Capgemini, lancement d’une marketplace applicative, accord avec Google (sur Anthos), association avec IBM et Atempo (pour une offre de « Stockage as a service ») et certification par l’ANSSI.
Enfin, OVH est, semble-t-il, en train de déployer S/4 en interne. Le cloudiste a recruté il y an et demi une Manager de Transition en Direction Comptable dont le titre et la mission officielle sont « Finance Stream Lead – déploiement SAP S/4 HANA ».
Or OVH comme n’importe quel client de SAP a deux options. Un déploiement cloud (dans les datacenters de SAP… on voit mal OVH aller héberger la solution chez AWS ou Azure). Ou sur ses serveurs. Mais dans le cas d’OVH, héberger S/4 sur son infrastructure revient à faire… du cloud.
S/4 sur OVH, début des discussions
Les discussions se sont donc officiellement ouvertes, posant le premier pavé d’un axe franco-allemand dans l’ERP cloud. Des discussions auxquelles Capgemini, autre acteur majeur de l’IT européenne, participe également.
« [Nous sommes] un partenaire stratégique d’OVH (pas uniquement dans le contexte de SAP). Et nous travaillons aussi de manière rapprochée avec SAP pour voir ce que représenterait le portage de ses solutions sur un cloudiste comme OVH », confirme Rémi Escourbanies, responsable du Centre d'excellence SAP de Capgemini France. « Pour l’instant, nous en sommes au début des discussions ».
Rémi EscourbaniesCapgemini
D’un point de vue du marché, une telle offre ferait sens. « Il y a un appétit des entreprises françaises pour aller vers les clouds de type OVH », constate Rémi Escourbanies. « Or aujourd’hui SAP n’est pas supporté sur ces plateformes. C’est une vraie réflexion, notamment pour les clients du secteur public qui sont encore pour la plupart sur les solutions ECC et qui vont – comme les autres – devoir migrer sur les autres solutions de l’éditeur [comme S/4] ».
Le secteur public pourrait donc s’ouvrir au cloud, « mais avec des contraintes beaucoup plus fortes quant à la localisation de leurs données », insiste bien Rémi Escourbanies. « Cela n’a pas été la priorité numéro 1 jusque-là, mais cela fait partie des sujets qui commencent à se concrétiser doucement ».
Officiellement, OVH préfère jouer la prudence. « Il n’existe à ce jour aucun partenariat commercial entre OVHcloud et SAP », insiste Sylvain Rouri, Chief Sales Officer d’OVH Cloud. « Il est toutefois naturel de se poser la question », ajoute-t-il dans un échange avec LeMagIT. De manière générale, continue-t-il, tous « les accords noués pour répondre aux enjeux de transformation et de souveraineté numériques vont dans le bon sens, en permettant aux entreprises de toutes envergures de combiner leurs forces au service du plus grand nombre ».
Un S/4 SecNumCloud qui aurait fière allure
Une certification de SAP sur OVH serait en tout cas une avancée majeure pour l’Europe du numérique. Et un accord gagnant-gagnant.
Gianmaria PerancinUSF
Pour OVH il serait une nouvelle confirmation d’un changement de statut après avoir été listé par IDC dans les acteurs majeurs mondiaux du IaaS (le seul européen en 2020).
Pour SAP, un S/4 SecNumCloud aurait fière allure dans son catalogue. Il serait de surcroît un signe différenciant majeur par rapport à ses concurrents (Salesforce et Workday en tête) qui ne proposent pas ce type d’options « souveraines » (même si Oracle propose un cloud « sur site » qu’il assure être « CLOUD Act-free »).
Et la demande réelle du marché dans tout cela ? L’offre pouvant créer la demande, l’éditeur allemand pourrait voir l’appétence des clients évoluer sous l’influence de RSSI qui auraient un nouvel argument à avancer à leurs DAF (le président de l’USF constate en effet une différence de sensibilité notable entre les deux fonctions). L’étendue de cette demande à venir est d’ailleurs, certainement, le point central des discussions actuelles entre les deux grands de l’IT européenne.
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