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GED : la e-signature progresse, mais n’a pas encore totalement conquis le B2B (étude)
Une étude intéressante d’Adobe dépeint la dynamique positive, mais contrastée, de la signature électronique. L’accélération des usages se traduit aussi dans l’écosystème par de nombreux mouvements (arrivées, refontes, rachats, rebrandings) de la part des acteurs du marché.
Effet des confinements, la signature électronique connaît une progression importante dans le monde et en France. C’est le constat que dresse Adobe – qui édite une solution de e-signature (baptisée Adobe Sign) – dans son baromètre annuel sur les tendances numériques (Adobe Digital Insights).
Mais derrière ce constat, la réalité de l’utilisation de ce type d’outils varie grandement en fonction des usages.
Côté face, la moitié des Européens disent avoir signé un document de manière électronique au moins une fois sur les deux années passées. Ce chiffre monte à 67 % en France. Et en Europe, les deux tiers des personnes sondées disent avoir augmenté le recours à ce type signature sur le second semestre 2020.
Autre signe de la progression de la e-signature, 40 % des Français qui l’ont utilisée en 2020 l’ont fait pour la première fois (52 % en Allemagne, pays qui semble plus tiède envers cette technologie). Mais un quart des répondants disent préférer, encore et toujours, une signature physique.
Une perception biaisée de la e-signature
Car côté pile, la technologie n’a pas encore réussi à s’imposer comme un incontournable.
En France par exemple, la e-signature est surtout utilisée pour des documents liés à l’ouverture de compte en banque, pour valider un investissement auprès de sa banque, pour la souscription ou le renouvellement d’une assurance ou encore pour un accord de prêt (des cas qui supposent souvent d’avoir déjà vu des personnes physiques en amont). Elle l’est en revanche beaucoup moins lorsqu’il s’agit du domaine de la santé ou d’un accord à valeur légale.
Cette dichotomie se retrouve dans le fait que la e-signature serait moins beaucoup moins utilisée dans les documents professionnels (12 % des personnes qui l’utilisent l’ont fait dans ce cadre) que pour des sujets personnels (81 %).
« La majorité des utilisateurs considèrent que les e-signatures sont pratiques, sûres et juridiquement engageantes. Ils continueront à les utiliser après la pandémie », note néanmoins Adobe. Mais cette réalité varie là aussi en fonction des pays.
En France, toujours d’après les chiffres de l’éditeur, cette « implication légale » de la e-signature n’est pas reconnue comme telle : à peine 41 % des utilisateurs la considèrent comme engageante, contre 80 % au Royaume-Uni et en Allemagne (et 66 % dans le monde).
Ce constat d’un biais se confirme dans les bénéfices perçus de la e-signature. Le premier d’entre eux est, de loin, le fait qu’elle serait pratique (pour 73 % des utilisateurs en France) et plus rapide pour (56 %). La motivation écologique (moins de papiers) n’arrive qu’à 44 %. Mais surtout l’audibilité du processus documentaire (qui a signé quoi et quand) et la sécurité par rapport à une signature papier (perte de document, falsification) ne sont tout simplement pas reconnues par les utilisateurs français (14 % et 15 %).
Logique similaire dans la numérisation des documents
En résumé, les Français signeraient plus électroniquement, mais pour des documents personnels, pour des raisons de praticité, sans réellement considérer qu’elle a une valeur légale ou des bénéfices dans un workflow numérique. Les paraphes papier si courants dans l’administration et dans certaines banques ont encore de beaux jours devant eux.
Connexe à la signature, le rapport d’Adobe note que les documents « importants » suivent une logique assez similaire.
Gautier HarmelAdobe
« 36 % des répondants européens sauvegardent des documents à la fois numériquement et physiquement – quand 33 % ne font appel qu’au stockage numérique », note l’éditeur qui possède une offre baptisée Document Cloud. Les répondants qui n’ont que des versions papier ne seraient plus qu’un petit tiers. Ce qui semble une évolution vers le numérique. Mais quand ils sont numérisés, « les documents sont stockés sur un ordinateur ou un disque externe » et moins fréquemment sur un cloud.
Et là encore, les bénéfices B2B de la numérisation semblent peu perçus (organisation simplifiée, recherche, backup, accessibilité en mobilité, partage, centralisation et archivage, etc.). Les documents dématérialisés sont surtout stockés sous cette forme… parce qu’ils sont arrivés numérisés.
« La digitalisation est un processus structurant et il existe aujourd’hui encore de nombreux workflows à dématérialiser », concède Gautier Harmel, Sales Specialist pour Adobe Sign qui y voit des gisements d’économies et de productivité à qui restent à exploiter par les entreprises. « Néanmoins, en B2B, nous observons que les commerciaux, les RH et les fonctions achats s’équipent de plus en plus ; avec une accélération nette l’année dernière en raison de l’augmentation massive du travail à distance », déclare-t-il au MagIT.
Un écosystème de la e-signature qui bouge
Reste que les acteurs de l’IT B2B se positionnent de plus en plus sur la e-signature pour répondre à une demande certes encore timide, mais en constante progression (très positif, Adobe parle de « boom »).
Chez Adobe, l’usage d’Adobe Sign (brique centrale d’un de ces trois clouds qu’est Document Cloud) a bondi de +300 % en un an.
Un des concurrents, Dropbox a racheté HelloSign en 2019 – avant d’en revoir l’ergonomie en novembre 2020. Autre acteur mondial de la GED, Box a annoncé début février 2021 vouloir acquérir SignRequest (qu’il rebaptisera Box Sign). Et dans son rapport annuel, Okta plaçait l’Américain DocuSign dans les applications mondiales les plus populaires de 2020 (au côté de Zoom).
Quant aux challengers locaux, ils ne manquent pas non plus. On peut citer la solution des Caennais de Yousign (disponible sur la marketplace SaaS d’OVH depuis mai 2020), celle des Parisiens d’Universign, des marseillais de Sell&Sign (Calinda Software) ou encore la pépite française de la gestion de documents d’entreprise (dont le stockage est certifié par l’ANSSI) Oodrive avec CertSign (devenu depuis Oodrive Sign).
Ces acteurs témoignent eux aussi de cette dynamique de l’offre qui, on peut le penser, finira par amplifier la croissance de la signature électronique et l’imposer beaucoup plus largement. Dans le B2B aussi.
NB : article mis à jour le 16/02/2021 avec une citation de Gautier Harmel (Adobe) faite au MagIT et l'ajout de la solution Sell&Sign dans les acteurs de l'écosystème.