Ordinateur quantique : La feuille de route d’IBM pour l’utiliser dès 2025
IBM sollicite les communautés Open source pour plancher sur la mise au point de runtimes bas niveau, qui permettraient d’écrire plus facilement des modèles applicatifs.
IBM vient de présenter sa feuille de route concernant la partie logicielle de son ordinateur quantique. Son ambition est de construire un écosystème en collaborant avec les communautés de développeurs de logiciels libres, réputés accélérer les projets. En l’occurrence, le fournisseur espère raccourcir les délais pour intégrer les systèmes quantiques et l’informatique classique. Cet effort devrait accessoirement contribuer à démocratiser la technologie quantique en la mettant à la disposition du plus grand nombre des utilisateurs non techniques des entreprises.
IBM entend répartir les efforts de développement sur trois niveaux. Au plus proche de l’aspect matériel, des développeurs de noyaux quantiques se concentreront sur la mise au point de circuits quantiques en relevant les défis de timing et d’intensité des signaux qui se posent.
Un cran au-dessus, les développeurs d’algorithmes quantiques devront configurer ces circuits pour qu’ils exécutent des algorithmes quantiques types, de sorte qu’ils offrent un avantage évident par rapport aux possibilités de l’informatique classique.
Le troisième étage comprendra les développeurs de modèles quantiques, qui programmeront ces algorithmes de base pour exécuter les tâches liées à des cas d’usage, notamment en chimie, en physique, en biologie, en finance et, d’une manière générale, en machine learning.
Selon certains analystes, cette segmentation des efforts de développement sur trois niveaux devrait servir à solliciter plus efficacement les éditeurs de logiciels et les grandes entreprises sur les projets d’applications quantiques.
« En segmentant les développeurs selon des catégories de travail, IBM fournit une organisation dans laquelle les entreprises vont pouvoir mieux se projeter », estime Chirag Dekate, analyste au Gartner. « Cela leur donne les clés pour savoir dans quelles compétences investir. »
Développer des runtimes pour rendre l’informatique quantique utilisable
Dans sa feuille de route, IBM prévoit ainsi de mettre à disposition de tous les développeurs son simulateur de circuits quantiques Qiskit. Disponible en ligne, ce « runtime » Qiskit « repense » la charge de travail quantique, de sorte que les programmes puissent être téléchargés et lancés depuis des serveurs classiques situés juste à côté d’un ordinateur quantique qui, lui-même, n’exécute qu’une toute petite portion de l’algorithme. Du fait de la criticité des temps de latence en réseau, il n’est pas possible d’exécuter un tel simulateur sur le PC d’un utilisateur tout en espérant le faire communiquer avec le processeur quantique.
Bob SutorEn charge de la division Quantum Ecosystem Development, IBM
« Qiskit est important parce qu’il détermine quelles fonctions peuvent être directement exécutées sur l’ordinateur quantique plutôt que simulées sur un serveur classique. Pour les développeurs, qui attendent d’ordinaire plusieurs mois avant que leurs algorithmes soient présentés à nos ordinateurs quantiques, cela signifie qu’ils sauront au bout de quelques heures à peine si leurs algorithmes fonctionnent », explique Bob Sutor, en charge de la division Quantum Ecosystem Development chez IBM.
D’ici à 2023, IBM prévoit de disposer de plusieurs familles de runtimes, chacun dédié à l’exécution d’algorithme sur un type particulier de circuit quantique. Ces runtimes seront basés sur les travaux des développeurs de circuits quantiques et de fonctions quantiques de base. Ils seront directement utilisables par les développeurs de modèles applicatifs quantiques, lesquels n’auront plus à se demander si l’interaction de deux fonctions ne risque pas de nuire à l’efficacité du circuit quantique.
« Ce principe des runtimes écrits selon les développements effectués au niveau des circuits quantiques semble être le premier pas vers une réflexion sur la manière dont les technologies quantiques peuvent être intégrées dans un environnement de production », commente l’analyste Bob Sorensen, spécialiste de l’informatique quantique chez Hyperion Research. « Il y a un moment en effet où il faut commencer à optimiser les maillons faibles afin de se rendre compte de ce que l’on peut véritablement faire pour gagner en productivité. »
Dans sa stratégie logicielle, IBM considère qu’il est primordial de créer et d’utiliser des outils Open source, quitte à en faire à terme des composants utilisables sous la forme de services cloud. Les runtimes seront par conséquent accessibles depuis des API disponibles en cloud.
L’enjeu de mettre l’informatique quantique à portée des entreprises dès 2025
Rappelons que les efforts sur le l’ordinateur quantique portent pour l’heure sur le fonctionnement des qubits, portés par des particules qui sont à l’informatique quantique ce que les transistors sont aux processeurs des ordinateurs classiques. Si IBM connaît jusque-là un certain succès dans l’assemblage d’un certain nombre de particules pour qu’elles fonctionnent ensemble, il reste à s’en servir pour dessiner un processeur (étage matériel), qui exécute des fonctions basiques (étage algorithmique), lesquelles servent à créer de véritables programmes (étage des modèles).
IBM avait présenté une première partie de sa feuille de route quantique en septembre dernier, en annonçant un calendrier de livraison de machines quantiques jusqu’en 2023. La société a promis de construire quatre systèmes quantiques, avec pour point culminant la sortie de son processeur Condor, qui contiendra 1 121 qubits. Selon IBM, Condor disposera d’assez de qubits pour exécuter enfin des algorithmes complexes. Il devrait ainsi être le premier à prouver qu’un ordinateur quantique permet d’obtenir des résultats utiles plus efficacement qu’un ordinateur classique, ce qui n’est pas encore le cas.
Selon cette nouvelle extension de la feuille de route, IBM espère à présent mettre au point un ordinateur quantique utilisable par toutes les entreprises dès 2025.