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Storage 25 : Les grands fournisseurs de stockage passent au cloud hybride
Les entreprises ont compris qu’elles devaient s’interfacer doucement avec le cloud, en commençant par le stockage. Un message parfaitement entendu par les fabricants de baies de disques, qui ont tous revu leurs offres.
Il existe deux raisons pour lesquelles les fournisseurs de solutions de stockage se mettent à vendre du cloud hybride aux entreprises. La première est qu’elles veulent en acheter. La seconde est qu’il se vend quatre fois plus de baies de disques du côté des hébergeurs de cloud que de celui des entreprises.
À la base, les entreprises voulaient du cloud tout court. Parce que confier tout le bazar des infrastructures, leur difficile maintien en production, leur facture électrique à rallonge, à des hébergeurs Internet moyennant un simple forfait mensuel, semblait une idée brillante. Mais elles ont rapidement déchanté.
Il faut adapter les applications qui vont chercher leurs données sur tel volume partagé, programmer des règles inédites de répartition de charge, trouver de nouveaux outils pour tout monitorer… Ce n’est pas seulement compliqué à faire, c’est aussi beaucoup plus cher. AWS, Azure et autres GCP coûtent moins quand on adopte leurs formats, à commencer par le stockage des données en mode objet plutôt qu’en mode fichiers.
Et puis – ce n’était pas très clair dans le contrat – les hébergeurs de cloud facturent au prix fort le moindre accès depuis l’extérieur. En l’occurrence, leur extérieur à eux, c’est-à-dire quand le salarié d’une entreprise veut consulter quelque chose depuis son bureau, quand un informaticien veut rapatrier l’e-mail qu’un collaborateur a malencontreusement effacé ou, pire, quand un outil métier local veut interroger une liste de données.
Alors, les entreprises se sont fait une raison. Elles conservent l’idée du cloud, qui présente entre autres l’avantage de rendre les données disponibles à tous les collaborateurs où qu’ils se trouvent – et ce n’est pas plus mal si le télétravail perdure. En revanche, elles prendront leur temps. Elles y mettront des applications spécialement écrites pour. Quand elles les auront écrites. Avec Kubernetes. Entretemps, elles vont doucement relier le cloud à l’existant.
Le cloud peut servir de réservoir peu cher pour les sauvegardes, pour les systèmes de secours qui ne coûtent que si on bascule dessus. Ces liens techniques ne demandent pas aux entreprises d’écrire quelque code que ce soit. Tant mieux. En revanche, ce sont les solutions de stockage qui doivent faire tout le travail : les baies de disques, les NAS, les infrastructures hyperconvergées doivent savoir déverser leurs contenus en ligne, en prenant garde que cela coûte le moins cher possible, et en donnant accès aux contenus comme s’ils se trouvaient toujours dans le datacenter.
Le système de stockage, à cheval entre le datacenter et les ressources en ligne d’un cloud public, devient hybride. Et c’est ainsi que les vendeurs de stockage ont étiqueté leurs solutions « Cloud hybride ».
80 % des capacités de stockage sont achetées par les hébergeurs, en marque blanche
Les fournisseurs se sont d’autant plus volontiers mis au diapason qu’ils ne peuvent ignorer l’émergence d’un phénomène plutôt inquiétant pour leur activité. Selon IDC, lors du troisième trimestre 2020, les entreprises ont acheté en tout l’équivalent de 18 900 Po de capacité-disque. Elles l’ont fait en se fournissant auprès des acteurs historiques : Dell dans 28,8 % des cas, HPE pour 10,8 % d’entre elles, NetApp, aussi, à hauteur de 9,4 %. Et puis Hitachi Vantara (5,6 % des ventes), IBM (4,6 % des ventes), sans oublier le Chinois Huawei qui a réalisé autant de ventes que NetApp. Pure Storage n’apparaît pas dans le classement de tête des vendeurs de stockage ; IDC le noie dans le dernier tiers des constructeurs plus ou moins connus des baies de disques. Si l’on s’en tenait à ces chiffres, tout irait aussi bien que ces trois dernières décennies dans le monde de l’infrastructure.
Seulement voilà. Simultanément, les hébergeurs de cloud ont acheté l’équivalent de 74 500 Po de capacité-disque. Quatre fois plus que les entreprises. Et ils n’ont pas du tout acquis les machines chez les fournisseurs historiques. Ils ont acheté des composants en marque blanche – des SSD américains ou non, des cartes mères venues d’Asie – et les ont assemblés eux-mêmes en baies de disques.
Financièrement, ce marché n’aurait pas été rentable pour les fournisseurs historiques. Les acteurs du cloud ont dépensé au troisième trimestre 6,4 milliards de dollars dans leur stockage, soit encore moins que les 6,77 milliards de dollars qui ont été facturés aux entreprises pour quatre fois moins de capacité. Il n’empêche, le cloud représente les quatre cinquièmes du volume des solutions de stockage.
Une proportion gigantesque que les constructeurs ne peuvent laisser échapper à leur contrôle. Ils ont trouvé le moyen d’en tirer parti : il leur suffit de vendre aux entreprises des versions virtuelles de leurs solutions matérielles, qui s’exécutent par-dessus les matériels en marque blanche des hébergeurs de cloud. Ces versions virtuelles étant la clé du cloud hybride, la boucle est bouclée.
Ce nouveau numéro de Storage s’intéresse à la mise en pratique de ce phénomène de cloud hybride parmi les fournisseurs historiques de stockage. Il est intéressant de noter dans les pages qui suivent que, en pleine crise pandémique, les entreprises ont plutôt fait le choix de se doter de baies de disques 100 % Flash prévues pour le stockage en mode objet, le protocole d’accès qui fait autorité dans le cloud.
Cela sonne de prime abord comme un paradoxe, puisque le stockage Flash est plutôt fait pour la rapidité, alors que le stockage objet pas du tout ; son avantage va plutôt aux fonctions d’accès, par index enrichi, pour retrouver plus précisément des données froides. Mais il existe une nouveauté dont tous les fournisseurs se sont emparés : les SSD QLC, fabriqués avec des composants NAND très peu chers, qui permettent de déployer de grandes capacités pour un prix raisonnable, tout en offrant plus de rapidité que les disques durs pour récupérer des informations.
Et ils tombent très bien ces SSD QLC, car ils permettent de déployer des solutions nativement compatibles avec le cloud – en mode objet, donc – tout en continuant de proposer des protocoles de stockage classiques, en NAS, voire en SAN. L’état de l’art du cloud hybride.