Workday
ERP : la gestion financière, grand défi de Workday pour 2021
Après une année 2020 de confirmation dans le HCM/SIRH, marquée cela dit par une percée logique dans la planification, s’imposer dans les outils de gestion financière et en Europe sera le grand défi de Workday pour l’année à venir.
Peut-on encore parler « d’étoile montante » pour Workday ? Plus vraiment tant l’éditeur, fondé par le créateur de l’ERP PeopleSoft, s’est imposé comme un acteur incontournable de la « nouvelle vague » des applications métiers. Mais cela ne signifie par pour autant qu’il n’a pas encore un long chemin à parcourir et de nombreux défis à relever pour devenir « un nouveau SAP ».
C’est un fait. Dans les RH, Workday est devenu leader sur son marché historique. Mais au-delà des terres du HCM, l’éditeur doit batailler pour s’imposer dans la gestion financière et dans la planification. Les deux domaines dans lesquels il s’est diversifié.
Et les deux domaines qui feront que 2021 sera, pour lui, une bonne ou une mauvaise année.
Workday Planning (ex -Adaptive Insights) : décollage planifié
Pour sa planification, Workday a cassé sa tirelire en 2018 pour mettre la main sur Adaptive Insights (pour 1,5 Md $) et combler ainsi le retard pris (de « deux à trois ans », évaluait alors Aneel Bhusri, le fondateur de Workday) dans le développement interne de cette brique stratégique.
« Si je devais changer une seule chose dans les décisions que nous avons prises, je commencerais par la planification avant la gestion financière », admettait Aneel Bhusri lors du Workday Rising Europe 2018.
Dans l’histoire de Workday, cette opération reste une exception. Contrairement à Salesforce qui achète cher des offres matures et installées qu’il retouche peu, Workday a en effet une stratégie d’acquisitions de petites entreprises à forts potentiels technologiques qu’il intègre patiemment à sa plateforme. Une optique qui évoque celle de ServiceNow (Salesforce et ServiceNow étant deux autres acteurs de la « nouvelle vague » de l’IT B2B).
Depuis, Adaptive Insights est devenu Workday Adaptive Planning. L’offre se positionne face à Anaplan, Oracle ou Tagetik – trois concurrents avec qui il partage la catégorie des « Leaders » dans le Magic Quadrant de Gartner (« Cloud Financial Planning & Analysis Solutions »).
Avec ses incertitudes endémiques et sa volatilité économique, l’année 2020 a été particulièrement propice à la planification financière. Ce type d’outils permet aux entreprises de tester et de modéliser de multiples hypothèses et scénarios transverses.
« Dans les transports, nous avons des clients qui ont des sujets de planification globaux, intégrant la fois la dimension des effectifs, du coût de ces effectifs, les prévisions de ventes, les projections financières en termes de CAPEX et d’OPEX », illustrait Pierre Gousset, VP EMEA Presales chez Workday au début de l’été.
Au mois de juin, Jérôme Froment-Curtil, Directeur général France de Workday, assurait également au MagIT que la plupart des prospects évaluaient « Planning ». Lors d’un évènement presse organisé de manière virtuelle en décembre, le VP Financials Product Strategy de Workday, Tim Wakeford nous confirmait que « compte tenu de l’année tumultueuse que nous avons traversée, il n’est pas surprenant que nous ayons vu une forte demande pour Workday Adaptive Planning ».
« Dès le début des confinements, l’incertitude s’est accrue. Les entreprises ont été obligées de se dire “et si ?” : et si nous devions télétravailler tout le reste de l’année ? Et si notre chaîne d’approvisionnement était interrompue pendant 60 jours ? », continue-t-il. « Cela a contribué à stimuler la demande. […] Grâce à ces différentes feuilles de route préétablies [avec Workday Adaptive Planning], les clients ont pu identifier les risques futurs, mais aussi rechercher de nouvelles opportunités », vante-t-il.
Tim WakefordVP Financials Product Strategy, Workday
Tim Wakeford ne partagera en revanche aucun élément pour quantifier cette progression – à part celui déjà donné par son président d’une multiplication par trente du nombre de modèles de scénarios lancés à fin mars.
La planification devrait être encore porteuse pour Workday en 2021. « Si de nombreux chefs d’entreprise connaissaient l’intérêt des outils de planification agiles avant la pandémie, celle-ci a mis particulièrement en lumière l’importance de pouvoir réagir avec une vision claire à de nombreux imprévus (comme les défaillances de fournisseurs, les interruptions de transport et les changements spectaculaires dans les habitudes d’achat des clients) », rappelle au MagIT Liz Herbert de Forrester Research.
Or, constate-t-elle, « de nombreuses organisations utilisent encore des solutions datées ou peu adaptées (comme Excel ou des outils personnalisés) et elles doivent [aujourd’hui] les moderniser ».
Workday ne devrait donc pas avoir de mal à croître sur ce segment cette année.
La gestion financière : réel défi pour Workday
Lors du même évènement presse de décembre, LeMagIT a posé la question de l’autre brique de diversification de Workday : la gestion financière.
« Les deux solutions les plus populaires au sein de notre base installée [en France] sont aujourd’hui la planification et l’analytique », nous confiait Pierre Gousset en juin. « Ce sont les deux qui ont le plus le vent en poupe. La crise a un effet accélérateur ».
En creux, on peut donc penser que la gestion financière n’aurait pas bénéficié d’une telle dynamique.
« La [brique] Finance a très bien démarré en France », nous assurait néanmoins Jérôme Froment-Curtil dès février. « Oui, cela prend en France », insistait le nouveau Country Manager France venu de l’éditeur hollandais d’ERP financier Unit4.
Pour Pierre Gousset, le « midmarket » français (ETI) – tranche basse que cible Workday – serait en attente de solutions de bout en bout : c’est à dire d’une brique finance intégrée à une brique RH avec de l’analytique en complément (ce que le marketing de Workday nomme le « Power of One »).
À l’opposé, les grands groupes (CAC 40, SBF 120) seraient plus enclins au « best of breed ». Mais, toujours selon Pierre Gousset, ils viendraient tout de même à cette offre financière en partant de la brique RH, via la gestion des dépenses et des approvisionnements (« expense ») et via la planification.
En tout état de cause, Workday serait « systématiquement consulté » (sic) dans les appels d’offres des grands groupes. « Nous sommes désormais les troisièmes de la liste », renchérissait à l’époque François Cadillon, VP Sales Europe continentale de Workday, sans citer ni Oracle ni SAP.
Là encore, début 2021, Tim Wakeford confirme. « D’après mes conversations avec nos clients partout en Europe, je pense que les entreprises cherchent à aller au-delà de la simple gestion des processus financiers et qu’elles veulent une meilleure visibilité, améliorer la consolidation financière et réduire les délais de clôture, instaurer un contrôle et un audit internes et assurer la cohérence des opérations mondiales », explique-t-il au MagIT.
Résultat, Workday revendique « plus de 1 000 clients sur Financial Management, dont 675 en production. Et chaque trimestre, nous avons gagné de nouveaux clients européens. En 2020, des entreprises comme E-Voyager, Veolia (Royaume-Uni) et OKAIDI sont passées à Workday Financials », illustre Tim Wakeford.
Pour Liz Herbert du Forrester, la brique finance reste néanmoins un défi de taille pour Workday. Et elle est souvent un moyen d’étendre sa présence chez les clients RH plutôt que d’en gagner de nouveaux.
Liz HerbertForrester Research
« Le premier produit – ou l’un des tout premiers – pour la majorité des clients de Workday avant d’aller vers la gestion financière reste le HCM », constate l’analyste. « Il y a eu quelques clients qui n’ont pris que la brique finance ou qui ont commencé par la finance, mais c’est une minorité ».
Pour elle, le produit est encore en pleine évolution, ce qui expliquerait une croissance réelle, mais pas forcément uniforme sur tous les marchés.
« Workday continue d’améliorer les capacités de son offre “Finance”. À l’heure actuelle, le produit n’est pas aussi mondialisé et localisé que le HCM. Les options d’hébergement sont également limitées, ce qui est rédhibitoire pour certains pays », liste Liz Herbert dans un échange avec LeMagIT. L’analyste avait déjà évoqué dans nos colonnes le cas d’une entreprise suisse intéressée par Workday, mais qui ne l’avait finalement pas choisi à cause de l’impossibilité de stocker ses données sur le sol helvète.
« À l’international, nous constatons un essor moindre de Workday Financials comparé aux États-Unis, son marché d’origine ».
Workday est cependant à pied d’œuvre, comme en témoigne la gestion de la paie localisée pour la France depuis 2016 (Workday Payroll). « Ils continuent d’investir en France, c’est un marché clef pour eux », conclut Liz Herbert.
Après une année 2020 de confirmation en Europe, marquée par une percée dans la planification, Workday devrait donc voir son année 2021 placée sous le signe de la gestion financière, une brique qu’il avait prévu de pousser en France et en Europe un peu avant la crise sanitaire.