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VMware poursuit le nouveau patron de Nutanix pour violation de contrat
VMware estime que Rajiv Ramaswami a violé ses obligations contractuelles en participant à des entretiens d’embauche avec son concurrent des infrastructures hyperconvergées, alors qu’il était encore son COO.
La rivalité entre VMware et Nutanix prend une nouvelle tournure devant la justice : VMware a intenté un procès à Rajiv Ramaswami, quelques semaines après qu’il l’ait quitté pour devenir PDG de Nutanix.
VMware a déclaré lundi soir avoir engagé des poursuites devant la Cour Supérieure de l’État de Californie, comté de Santa Clara, contre Rajiv Ramaswami. VMware n’a pas nommé Nutanix comme défendeur, mais a accusé son nouveau patron de « violations matérielles et continues de ses devoirs et obligations légales et contractuelles envers VMware ».
Nutanix a engagé Rajiv Ramaswami comme PDG le 9 décembre, après avoir cherché pendant trois mois un remplaçant au fondateur de Nutanix, Dheeraj Pandey, qui prenait sa retraite. Ce dernier a contribué à faire de ce pionnier des infrastructures hyperconvergées (HCI) une société dont le chiffre d’affaires dépasse le milliard de dollars, depuis sa création en 2009. Nutanix et VMware s’octroient la plus grande partie du marché des HCI. Rajiv Ramaswami était directeur de l’exploitation des produits et des services de cloud computing de VMware depuis 2016.
Le spécialiste de la virtualisation a publié une déclaration accusant « Rajiv Ramaswami d’avoir manqué à ses obligations fiduciaires et contractuelles envers VMware. Durant au moins deux mois avant sa démission, alors même qu’il travaillait avec la direction pour définir la vision et l’orientation stratégiques clés de VMware, Rajiv Ramaswami a également rencontré secrètement au moins le PDG, le directeur financier et apparemment tout le conseil d’administration de Nutanix pour en prendre les rênes. Il a rejoint Nutanix en tant que PDG deux jours seulement après avoir quitté VMware ».
Selon VMware, Rajiv Ramaswami a fait preuve de mauvais jugement et ses négociations avec Nutanix constituaient un conflit d’intérêts qu’il aurait dû révéler à l’éditeur : « VMware attend de tous les employés qu’ils honorent leurs engagements envers l’entreprise, et les cadres dirigeants devraient être tenus à une norme encore plus élevée ».
L’éditeur assure n’avoir engagé des poursuites qu’après avoir échoué à « résoudre cette affaire sans litige » en s’adressant à Rajiv Ramaswami et Nutanix. Mais VMware n’a pas révélé le but de son action en justice. Une personne connaissant bien l’affaire a toutefois déclaré que l’éditeur demandait des dommages et intérêts. Et d’ajouter que VMware a formulé des demandes en ce sens dans ses échanges avec Rajiv Ramaswami et Nutanix, après la divulgation de l’embauche. Mais selon cette source, Nutanix aurait considéré que ces demandes ne relevaient pas du droit californien.
Nutanix soutient de son côté que VMware a demandé à Rajiv Ramaswami de limiter son rôle de PDG et d’accepter de ne pas embaucher d’employés de VMware : « Nutanix et Rajiv Ramaswami ont assuré à VMware que M. Ramaswami était d’accord avec son obligation de ne pas prendre ou abuser d’informations confidentielles, et VMware ne prétend pas le contraire », a déclaré Nutanix dans un communiqué publié mardi : « toutefois, VMware a demandé que M. Ramaswami accepte de limiter l’exercice ordinaire de ses fonctions d’une manière qui équivaudrait à un engagement illégal de non-concurrence, et a demandé que Nutanix accepte de ne pas embaucher de candidats de VMware d’une manière que Nutanix estime contraire aux lois fédérales antitrust ».
Nutanix accuse également VMware d’essayer de refuser à Rajiv Ramaswami l’opportunité de devenir son PDG : « les poursuites de VMware visent à rendre illégal l’entretien d’embauche pour un nouveau poste. Nous considérons l’action malavisée de VMware comme une réponse à la perte d’un membre profondément apprécié et respecté de son équipe de direction ».
Et Nutanix d’ajouter que « M. Ramaswami est fier de son mandat chez VMware et compte de nombreux membres de l’équipe VMware parmi ses amis. Il est décevant de voir la direction de VMware le poursuivre en justice simplement parce qu’il a choisi de saisir l’occasion de devenir PDG d’une société cotée. Nous pensons que l’action de VMware n’est rien d’autre qu’une tentative infondée de nuire à un concurrent et nous avons l’intention de défendre vigoureusement cette affaire devant les tribunaux ».
La loi californienne est plutôt favorable aux changements d’emploi, et ne reconnaît généralement pas les accords de non-concurrence. La source qui connaît le dossier, a indiqué que Rajiv Ramaswami se verrait interdire des actions telles que le sabotage de VMware, le recrutement de collègues alors qu’il y est encore employé, le vol de secrets commerciaux ou la conduite d’affaires avec des clients au nom de Nutanix alors qu’il travaille encore pour VMware. Mais il a assuré qu’un employé n’est pas tenu de révéler qu’il cherche un emploi dans une autre entreprise.
La relation entre VMware et Nutanix a évolué d’un partenariat étroit à une rivalité féroce. VMware et sa société mère actuelle, Dell Technologies, ont aidé Nutanix à créer le marché des HCI. Avant que VMware ne développe son propre logiciel HCI vSAN, ses équipes de vente et de support recommandaient souvent à ses clients d’acheter les systèmes HCI de Nutanix comme moyen de gérer le stockage dans les centres de calcul fortement virtualisés. Les ventes de Nutanix ont également reçu un coup de pouce après la conclusion d’un accord OEM avec Dell en 2014, ce qui a considérablement renforcé la présence de la startup sur le marché.
Trois développements ont modifié la relation entre VMware et Nutanix. Tout d’abord, VMware a lancé vSAN en 2014, le plaçant en concurrence directe avec Nutanix. La même année, Nutanix a lancé son hyperviseur AHV qui est en concurrence avec l’ESX de VMware. Nutanix met gratuitement à disposition l’AHV avec sa pile logicielle, et permet aux entreprises de migrer d’ESX si elles veulent changer d’hyperviseur.
Puis Dell a acquis le géant du stockage EMC – le propriétaire majoritaire de VMware – en 2016. Alors que Dell a poursuivi son accord OEM avec Nutanix, ses ventes de logiciels Nutanix sur serveurs Dell ont chuté. Le système EMC VxRail HCI de Dell animé par vSAN est le principal concurrent de Nutanix, et Dell pousse ce produit vers ses clients.
Nutanix a également modifié sa stratégie commerciale, qui est désormais plus proche de celle de VMware. Tout en continuant à vendre ses propres systèmes HCI sous sa marque, Nutanix a rendu ses logiciels disponibles pour fonctionner sur tous les serveurs x86 et a établi des partenariats avec HPE et Lenovo, et courtisé les revendeurs Cisco.
Les PDG de VMware et de Nutanix n’ont pas manqué d’échanger ouvertement des piques. Lors de son discours d’ouverture de l’édition 2019 de VMworld, le PDG de VMware, Pat Gelsinger, a ainsi déclaré : « nous écrasons Nu… Je veux dire que nous gagnons sur le marché. Nous prenons de l’avance sur le numéro 2 ».
En réponse à cela, Dheeraj Pandey a accusé VMware, quelques jours plus tard, de « vendre beaucoup de vaporware ». Et d’affirmer l’ambition pour Nutanix de remplacer VMWare comme « Suisse de l’informatique » en fonctionnant sur toutes les principales plateformes matérielles.
Le dernier rapport du cabinet IDC sur le marché des logiciels HCI fait ressortir VMware est en tête avec 821 M$ de chiffre d’affaires (40,2 % de parts de marché) pour le troisième trimestre 2020, devant Nutanix à 513 M$ (25,1 %). Mais les chiffres d’IDC ont été pris dans la tourmente de la rivalité entre VMware et Nutanix. Dheepaj Pandey a ainsi critiqué les chiffres du cabinet pendant des années, les qualifiant de « funky » et affirmant qu’ils ne donnaient pas à Nutanix tout le crédit de ses revenus logiciels.
Suite à la dernière publication d’IDC sur le HCI ce mois-ci, David Sangster, directeur opérationnel de Nutanix, a publié sur LinkedIn un billet montrant, selon lui, qu’IDC créditait Nutanix de 28,4 % du marché des logiciels HCI, contre 14,5 % pour VMware. Ces chiffres, qui ne figuraient pas dans la publication d’IDC, incluaient les ventes de services de stockage non couverts dans les revenus de base du HCI.