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ERP : une année 2020 de transition dans un marché morcelé
Intelligence Artificielle, Machine Learning, Cloud, nouvelle philosophie de déploiement (« fixed scope, fixed price ») : 2020 restera comme une année de transition dans un contexte où les clients, selon qu’ils sont gros ou « petits », ont accéléré ou ralenti la modernisation de leurs socles applicatifs.
CX. Applications spécialisées. Collaboratif. L’ERP ne serait plus à la mode ? Pas grave, les modes passent ; l’ERP reste. C’est en substance ce que l’année 2020 a montré. Certes, c’est bien la collaboration et la cybersécurité qui ont fait l’actualité – à juste titre – mais les opérations – celles qui structurent le cœur des entreprises (la comptabilité, les RH, la supply chain, etc.) – n’ont pu être assurées qu’avec ces outils « socles », souvent anciens, mais encore vaillants. Avec cette crise beaucoup de dirigeants se rendent bien compte qu’il faudra tout de même les moderniser. S’ils ont du budget.
Dichotomie entre PME et grands groupes
C’est bien sur ce point de l’argent que les différences ont été les plus visibles en 2020. Alors que les grands groupes, qui disposent de réserves financières, ont accéléré leur « transformation digitale », les organisations de plus petites tailles ont dû mettre des projets en pause (comme l’analysait le responsable de SAP France, Frédéric Chauviré, dans nos colonnes).
Une même dichotomie existe entre les secteurs touchés (tourisme, aéronautique, etc.) et ceux plus épargnés, dixit Teknowlogy.
Ceci dit, la nature de l’ERP est en train de changer. Il devient plus SaaS, pour être plus flexible. Même si, comme nous le rappelait Liz Herbert de Forrester, le cloud est bien loin d’avoir pris le pouvoir.
L’ERP devient plus proche des métiers (avec plus d’applications opérationnelles développées sur mesure, et qui s’appuient sur ses données et ses processus). Il est aussi plus hybride (avec une philosophie davantage « best of breed », mais restant cohérente ; un grand écart rendu possible par la multiplication des outils d’intégration comme les connecteurs natifs, les API, les SDK, les iPaaS voire le RPA). C’est en tout cas le constat de Panorama Research.
L’IA se concrétise petit à petit dans l’ERP
Il devient aussi plus « intelligent », comme l’analyse un des experts les plus connaisseurs du marché, Franck Cohen, ancien de SAP et désormais conseiller spécial de Workday. L’Intelligence Artificielle infusée dans l’ERP automatise des tâches (réconciliation bancaire, etc.), sécurise la saisie des données (de factures par exemple avec de l’OCR augmentée), accélère les workflows et/ou les clôtures de compte.
Evan GoldbergExecutive Vice President, NetSuite
L’IA dans l’ERP « note » de plus en plus. Elle « score » (les candidats, les défaillances de matériel, etc.) et prévoit, même en milieu incertain comme cette année grâce à de nouveaux algorithmes de types LSTM.
Enfin, en s’ajoutant à l’automatisation, la compréhension sémantique et le NLP introduisent petit à petit de nouvelles UI plus ergonomiques (chatbot, barre de recherche en langage naturel). Pour Evan Goldberg, Executive Vice President de NetSuite, « la meilleure UI [pour un ERP], ce n’est pas d’UI du tout », résumait-il en octobre lors d’un l’évènement virtuel organisé par l’éditeur fixant ainsi une ligne directrice pour l’interface de l’autre ERP d’Oracle.
Pour Franck Cohen (Workday), c’est d’ailleurs l’IA qui fera la différence entre l’ERP « à l’ancienne » et les ERP « modernes », et qui poussera le marché vers le cloud (expliquait-il au MagIT cet été).
ERP cloud et ERP infusés
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ERP : « La crise accélère la tendance vers le cloud », Franck Cohen (Workday)
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2020, année de transition pour l’ERP cloud
Liz Herbert de Forrester est d’accord avec Franck Cohen. L’ERP cloud est effectivement le sens de l’Histoire. Mais nous sommes encore dans une phase de transition. Les résistances « culturelles » sont encore fortes, notamment en Europe et en France. Et, surtout, les produits des éditeurs ne sont pas tous matures en mode SaaS. Dit autrement, il existe une différence fonctionnelle significative entre le sur site (« on prem ») et le cloud.
Dans ce domaine, Oracle et Infor (désormais possédé par le géant industriel américain Koch) font partie des plus « cloudifiés ». Pour le premier, le chantier de Fusion est désormais achevé. L’heure est à la conception de fonctions plus avancées (avec de l’IA donc). Pour le second, la stratégie de micro-verticaux cloud (les CloudSuites) commence à porter ses fruits en Europe.
Quant à Workday, né dans le cloud, la question ne se pose pas. Mais il connaît une autre forme de transition et un autre défi : la transition vers la planification dynamique et le défi de la conquête de clients dans la gestion financière à partir de sa position désormais dominante dans le HCM.
SAP lui, a subi les foudres de la bourse, quand sa nouvelle direction a annoncé que l’éditeur allemand allait mettre les bouchées doubles dans sa R&D – au détriment du dividende donc – pour assurer sa transition vers le cloud et rendre ses offres plus lisibles. Ce chantier prendra plusieurs années a d’ores et déjà prévenu le nouveau PDG, Christian Klein.
« Hier c’était Oracle, aujourd’hui c’est SAP. Chacun son tour », résume en substance Forrester. Ce qui explique aussi la « Guerre de l’ERP » entre les deux éditeurs (lire ci-après).
En 2020, cette refonte des outils est en cours chez pratiquement tous les éditeurs, dont ceux du « midmarket » (PME et ETI). À commencer par le Français Cegid qui poursuite sa course aux 600 millions d’euros de CA dans deux ans. En Europe, le Hollandais Unit4 traduit aussi cette tendance.
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« Fixed scope, fixed price »
Une autre tendance forte de l’ERP en 2020 est la tolérance de moins en moins grande des clients pour les projets trop longs, qui ne tiennent pas les délais initiaux et qui crèvent le plafond des budgets.
Laurent Jacquemain lors de l'Inforum 2020SVP & General Manager Southern Europe, Infor
Pour emporter les marchés, les éditeurs vendent désormais des projets plus courts. Et à budget fixe (du moins sur le papier). La variable d’ajustement étant à présent les fonctions déployées dans le délai imparti.
Infor avait introduit cette philosophie lors de l’Inforum 2019 – une philosophie qui expliquait en très grande partie un accord avec Signavio, le spécialiste du Process Mining.
« Les clients ne veulent plus d’implémentations longues et coûteuses, avec un effet tunnel et des résultats qui ne viennent qu’au bout de trois ans et un lancement effectif au bout de deux ans », résumait parfaitement Laurent Jacquemain, SVP & General Manager Southern Europe d’Infor lors de l’Inforum 2020. « Nous souhaitons que les implémentations durent entre neuf et douze mois au plus. Et même dans les projets plus longs, il faut que l’on ait mis quelque chose en place au bout de neuf mois. Ce ne seront pas des implémentations complètes, mais on aura déjà un certain nombre de briques en place. Autrement, c’est trop long et les premiers résultats ne sont pas visibles ».
Même approche chez SAP. « SAP a investi très fortement sur les quatre années passées avec nos partenaires pour packager des implémentations par industrie. Ce type de package permet une approche “fixed scope & fixed price” pour S/4HANA », confirmait en novembre Frédéric Chauviré, Directeur General de SAP France au MagIT.
ERP War : « mon cloud est plus SaaS que le tien »
2020 restera aussi comme l’année où les deux géants du secteur – SAP et Oracle – se sont livrés à une guerre des chiffres et des mots (sur l’air de « mon SaaS est plus cloud que le tien »… et inversement).
Anecdotique ? Oui et non.
Liz HerbertVP & Principal Analyst, Forrester
Car cette rivalité traduit, comme évoqué ci-dessus, des évolutions de gammes de produits qui en sont à des étapes différentes, mais aussi une stratégie osée de SAP qui tente de « pousser » ses clients vers HANA et S/4 alors que ceux-ci n’en voient pas toujours les cas d’usages.
Ces clients, se sentant contraints, ne s’empêchent plus d’envisager d’autres options. D’où l’appétit d’Oracle, en embuscade. « Ce n’est pas un secret », constatait Liz Herbert de Forrester dans son échange avec LeMagIT, « la porte est ouverte ».
À noter que les personnalités des dirigeants clefs locaux – à commencer par celles de Gérald Karsenti (SAP) et de Karine Picard (Oracle) – ont préservé dans notre zone une forme de courtoisie « à la française », particulièrement bienvenue dans cette période troublée.
Oracle vs SAP en 2020
« Nous n’avons plus besoin de faire du marketing pour que les clients SAP viennent à nous » (Oracle)
Le responsable du SaaS d’Oracle venu de SAP confirme. L’éditeur américain se réjouit de la base in-memory HANA qui obligerait les clients de l’éditeur allemand à faire des « ré-implémentations » avec des « coûts énormes ».
ERP : « Oracle ne nous a pris aucun client » (SAP)
Dans la bataille de mots entre Oracle et SAP sur les résultats de leurs ERP respectifs, le directeur financier de l’éditeur allemand a répondu fermement, devant des investisseurs, aux affirmations de « défections » de ses clients pour Oracle. Il invite son concurrent à donner les noms.
« ERP War » : Oracle donne des noms de clients « pris » à SAP
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