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Red Hat fait ses adieux à CentOS Linux sous une volée de bois vert

La direction du projet CentOS a annoncé la fin de vie de CentOS Linux au mois de décembre 2021. Son sponsor Red Hat et donc IBM, son propriétaire, chercheraient selon les utilisateurs à mettre la main sur des clients captifs… d’une solution open source.

En 2014, Red Hat accueillait CentOS au sein de son écosystème d’OS Linux. Le groupe acquis par IBM avait embauché les principaux contributeurs au projet sous licence GPLv2. En parallèle, CentOS gagnait ses lettres de noblesse pour devenir l’une des distributions Linux les plus utilisées par les entreprises.

La semaine dernière, le comité responsable du projet a annoncé un changement de direction, c’est-à-dire l’arrêt des développements de CentOS Linux (RHEL chez Red Hat) pour se concentrer sur CentOS Stream, présenté en septembre 2019. La fin de vie de CentOS 8 (autrement dit RHEL 8) est programmée pour le 31 décembre 2021 au lieu de 2029 (l’EOL de CentOS Linux 6 date du 30 novembre 2020).

Or beaucoup d’usagers de CentOS Linux exploitent encore et toujours la version 7 qui ne sera plus prise en charge à partir du 31 mai 2024. Certaines entreprises avaient migré vers la mouture 8. De son côté, Red Hat avait dévoilé la disponibilité générale de RHEL 8.3. Dans les deux cas, les organisations devront migrer vers CentOS Stream 8, un « delta faible » pour celles passées sur CentOS 8, selon le principal contributeur au projet open source.

« Si vous utilisez CentOS Linux 8 dans un environnement de production, et que vous craignez que CentOS Stream ne réponde pas à vos besoins, nous vous encourageons à contacter Red Hat pour connaître les options disponibles », peut - on lire dans l’article blog dédié à cette annonce. De son côté, Red Hat met en avant des outils de conversion de CentOS Linux vers RHEL.

Red Hat joue aux gobelets magiques avec les cycles de développement de RHEL

Dans cette nouvelle approche, CentOS n’est plus une recompilation libre de RHEL, mais bien une étape vers la mise en production de l’OS dédié au serveur de Red Hat.

CentOS n’est plus une recompilation libre de RHEL, mais bien une étape vers la mise en production de l’OS dédié au serveur de Red Hat.

« [Ce changement] donne à la communauté des contributeurs de CentOS une grande influence sur l’avenir de RHEL. Et il élimine la confusion autour de la signification de “CentOS” dans l’écosystème de la distribution Linux », lit-on dans l’article cité plus haut. Traditionnellement Fedora, l’autre OS open source propulsé par Red Hat, servait cet objectif pour concevoir les versions de RHEL, puis les déclinés en systèmes libres sous l’appellation CentOS Linux.

Red Hat, bien évidemment à la manœuvre de ce changement, explique dans un communiqué séparé que CentOS Stream permet de « réduire la boucle de feedback entre les développeurs », offrant à tous ceux qui le souhaitent d’être entendu sur le futur de RHEL. L’éditeur prétend également faire de CentOS Stream l’OS adapté au cloud, aux microservices et aux méthodes DevOps.

Dans sa FAQ, les responsables du projet CentOS se veulent plus rassurants en indiquant que CentOS Stream aura « moins de bogues et plus de fonctionnalités que [la version précédente de] RHEL ».

À la recherche d’alternatives à CentOS Linux

Les organisations exploitant CentOS ne sentent pas forcément le besoin de passer par le support de Red Hat pour maintenir leurs environnements en production. Dans les commentaires de l’annonce, beaucoup y voient la main d’IBM qui chercherait à obliger les entreprises à adopter les services de sa filiale.

Dans un communiqué publié au moment de l’acquisition de Red Hat par Big Blue, les responsables de CentOS affirmaient que cette opération financière ne changerait rien à son activité. Aujourd’hui, certains en doutent et comptent les choix qui leur restent.

« Actuellement, il n’y a que trois options à considérer :

a) se convertir à RHEL et acheter les licences requises

b) migrer vers une autre distribution stable de Linux

c) retarder la décision de migration en conservant provisoirement CentOS 7 », résume un membre de la communauté des utilisateurs répondant au nom de Josip Deanovic.

La deuxième option fait déjà des émules. Gregory Kurtzer, le cofondateur de CentOS et meneur du projet de 2002 à 2005 en a profité pour créer une nouvelle fondation open source, nommée Rocky Linux, berceau d’un « système d’exploitation d’entreprise communautaire conçu pour être 100 % compatible bogue pour bogue avec Enterprise Linux », peut-on lire dans le descriptif publié dans un dépôt GitHub.

De leur côté, les soutiens du projet CloudLinux veulent proposer un fork open source dédié à RHEL 8 dès le premier trimestre 2021, pour la maintenir jusqu’en 2029, comme Red Hat et sa communauté l’avaient planifié au départ.

D’autres évoquent la possibilité de se tourner vers OpenSUSE, Debian/Ubuntu ou encore Oracle Linux, dans une moindre mesure. Bien conscient de cette éventualité, Red Hat entend élargir davantage les capacités de la version Developer gratuite de RHEL jusqu’alors réservée à des environnements de développement et de test sur un serveur physique. Par ailleurs, les responsables de la communauté de CentOS assurent que le code source de RHEL continuera à être publié sur le dépôt Git dédié à cet effet.

Ce n’est pas la première fois que l’avenir d’un projet open source se voit menacé par les décisions de son sponsor et sûrement pas le dernier. Cette situation révèle une fois de plus l’ambivalence de la relation des éditeurs avec la notion de logiciels libres.

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