Ordinateur quantique : Honeywell accorde prouesse et commerce
Le constructeur se félicite d’avoir atteint un score de performances deux fois meilleur que celui d’IBM. En attendant d’en prouver l’utilité, ce record sert surtout à lancer des offres commerciales.
Dans la course à l’ordinateur quantique, Honeywell enchérit au-dessus des derniers progrès d’IBM : sa machine atteindrait à présent un volume quantique de 128, alors que son concurrent se réjouit encore d’un score de 64. Cette annonce, qui ne dit rien de l’utilité de l’ordinateur quantique d’Honeywell, sert néanmoins de tremplin pour lancer des offres commerciales.
Le volume quantique est une méthode d’évaluation des performances d’un ordinateur quantique qui prend en compte son nombre de qubits et la quantité d’opérations que l’on peut lui soumettre avant que ses qubits ne deviennent des bits ordinaires. IBM se targue d’être meilleur sur le nombre de qubits et Honeywell sur la quantité d’opérations.
Pour parvenir à ce nouveau score de 128, l’ordinateur System Model H1 d’Honeywell dispose, d’une part, de dix qubits interconnectés, contre cinq ou six sur le précédent System Model H0, qui atteignait en juin dernier un volume quantique de 64. D’autre part, Honeywell a amélioré son système de lecture des résultats pour aller chercher des valeurs numériques avant qu’elles ne disparaissent.
« L’un des points-clés de notre architecture est la capacité de mesurer un seul qubit au milieu d’un circuit, sans détruire l’information quantique des autres qubits. Cela ouvre des possibilités inédites dans les algorithmes, avec des fonctions qui n’étaient pas utilisables jusqu’alors », se félicite Tony Uttley, le patron de la branche Honeywell Quantum Solutions.
La difficile évaluation des performances technologiques
Honeywell utilise, comme d’autres, la technique des ions piégés, à savoir fabriquer et opérer des qubits en chargeant électriquement des paires d’atomes dans un gaz et en les bombardant avec un laser. Son avantage est qu’il fiabilise le procédé – c’est-à-dire qu’il parvient à maintenir le système en opération plus longtemps – grâce à une puce QCCD de son invention, qui implémente tout son savoir-faire en matière de sondes de contrôle optiques pour milieux industriels. C’est l’amélioration de cette puce QCCD qui permettrait désormais de récupérer des résultats à mi-course.
Daniel NewmanAnalyste, Futurum Research
« Ce principe de circuit, avec mesure et réinitialisation des qubits à mi-chemin, est sans équivalent chez les concurrents d’Honeywell ; aucun autre acteur qui travaille sur la technique des ions piégés n’y est parvenu. L’avantage est que cela vous permet d’exécuter certains algorithmes avec moins de qubits qu’il n’en faut habituellement », commente Paul Smith-Goodson, un analyste spécialiste de l’informatique quantique au cabinet de conseil Moor Insights & Strategy.
Daniel Newman, analyste pour le cabinet d’études Futurum Research, est plus circonspect. Selon lui, il reste à faire la preuve qu’on puisse exécuter des algorithmes complexes avec un minimum de qubits : « c’est très bien d’atteindre un haut score en volume quantique, mais tout le monde s’intéresse plus à l’usage réel qu’au record de performances. Car, en fin de compte, que valent ces mesures compte tenu des différences fondamentales entre la technique d’Honeywell et celle d’IBM », interroge-t-il ?
IBM, de son côté, développe une technique radicalement différente, basée sur la supraconductivité de molécules d’aluminium cryogénisées. Elle lui permet aujourd’hui de construire un processeur quantique, l’Hummingbird, doté de 65 qubits. Devraient suivre l’Eagle à 127 qubits en 2021, l’Osprey à 433 qubits en 2022 et le Condor à 1121 qubits en 2023.
Déjà commercialisé sous forme d’abonnements
Au-delà de l’exploit technique, il y a surtout l’activité commerciale que chaque constructeur d’ordinateurs quantiques a déjà démarrée, alors même que ces machines sont pour l’heure incapables d’exécuter les algorithmes des ordinateurs classiques. Les acteurs incitent les entreprises à leur acheter du temps de calcul pour qu’elles s’entraînent, justement, à écrire des algorithmes.
Dans ce cadre, Honeywell vient de lancer une offre d’abonnement, censée permettre aux entreprises de mettre plus facilement à jour leurs tests à chaque nouvelle évolution. La promesse serait de faire des économies par rapport aux heures achetées ponctuellement.
« Sachant que nous repoussons sans cesse les limites, il était logique de proposer un plan d’abonnement ; c’est une pratique qui a de plus en plus cours dans le milieu de l’informatique », argumente Tony Uttley, en référence à la manière dont sont facturés les services en cloud.
Daniel NewmanAnalyste, cabinet d’études Futurum Research
Il y a en pratique deux offres d’abonnement : Standard et Premium. En version Standard, l’utilisateur a droit à huit heures de temps de calcul par mois, ainsi qu’à l’assistance des ingénieurs d’Honeywell. Ces ingénieurs sont présentés comme des physiciens et des théoriciens. En version Premium, on grimpe à seize heures.
« Une offre Quantum-as-a-Service, en somme. Pourquoi pas ? Cela devrait permettre à certaines entreprises de mieux intégrer les projets quantiques dans leurs plans de financement, voire inciter un plus grand nombre à tester en avant-première dans un cadre cohérent par rapport à leurs projets de cloud », estime Daniel Newman.
Parmi ses plus récents clients, l’ordinateur quantique d’Honeywell aurait séduit les laboratoires pharmaceutiques Merck et la société de conseil en logistique Accenture. Honeywell utiliserait lui-même sa machine dans sa division Aerospace & Performance Materials.
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