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Intel cède son activité SSD pour 9 milliards de dollars
SK Hynix, actuellement numéro 4 du marché des SSD, rachète toute l’activité NAND d’Intel. Ce dernier ne conserve plus que les produits de stockage Flash Optane. Jusqu’à quand ?
Intel a conclu un accord estimé à 9 milliards de dollars avec SK Hynix pour lui céder son activité de disques SSD et de mémoires NAND. Cette cession n’a pas surpris les analystes du secteur, qui ont eu vent de discussions l’année dernière, quand le PDG d’Intel, Bob Swan, avait publiquement déclaré que la société évaluait les options concernant la rentabilité cette division. Intel prévoit de conserver son activité distinctive de fabrication de modules Optane, lesquels reposent sur une technologie de mémoire 3D XPoint plus performante que la NAND et développée conjointement avec Micron Technology.
Les prix des mémoires NAND sont en baisse depuis 2018 – à l’exception d’un pic de courte durée au début de 2020 – ce qui favorise les acheteurs finaux au détriment des fabricants. Les analystes prédisent que la baisse des prix se poursuivrait jusqu’en 2021.
« Il est difficile pour les fabricants de NAND d’atteindre une rentabilité suffisante pour réinvestir dans le développement des prochaines générations de produits », commente l’analyste Joseph Unsworth, de Gartner. « Kioxia, par exemple, a fini par retarder son introduction en bourse en raison des mauvaises conditions du marché. Intel, quant à lui, a considéré qu’il devenait urgent de réaliser une telle vente. Les prévisions de tarifs pour les SSD se sont déjà détériorées, et nous pensons que les marges possibles pour les fabricants de SSD ne monteront plus au-delà du plafond atteint lors du précédent trimestre. »
SK Hynix deviendra le numéro 2 des SSD
Le fournisseur de semi-conducteurs SK Hynix, basé en Corée du Sud, obtiendra d’Intel son réseau de vente des SSD et des composants NAND, ainsi que son usine chinoise de fabrication des circuits NAND, à Dalian. L’ensemble de cette activité a généré, au cours du premier semestre de cette année, environ 2,8 millions de dollars de revenus, soit l’essentiel des 3 millions de dollars de CA enregistrés par la division d’Intel dédiée aux mémoires Flash.
Cette acquisition fera passer SK Hynix de la quatrième place du marché à la seconde place, avec 12,4 % des ventes de produits NAND désormais réalisées sous sa marque, juste derrière Samsung qui reste leader avec 33,7 % de parts de marché. Kioxia était jusqu’ici le numéro 2 (16,7 % de parts), suivi de Western Digital (14,2 %) et d’Intel (11,2 %), selon les statistiques du deuxième trimestre publiées par le cabinet Forward Insights.
« Le PDG d’Intel est un financier. Il sait que pour gagner des parts de marché, pour être plus compétitif sur un marché de matières premières comme celui des NAND, il lui aurait fallu faire des investissements énormes », observe Greg Wong, analyste de Forward Insights. « Du point de vue d’Intel, le retour sur investissement actuel ne justifie pas la poursuite de l’activité NAND, surtout quand ce marché est détenu par sept acteurs qui augmentent chacun la complexité des processus de fabrication et se disputent une maigre augmentation de la demande. » Selon lui, l’arrivée sur le marché d’un nouvel acteur, le Chinois Yangtze Memory Technologies Co. (YMTC), n’a fait que miner les prévisions de rentabilité des autres.
Jim Handy, spécialiste des semi-conducteurs au cabinet d’études Objective Analysis, pensait d’ailleurs que YMTC se serait mieux positionné que SK Hynix pour reprendre l’activité NAND d’Intel, ne serait-ce que pour atteindre un niveau de production similaire aux acteurs historiques. « Je spécule que le climat politique américain actuel aurait pu empêcher Intel de revendre ses usines à YMTC, qui est en partie détenu par le gouvernement chinois. »
Des conséquences minimes sur les clients finaux
Les analystes du secteur prévoient que l’impact de l’acquisition de SK Hynix sera minime pour les entreprises à court terme. En même temps, l’opération ne devrait pas être conclue avant un certain temps. Intel et SK Hynix espèrent obtenir les autorisations gouvernementales requises d’ici à la fin 2021, ouvrant ainsi la voie à l’acquisition par SK Hynix de l’activité NAND SSD d’Intel et du site de Dalian avec un premier versement de 7 milliards de dollars.
SK Hynix a l’intention d’acquérir le reste des actifs NAND d’Intel – y compris la propriété intellectuelle liée à la fabrication des wafers de NAND, les employés de la R&D et la main-d’œuvre de l’usine de Dalian – pour 2 milliards de dollars lors de la clôture finale, prévue pour mars 2025.
Jeff JanukowiczAnalyste, IDC
« Cette vente est une bonne chose pour les clients finaux. La consolidation contribuera à stabiliser le marché du stockage Flash base de NAND, avec un SK Hynix mieux placé pour faire croître son écosystème de partenaires et mieux supporter ses clients », estime Jeff Janukowicz, analyste chez IDC.
Les conséquences à long terme sont en revanche moins claires pour d’autres analystes, qui font remarquer qu’Intel et SK Hynix ne fabriquent pas les mêmes NAND. Les circuits de SK Hynix piègent la charge électrique, tandis que ceux d’Intel reposent sur des portes flottantes. On ignore si SK Hynix continuera à développer les deux technologies en parallèle ou si celle d’Intel est condamnée.
Intel redouble d’efforts sur Optane
En attendant, Intel affirme qu’il continuera à investir, à développer et à étendre son activité dans le domaine des mémoires Optane, des modules Flash basés sur une autre technologie, 3D XPoint. Intel a commencé à livrer des SSD Optane en 2017, puis des barrettes de mémoire persistante en 2019. Cette activité semble enfin prendre un peu de vigueur après un démarrage très lent, et les analystes écartent désormais l’hypothèse d’un abandon d’Optane par Intel.
« Intel a maintenu coûte que coûte ses produits Optane, car il estime que leur potentiel commercial finira par devenir très important », dit Jeff Janukowicz. « De plus, Optane permet de rapprocher le stockage des données de son cœur de métier, le processeur, ce qui peut en fin de compte l’aider à différencier ses produits face à une concurrence très agressive de la part d’AMD ou de l’écosystème ARM. »
« En effet, un système avec de la mémoire persistante bon marché sur le bus mémoire sera toujours plus performant qu’un système qui n’utilise que de la DRAM standard, et qui stocke les données en passant par le goulet d’étranglement des canaux d’entrée-sortie », approuve Jim Handy. « Intel a dépensé plusieurs milliards de dollars pour se donner cet avantage-là. Ils ne peuvent plus se permettre d’y renoncer. »
Jim HandyAnalyste Spécialiste des semi-conducteurs, Objective Analysis
Cela dit, Jim Handy reste convaincu qu’Intel revendra à son tour la branche Optane dès qu’il aura réussi à prouver aux autres fabricants que des produits commerciaux rentables peuvent en sortir. « Intel finira par se retirer d’Optane pour la même raison qu’il se retire aujourd’hui de la NAND. L’objectif des mémoires Optane est de coûter, à capacité égale, deux fois moins cher que les mémoires DRAM. Le problème est que les prix des DRAM fluctuent fortement. Les marges sur Optane seront donc toujours imprévisibles et probablement toujours relativement faibles, ce qui n’est pas bon pour les finances d’Intel. »