Atlassian accélère dans le cloud et augmente le prix des licences Data Center
Les clients d’Atlassian utilisant les solutions on premise de l’éditeur, ont exprimé leur inquiétude face aux projets de la société d’interrompre les licences Server et d’augmenter fortement les prix des offres Data Center.
Atlassian ne vendra plus de nouvelles licences pour les éditions Server de ses produits à partir de février, et mettra fin à leur support en février 2024. Les utilisateurs actuels de ces solutions auront la possibilité de passer aux versions cloud équivalentes. Cela concerne l’outil de suivi d’erreur Jira, Confluence (collaboration) et Bitbucket (CI/CD) ainsi que les versions haut de gamme estampillées Data Center.
Cependant, les utilisateurs qui souhaitent conserver les déploiements sur site avec les éditions Data Center ne sont pas au bout de leurs peines. Les prix de ces produits vont bientôt doubler pour les nouveaux abonnés, et les clients existants qui ont souscrit aux offres pour plus de 500 utilisateurs verront leur facture augmenter immédiatement de 15 % par rapport à la tarification précédente. Cette phase sera temporaire puisqu’Atlassian a décidé de loger tout le monde à la même enseigne. Tous les abonnés paieront les tarifs revus à la hausse après cette transition.
« Ces changements soutiendront le développement continu des produits cloud d’Atlassian », écrit Scott Farquhar, cofondateur et coPDG de la société, dans un article de blog posté le 16 octobre 2020.
Scott FarquharCofondateur et coPDG, Atlassian
« Vous avez besoin que nous allions plus vite et plus loin », ajoute le dirigeant. « Pour cela, nous annonçons des changements à nos offres Server et Data Center afin de nous concentrer sur notre objectif : devenir une entreprise “cloud-first” ».
En plus de développer de nouvelles fonctionnalités pour les éditions dans le cloud, cela permettra également à l’entreprise d’inclure un support prioritaire pour les abonnements Data Center, ce qu’Atlassian ne faisait pas par le passé, selon le post de Scott Farquhar.
Mauvaise surprise pour les clients sur site
Les utilisateurs n’ont pas tardé à faire preuve de leur mécontentement sur les forums Web d’Atlassian.
« Avant, un client pouvait essayer Jira on-prem pour seulement 10 dollars avec une licence starter », écrit Taylor Huston, ingénieur senior Atlassian chez une startup dédiée à la conduite autonome, auparavant employé par un partenaire d’Atlassian. « Maintenant, l’option la moins chère coûte, quoi, plus de 40 000 dollars ? C’est de la folie. »
Cela finira par nuire aux clients et aux partenaires d’Atlassian de petites et de moyennes tailles comme celui pour lequel Taylor Huston travaillait le plus, précise-t-il dans un autre article de blog.
« Je ne vois pas en quoi cette décision est motivée par autre chose que le fait d’essayer d’augmenter leurs profits. Ce qui est vraiment décourageant, car Atlassian est une entreprise à laquelle je dois beaucoup et que je veux vraiment respecter », écrit Taylor Huston.
L’auteur de l’annonce et les représentants de l’éditeur qui s’expriment sur les forums reconnaissent que ce nouveau positionnement tarifaire provoquera un bouleversement pour de nombreux utilisateurs. « Nous savons que tout changement peut être difficile, et nos équipes ont travaillé dur pour s’assurer que vous disposiez des ressources nécessaires pour y faire face et planifier l’avenir », se défend Brian Mayo, responsable du support client chez Atlassian dans un message adressé aux utilisateurs présents sur le forum. « Notre équipe est là pour vous aider ».
Selon la documentation de l’éditeur, les abonnés à l’offre Jira Data Center avec jusqu’à 500 utilisateurs paieront le même prix, soit 20 400 dollars, tandis que les nouveaux souscripteurs paieront 42 000 dollars. Les clients existants de la solution Jira Data Center avec jusqu’à 1 000 utilisateurs paieront 34 500 dollars, mais ce tarif grimpera finalement à 72 000 dollars.
Taylor Huston
L’entreprise qui emploie actuellement Taylor Huston utilise les éditions Data Center des produits Atlassian, dont Jira, et sera probablement en mesure d’absorber les augmentations de prix dans un avenir proche, assure-t-il dans un entretien avec SearchITOperations [Propriété de Techtarget, également propriétaire du MagIT].
« Nous avons beaucoup investi dans la pile Atlassian sur site, donc passer à autre chose serait très coûteux en termes de main d’œuvre », estime Taylor Huston. « Si Atlassian continue d’augmenter les prix à ce rythme et qu’une autre société propose une alternative viable et moins chère… peut-être [que nous en envisagerons d’autres]. »
La migration vers les produits cloud d’Atlassian : une option pour certains
La plupart des observateurs du secteur s’accordent à dire qu’Atlassian perdra probablement au moins quelques petits comptes au fur et à mesure de ces changements, mais de nombreuses entreprises plus grandes ou mieux dotées en fonds, comme celle de Taylor Huston sont, soit prêtes à payer le prix fort pour rester sur site, soit plus ouvertes à une migration vers le cloud qu’elles ne l’étaient par le passé. Atlassian estime que plus de 150 000 de ses clients, soit la majorité d’entre eux, utilisent déjà ses offres cloud, dont 90 % des nouveaux clients.
« Le risque qu’Atlassian court est de se mettre à dos quelques PME/ETI – ils ont une stratégie cohérente de pipeline “de la start-up à l’entreprise”, mais cela pourrait les bloquer au niveau du marché intermédiaire », estime Charles Betz, un analyste chez Forrester Research. « Cependant, cela concerne des entreprises de taille moyenne qui ont besoin de gérer des ressources sur site, et elles sont de moins en moins à le faire ».
Tyler Technologies, client d’Atlassian, utilise Confluence Server, Jira Data Center et Bitbucket Data Center sur site. L’entreprise a déjà prévu d’adopter les solutions cloud d’Atlassian au début de l’année 2021, avant le renouvellement de sa licence en juin.
« [L’annonce d’Atlassian] rend la migration plus facile à accepter », assure Jeff Green, CTO chez Plano, éditeur de logiciels pour les systèmes d’information du gouvernement texan. « Nous développons actuellement pour le cloud, et cette migration nous libère des blocages que nous rencontrions en essayant d’intégrer les outils dans le cloud avec ceux déployés sur site »
Certains clients souhaitent rester sur place pour des raisons de sécurité, de conformité ou de localisation des données, mais Tyler est une entreprise américaine et a commencé à faire confiance aux outils de sécurité basés sur le cloud comme Okta pour la gestion des identités et des accès.
Il y a des points de blocage, comme le fait qu’Atlassian exige un abonnement séparé pour s’intégrer à Okta via son produit Access. Certaines équipes chez Tyler utilisent des extensions tierces qui ne sont pas encore prises en charge dans les versions cloud de Jira et de Confluence.
« Je crois que cette annonce va demander à de nombreux développeurs de modules complémentaires de travailler dur pour résoudre le problème », prédit Jeff Green.
Les prix du cloud d’Atlassian sont également beaucoup plus élevés que ce à quoi les utilisateurs des éditions Server étaient habitués. Par exemple, Jira Server était proposé à 10 dollars par mois pour 10 utilisateurs. L’éditeur offre jusqu’à 10 places dans l’équivalent Jira Software Cloud, mais pour plus de 10 utilisateurs, une licence cloud Standard coûte 7 dollars par utilisateur, par mois, et une licence Premium 14 dollars par utilisateur, par mois. Des réductions de volume s’appliquent aux niveaux supérieurs, où une licence Standard coûte 5 $ par utilisateur et par mois, et une licence Premium 7 $, selon un porte-parole d’Atlassian.
Mais Atlassian offre une « remise de fidélité au cloud » pour les utilisateurs qui migrent des offres Server ou Data Center vers les équivalents sur le cloud, au moins dans un premier temps, et à condition que le client migre au moins 1 001 utilisateurs vers un abonnement annuel pour Jira ou Confluence dans le cloud. Jeff Green estime que ces rabais constitueront une incitation supplémentaire pour son entreprise à poursuivre sa migration.
Un autre analyste considère cette ruée vers le cloud comme inévitable, et la direction d’Atlassian a été claire à ce sujet.
« Cette tarification envoie le signal fort qu’Atlassian ne veut pas accommoder les clients on-prem, que l’éditeur a suffisamment de clients désireux ou prêts à migrer vers le cloud, et si vous n’aimez pas ça, dommage pour vous », affirme Tom Petrocelli, analyste chez Amalgam Insights. « Bonne chance pour trouver d’autres produits qui ne sont pas uniquement dans le cloud ou qui s’y dirigent rapidement ».
Les concurrents d’Atlassian tels que Microsoft et CircleCI proposent des options sur site pour des produits comme Azure DevOps, mais Tyler Technologies, qui va également commencer à remplacer Bitbucket par GitHub Enterprise de Microsoft, a constaté que Microsoft pousse aussi fortement les utilisateurs à passer au cloud. Jeff Green affirme que Tyler effectuera ce changement, en partie, en raison d’une réduction de prix sur GitHub que la société a reçue avec son accord de licence pour Visual Studio.
« Il est clair qu’ils [Microsoft] essaient de faire adopter GitHub à un plus grand nombre d’organisations, et ce sera leur principal outil DevOps », commente-t-il.
Des fonctionnalités encore manquantes dans le cloud
Pour l’entreprise de Taylor Huston, une migration vers les produits cloud d’Atlassian n’est pas envisagée. Selon l’ingénieur, les équipes IT utilisent des fonctionnalités qui ne sont pas accessibles de la même manière dans le cloud, notamment des environnements de test.
Atlassian a commencé à déployer le support de sandbox pour ses niveaux de licence Premium et Entreprise dans le cloud au début de ce mois, un environnement gratuit et dédié pour tester les changements de configuration, les applications et les nouvelles fonctionnalités. Cependant, alors que de nombreux environnements Sandbox sont en cours de création pour le niveau de licence Enterprise, les sandboxes sont pour l’instant limitées à une seule instance à la fois. Toutes les applications complémentaires utilisées avec les bacs à sable sont gratuites pour une période d’essai de 30 jours seulement, après quoi les utilisateurs doivent payer pour les utiliser ou recommencer.
Les représentants d’Atlassian étaient disponibles sur les forums pour répondre aux questions et aux critiques sur le terrain après la publication du blog pour essayer de rassurer les clients. Les représentants ont invité les utilisateurs, dont Taylor Huston, à rejoindre un groupe de « champions » Server nouvellement créé, destiné à faciliter la transition. Les membres de ce groupe seront mis en relation avec les responsables des produits cloud afin d’assurer la parité des fonctionnalités avec les produits sur site.
Un client de longue date de Jira et Confluence Server, dans une entreprise de taille moyenne comptant plus de 1 000 utilisateurs, et qui a demandé l’anonymat, estime que les prix des nouvelles offres Data Center semblent être trois fois plus élevés que ce que sa société paie actuellement, et que des services cloud équivalents pourraient être jusqu’à sept fois plus coûteux.
« Nous subissons un enfermement propriétaire et il est peu probable que nous sautions du navire », reconnaît cet utilisateur. Son entreprise va essayer de négocier avec Atlassian pour rester sur site. Cependant, il envisage, comme d’autres utilisateurs s’exprimant sur les forums d’Atlassian, la fin de vie des produits Data Center.
Cela semble peu probable dans un avenir proche, car Atlassian apportera certaines de ses fonctionnalités de cloud computing au Data Center selon la nouvelle tarification, mais ce sera une considération à long terme pour les clients qui ne veulent en aucun cas migrer vers le cloud.