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Low-code/no-code : les géants du cloud bousculent les lignes du marché
Alors que les géants technologiques comme Microsoft, Google et AWS se lancent sur le marché du low-code/no-code, les acteurs historiques tels que Pega et Appian veulent se différencier avec une politique d’ouverture vers les systèmes IT de leurs clients et l’intégration des métiers dans les cycles de développement.
Si la terminologie low-code/no-code est aujourd’hui utilisée par beaucoup d’éditeurs, elle renvoie originellement à des types de solutions de développement BPM, comme celles proposées à par Appian, PegaSystems ou encore Mendix. Ces produits sont habituellement confiés à des développeurs et des architectes, mais les éditeurs s’ouvrent de plus en plus aux métiers.
La pandémie de COVID-19 provoquerait dans certains cas une accélération des développements. Lors de ses deux dernières conférences, Appian a davantage mis en avant des applications construites rapidement pour répondre aux problématiques de ses clients comme les banques et les assurances. Lors d’Appian Europe, l’éditeur a présenté la solution Connected Claims, consacrée aux assurances.
« Il s’agit d’une suite d’applications intégrées et modulaires, qui automatisent le processus d’une demande d’indemnité, reliée à divers produits d’assurance », dont ceux couvrant les activités IARD (incendie, accidents et risques divers), selon Matt Calkins, PDG d’Appian. « En 2020, il est devenu essentiel de construire de nouveaux processus rapidement. Tout dépend de cette rapidité. Et c’est ce sur quoi nous travaillons depuis des années », ajoute-t-il.
Dans le cadre du Pega Forum France, Cdiscount a présenté son utilisation des applications CRM personnalisées de l’éditeur mises en place en deux semaines pendant le confinement, pour 400 à 500 conseillers de son centre de contact. PegaSystems a aussi mis sur le devant de la scène l’App Factory, le pan dédié aux citizen developers, des « développeurs métiers », de sa plateforme Pega Infinity.
Pega voit les développeurs et les architectes applicatifs comme des « coaches » possibles pour les néophytes du développement que sont les métiers. Dans la plateforme Pega Infinite, l’App Studio permet de les faire collaborer. C’est l’environnement dans lequel ces étudiants en conception d’applications manipulent des objets préparés par les responsables IT et les coaches. Les métiers peuvent créer des parcours que les utilisateurs de l’application suivront. Par exemple, lors du forum virtuel parisien, deux consultants ont présenté comment un employé peut simplement concevoir une application pour demander du matériel informatique nécessaire à une activité en télétravail, au lieu de passer par plusieurs fichiers Excel et une chaîne de validation par mail.
Microsoft, Google et AWS sur les plates-bandes de Pega et d’Appian
De son côté, Microsoft pousse de plus en plus les solutions liées à sa suite Power Apps, tandis que Google commence lui aussi à intégrer les solutions d’AppSheet à son portfolio d’offres, afin de faciliter la création d’applications métiers low-code/no-code. En juin 2020, AWS a lancé en bêta HoneyCode, une solution similaire accessible aux équipes métiers.
« La cible n’est pas la même », considère Sylvain Harault, Senior Director Sales Consulting Europe du Sud et de l’Ouest chez PegaSystems. « Un Appian et un Pega, c’est encore plus vrai pour Pega, se chargent de réaliser la transformation complexe [de systèmes] dans de grandes entreprises, à l’échelle internationale. Les hyperscalers sont des sociétés très techniques, mais qui offrent des services rapidement consommables pour répondre à des cas d’usage où les besoins de personnalisation sont moins importants ».
Sylvain HaraultSenior Director Sales Consulting Europe du Sud et de l’Ouest, PegaSystems
Sur le papier, cela semble être le cas. Pourtant, un Google défend à peu de chose près la même approche qu’un Pega, dans le sens où sa Business Application Platform combine les solutions d’AppSheet et celles d’Apigee. AppSheet s’adresse plutôt aux métiers, tandis qu’il faut être développeur pour pleinement utiliser les services de constructions d’API Apigee. Google a clairement la volonté de faire collaborer ces deux corps au sein de l’entreprise. Selon Sylvain Harault, cette approche « s’appuie sur des composants agiles, mais ne va pas aussi loin que ce que propose PegaSystems, pour l’instant ».
Avant cela, il faut introduire les méthodologies agiles auprès des développeurs, des métiers, et commencer par de petites applications. Si ces deux conditions sont réunies, alors deux semaines peuvent suffire pour bâtir une première application, selon Sylvain Harault. « Si vous voulez jouer au tennis et que vous tenez la raquette par le tamis, ça va être difficile », illustre-t-il.
« Ce n’est pas qu’une technologie, il y a une méthodologie à mettre en place. Si une entreprise veut démocratiser le développement, elle doit mettre en place une politique à l’échelle de l’organisation. Chez certains de nos clients, nous avons des gens qui ne sont pas forcément issus de la technique et qui réalisent le design et les parcours applicatifs. Par exemple, les scripts de parcours clients disponibles depuis notre plateforme sont directement utilisés par un manager d’un centre de contacts et il n’a pas besoin d’appeler l’IT. Il est complément autonome ».
Cependant, cette vision idéale ne s’est pas généralisée, selon le responsable chez Pega. En France, « c’est encore un sujet IT. Les prospects qui démarchent auprès de Pega sont encore beaucoup des responsables de l’IT. Ce qui est dommage, c’est qu’on perd l’utilisation métier. […] En France, je pense qu’il manque cette communion entre l’IT et les métiers. Certaines organisations ont déjà pris le pli, mais il y a encore peu d’engagements de la part des métiers ou des responsables qui souhaiteraient créer leur application tout seuls » […]
« Mais je pense que nous allons en voir de plus en plus. Nous commençons à le voir chez nos clients et Gartner indique qu’il y aura quatre fois plus de citizen developers que de développeurs professionnels en 2023, et que ces professionnels ne seront plus assez nombreux pour répondre aux besoins des entreprises », ajoute-t-il.
L’automatisation passe avant le citizen development
En attendant l’avènement du citizen development, les acteurs du marché low-code/no-code poussent en parallèle leurs avancées en matière d’automatisation des processus. Appian se met plus facilement en avant concernant ce sujet, car son but est moins de faciliter la démocratisation du développement que d’accélérer les pratiques des développeurs. « Nous allons faire en sorte que les développeurs existants soient beaucoup plus productifs », déclarait le PDG d’Appian au MagIT, en mars 2020.
Selon le dirigeant d’Appian, l’avènement du low-code/no-code va de pair avec l’(hyper)automatisation des processus via la RPA et l’intelligence artificielle. Google, Microsoft et AWS veulent eux aussi proposer des solutions similaires connectées à leurs produits. Selon le Magic Quadrant consacré aux plateformes low-code/no code publié en septembre 2020 par Gartner, « Microsoft a connu une large adoption de Power Apps en 2019, en partie grâce leur disponibilité dans les offres populaires Office et Dynamics 365 ». Pour rappel, Power Apps comprend Power Automate pour l’automatisation des flux de travail. Microsoft a d’ailleurs acquis l’éditeur RPA Softmotive dans le but de compléter cette solution.
Seulement, les actifs de l’entreprise sont divers et souvent dispersés à travers différents systèmes IT et réclament des intégrations avec d’autres produits, en dehors des catalogues des fournisseurs cloud. « Nous fournissons Appian Worflow, Appian RPA et Google AI. Mais si vous utilisez les solutions RPA d’Automation Anywhere, UiPath ou Blue Prism, elles fonctionneront de la même manière dans notre framework » vante le PDG d’Appian.
Matt Calkins assure également que les offres IA de Microsoft et d’Amazon sont compatibles avec la plateforme d’Appian. Cette stratégie d’ouverture trouve sa consécration dans l’approche « best of breed » (le choix des meilleures briques auprès de différents éditeurs) qui évite, selon le PDG, un enfermement propriétaire (technologique et économique) et de pénibles négociations auprès des géants technologiques.
Ouverture, intégration et politique tarifaire
En ce sens, le Gartner note dans son Magic Quadrant « qu’en octobre 2019, Microsoft a modifié les conditions d’admissibilité [à Power Apps], un changement qui a perturbé de nombreux clients et qui a semblé semer la confusion chez les partenaires commerciaux. Le maintien par Microsoft des droits de licence antérieurs pour les clients déployés a été utile dans certaines situations ». De plus, le cabinet d’analyse évoque la complexité des modèles de tarification et de licences de Power Apps, ainsi que les suppléments de facturation pour utiliser des services comme AI Builder. Enfin, « l’orchestration de processus plus complexes peut nécessiter l’utilisation de produits distincts tels que Microsoft Azure Logic Apps », écrivent les analystes.
Matt Calkins, lui, fait l’apologie de la portabilité apportée par des technologies open source comme Kubernetes. Il rappelle également qu’Appian supporte cette ouverture vers les technologies choisies par ses clients. « Je ne suis pas sûr que vous ayez une meilleure expérience d’intégration si vous achetez un groupe de produits chez un géant technologique », assure le PDG.
Matt CalkinsPDG, Appian
De son côté, Pega soutient une approche similaire d’ouverture vers les systèmes de ses clients et d’intégration fine entre ses produits. « Beaucoup de gens vendent des plateformes low-code/no-code, mais beaucoup de technologies cohabitent dans ces ensembles. Nous avons réécrit et intégré l’ensemble des briques que nous avons acquises au fil des ans » vante Sylvain Harault.
Cependant, les remarques concernant la gestion des licences que les analystes de Gartner émettent en direction de Microsoft ne veulent pas dire qu’ils épargnent Pega et Appian. Ils commentent les retours des clients de Gartner qui évoquent la difficulté de prévoir la tarification et le besoin d’un budget supplémentaire pour l’accompagnement au déploiement et l’assistance réservée à certains services avec PegaSystems. Chez Appian, la tarification a été revue pour inclure un modèle d’abonnement basique en réaction à la variabilité de la facturation observée chez les clients, toujours selon Gartner. Le chiffre d’affaires de l’éditeur est également alimenté par une large proportion de revenus issus de services professionnels.
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