Oracle Cloud & Microsoft Azure : les cas d’usage derrière l’accord historique
D’un point de vue stratégique, l’alliance surprise en 2019 dans le cloud entre les deux géants du logiciel faisait sens. Mais les cas pratiques qui impliquent les deux plateformes restaient flous. Plus maintenant.
En juin 2019, l’annonce a surpris. Oracle et Microsoft forgeaient une alliance inattendue dans le cloud, en créant des interconnexions entre leurs datacenters respectifs. D’abord aux États-Unis, puis au Royaume-Uni en septembre.
Depuis, ce sont les centres de données en Hollande qui ont suivi.
L’accord prévoit aussi une authentification unique, l’intégration et l’automatisation de la gestion des identités (il existait déjà un processus manuel, mais Oracle et Microsoft l’automatisent) et un support commun.
Rapidement, les analystes ont considéré l’opération comme profitable pour les deux géants de l’IT (et pour leurs clients communs). « Les entreprises vont avoir ce qu’elles veulent », avançait Holger Mueller, analyste chez Constellation Research, « elles vont pouvoir utiliser leur base Oracle de la manière la plus efficace [dans le cloud] et faire tout le reste avec Azure ».
Holger MuellerConstellation Research
Tout le reste ? Si d’un point de vue stratégique l’alliance faisait sens, d’un point de vue pratique la chose paraissait moins claire. Car même dans le cas d’une architecture classique (un développement sur site avec des technologies Microsoft sur une base sur site Oracle que l’on migre vers le cloud), les questions du multicloud, de la latence, des montées de versions et des mises à jour sur des cycles différents sur deux plateformes différentes restaient en suspens.
Certes, Microsoft et Oracle ont beaucoup de clients communs. Certes les deux sont présents dans les grands comptes. Et certes ils ont comme « ennemi » commun AWS. Mais les cas d’usage réels qui ont abouti à ce rapprochement méritaient donc d’être précisés.
C’est ce que Applications & Données (LeMagIT) a fait, à l’occasion du passage en Europe (plus précisément à Londres) de Clive D’Souza, le très courtois « Head of Product Management & Business Strategy, VMware & Azure Interconnect at Oracle Cloud Infrastructure » d’Oracle.
Trois cas d’usage pour un mariage
Pour Clive D’Souza trois cas d’usage principaux sont ressortis de la part des clients communs.
Cas d’usage 1 – C’est le plus évident, évoqué plus haut. « Un des cas d’usage les plus populaires est une application développée en .NET au-dessus d’une base Oracle qu’une entreprise veut migrer sur le cloud. Elle peut à présent la moderniser et la porter en gardant le code sur Azure et les données sur Oracle Cloud », explique Clive D’Souza (lire ci-après).
Cas d’usage 2 – Des entreprises peuvent vouloir faire de nouveaux développements en utilisant des services d’Azure (Cognitif ou autres) sur des données dans Oracle Cloud DB.
Clive D’SouzaOracle
Par opposition au précédent, « ce cas est essentiellement “cloud natif”, avec des clients qui veulent tirer parti de ce que l’Azure sait vraiment bien faire – comme Power BI, l’analytique et le tableau de bord. Ils veulent développer par-dessus cela. Mais s’il y a des données critiques – des données d’entreprise –, ils peuvent les séparer et les mettre dans une base Oracle ». Une configuration qui confirme l’analyse d’Holger Mueller de Constellation Research.
Pourquoi, dans cette configuration, ne pas plutôt choisir les services analytiques ou cognitifs d’Oracle Cloud – qu’Oracle a d’ailleurs abondamment mis en avant à Londres en février ? « Le choix de mettre telle ou telle partie de la stack applicative dans tel ou tel cloud dépend beaucoup de l’application et de la proximité du client [avec Oracle et Microsoft] », répond Clive D’Souza.
Cas d’usage 3 – Les entreprises auraient également demandé la possibilité d’avoir une pile de développement Oracle (Full Stack Oracle Enterprise Apps Development) – comme JDE, Hyperion, EBS, etc. – sur OCI, mais avec un middleware déclenchant des triggers et des alertes, de et vers une base SQL Server sur Azure.
3 questions à Clive D’Souza (Oracle) et un « Cloud Center of Excellence »
Ces trois cas d’usage ne font cependant pas oublier que le multicloud – même avec une interconnexion directe entre infrastructures – n’est pas simple à mettre en place. Clive D’Souza ne s’en cache d’ailleurs absolument pas.
Il parle au contraire d’un projet de transformation à long terme, dans toute l’entreprise, autour d’un « Cloud Center of Excellence ».
A&D/LeMagIT : Pour le cas d’usage n° 1, un gros problème est que le code d’une application est particulièrement sensible à la version de la base sous-jacente. Un ERP est clairement très sensible à cela. Donc quand vous modifiez la version de la base, il y a de fortes chances que vous deviez également retravailler le code.
Si j’ai mon code sur Azure et que la base se met elle-même à jour régulièrement – parce que c’est ce que fait votre base autonome sur OCI – comment est-ce que je gère cela ?
Clive D'SouzaOracle
Clive D’Souza : Entre la Autonomous Database et l’application, il y a une couche de gestion et d’orchestration (un « control plan » ou un « data plan »). Et dans cette couche, il y a des « triggers ». À chaque fois qu’un changement intervient – que ce soit côté code ou côté base, avec un patch par exemple –, une alerte est envoyée des deux côtés [N.D.R. : aux développeurs et aux DBA].
Mais ce que vous évoquez est une discussion plus large sur la manière dont on arrive à une forme d’excellence – un « Cloud Center of Excellence » – et comment on pérennise cela.
A&D/LeMagIT : Mais en conclusion, je vais devoir régulièrement toucher au code ?
Clive D’Souza : Oui… mais à nouveau : ce n’est pas qu’une simple question de base de données ou d’application. On entre là dans un modèle opérationnel cloud plus moderne (« modern cloud operating model »). C’est cela le « Cloud Center of Excellence ».
Quand vous en êtes là, avec ce nouveau modèle opérationnel cloud, vous entrez sur les terres du DevOps et du CI/CD. C’est obligé.
Et quand vous atteignez ces niveaux de déploiements et cette gestion très poussée des opérations, ce n’est pas pour faire une seule application. Cela irrigue toute l’organisation, sous la forme de microservices dans un modèle DevOps (on peut voir cela comme une tuyauterie très fine).
A&D/LeMagIT : Y a-t-il beaucoup d’entreprises en Europe qui ont atteint ce niveau de maturité ou n’en est-on encore qu’au tout début ?
Clive D’Souza : Ceux qui sont en train de bouger sont parmi les plus gros noms de l’industrie. Malheureusement, je n’ai pas encore le droit de vous les donner. Mais Suzanne Holliday [N.D.R. : présente lors de l’entretien] chapeaute les efforts de mon équipe pour l’Europe et vous ne devriez pas tarder à avoir des exemples publics.
Mais oui, il y a différentes maturités de PoC et de déploiements.
Ceci dit, à l’évidence, l’interconnexion à Amsterdam [N.D.R. : qu’Oracle a annoncé en début d’année] était un « must have » [pour faire décoller le cloud hybride entre Azure et OCI] en Europe. Et plus il y aura de régions et d’interconnexions, plus nous verrons de clients le faire [passer au multicloud].