Bonnes ventes, mais trop peu de profits : le PDG de Nutanix s’en va
Le fonds Bain Capital arrive à la rescousse du fournisseur pour éponger ses lourdes dépenses. Coïncidence, son investissement lui donne le droit de choisir un nouveau PDG.
Nutanix a deux nouvelles étonnantes : Nutanix a vu ses ventes bondir lors du dernier trimestre, malgré la pandémie qui frappe l’ensemble des acteurs de l’infrastructure, et son PDG, Dheeray Pandey, quitte son poste. Selon sa déclaration officielle, le télétravail forcé de ces derniers mois lui aurait fait mesurer combien il était bon de rester chez soi, en famille. Il part néanmoins sur un coup d’éclat : avoir convaincu Bain Capital d’investir 750 millions de dollars dans Nutanix.
Un tel investissement apporte à Bain Capital des pouvoirs de décision au conseil d’administration, à commencer par celui de choisir un nouveau PDG. Le départ de Dheeray Pandey était-il une condition sine qua non à cet investissement ? On l’ignore. Toujours est-il que Bain Capital s’est déjà constitué un beau portefeuille d’actions parmi les acteurs de l’infrastructure – citons Dynatrace, Kioxia, Rubrik, StorageOS et Sysdig – et on imagine qu’il lui serait utile d’avoir à la tête de Nutanix quelqu’un qui favorise les synergies.
Accessoirement, et même si les deux événements ne sont en rien liés, Hugues Heuzé, qui dirigeait les antennes françaises et nord-africaines de Nutanix depuis plus de quatre ans, a aussi récemment quitté ses fonctions. Il occupe à présent le même poste chez Pure Storage, un acteur qui chamboule autant le vieux monde du stockage que Nutanix l’a fait avec celui des serveurs.
Un chiffre d’affaires en hausse grâce au réinvestissement des bénéfices…
Concernant ses bons résultats, Nutanix vient d’atteindre un chiffre d’affaires trimestriel de 327,9 millions de dollars, soit plus de 9,3 % supérieur aux 299,9 millions de dollars qu’il avait atteints il y a un an. La raison la plus importante de ce succès en cette période pandémique est à chercher dans le principal cas d’usage de la solution d’infrastructure hyperconvergée du fournisseur : elle permet aux entreprises de virtualiser les postes de travail de leurs salariés pour qu’ils puissent continuer à utiliser leurs outils en télétravail.
À ce titre, Nutanix avait redoublé d’efforts dès le début de la pandémie pour mettre en place un plan d’urgence consistant à prendre tous les serveurs disponibles chez ses partenaires, afin de livrer en quelques jours à peine aux entreprises assez d’infrastructures pour que leurs activités continuent à distance. Selon les informations que LeMagIT a pu obtenir, Nutanix a ainsi séduit sur les trois derniers mois 780 nouvelles entreprises, portant le nombre de ses clients à plus de 17 000 aujourd’hui.
« Il est notoire que la stratégie de Dheeray Pandey a toujours été de réinjecter les bénéfices dans le développement de ses produits. Et cela a effectivement permis à la solution de Nutanix d’occuper une confortable position de No 2 sur le marché des solutions hyperconvergées derrière vSAN de VMware. D’autant que l’offre de Nutanix est vendue plus cher que celle de son concurrent, ce qui signifie que les clients ont confiance », indique Eric Slack, analyste pour le cabinet d’études Evaluator Group, au micro de nos confrères de TechTarget US.
L’une des politiques les plus retentissantes de Dheeray Pandey aura été d’opérer dès 2018 le virage de la vente par souscriptions, une démarche qui permet aux entreprises de lisser leurs dépenses sur de plus longues périodes. 88 % des clients de Nutanix auraient à ce jour basculé dans ce mode de paiement.
… Mais des pertes incessantes
Si les choix de Dheeray Pandey ont favorisé les ventes, les investissements qu’ils ont coûtés n’ont en revanche pas spécialement permis de constituer un trésor de guerre. Malgré son très bon CA, Nutanix affiche ainsi encore un bénéfice négatif. Ses pertes pour ce trimestre sont de 185,3 millions de dollars. Elles sont à peine moins importantes que celles enregistrées il y a un an : 194,4 millions de dollars.
Le trimestre précédent étant le dernier de son année fiscale 2020, le fournisseur a ainsi réalisé un CA annuel de 1,31 milliard de dollars – soit 5,7 % de mieux qu’en 2019 – pour 872 millions de dollars de pertes, contre seulement 621 millions de dollars de pertes en 2019. Pour Eric Slack, le problème est que ces pertes mettront plus de temps à être rattrapées à cause des ventes par souscription. D’autant que les contrats de vente précédents courraient sur des périodes de 3 à 8 ans, alors qu’ils sont désormais révocables tous les ans avec le modèle par souscription.
« Nutanix a fait quantité de bonnes choses. Mais cela a été au détriment des profits et selon certains, au détriment de sa pérennité », commente l’analyste, en référence aux ambitions très différentes que pourrait nourrir Bain Capital.
Un avis que rejoint l’analyste Naveen Chhabra, de Forrester : « Nutanix est une entreprise qui brûle beaucoup de cash, notamment pour investir lourdement dans sa R&D. Évidemment que, pour rivaliser avec VMware, il fallait beaucoup dépenser dans le développement de l’hyperviseur AHV, du système d’exploitation Acropolis et de la solution de sauvegarde Mine. Mais tout cela s’est fait au détriment de la profitabilité. À mon avis, l’arrivée de Bain Capital et le départ de Dheeray Pandey ne sont pas une coïncidence. Ils sont liés. Et je prédis que Bain Capital va placer au poste l’un de ses acolytes. »