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Course aux 7 nm : Intel réorganise ses équipes pour avancer plus vite
Suite à l’annonce d’un énième retard dans la mise au point des processeurs en 7 nm, le PDG d’Intel bouleverse l’organigramme pour éviter que, comme Apple, les constructeurs l’abandonnent.
Branle-bas de combat chez Intel. Dans un communiqué explosif, Bob Swan, le PDG du fondeur américain, annonce qu’il limoge son bras droit, Murthy Renduchintala, et qu’il redistribue tous les postes clés de ses moyens industriels. En cause : l’incapacité du fondeur à mettre sur le marché une nouvelle génération de processeurs Core (PC) et Xeon (serveurs) gravés avec une finesse de 7 nm.
Portés par la rentabilité de fabriquer des processeurs pour smartphones – dont les ventes dépassent celles des PC et des serveurs – ses concurrents asiatiques TSMC et Samsung ont atteint cette finesse de 7 nm dans leurs usines depuis 2018. Intel aurait dû y parvenir à la fin de cette année, pile au moment où TSMC et Samsung passeront à la génération suivante, celle de la gravure en 5 nm. Mais en fin de semaine dernière, Intel annonçait que ses usines ne seront finalement pas capables de produire des processeurs en 7 nm avant 2022, voire 2023.
La finesse de gravure des processeurs conditionne le nombre de cœurs et la consommation électrique des machines qui les embarquent. Cela signifie qu’à prix égal, les serveurs et les PC construits avec des processeurs autres que ceux d’Intel vont devenir de plus en plus avantageux en termes de puissance ou d’autonomie. A date, la majorité des puces Intel, notamment les Xeon, sont encore fabriqués en 14 nm, soit avec deux générations de retard sur le 7 nm, si l’on compte la génération intermédiaire en 10 nm qu’Intel doit généraliser dans son catalogue au début de l’année prochaine.
Une horizon qui se noircit pour Intel
Financièrement, les conséquences de ce retard peuvent être catastrophiques pour Intel. A la bourse, déjà. Son action vient de chuter sous la barre des 50 dollars, passant pour la première fois depuis 15 ans en dessous de celle de son concurrent AMD, valorisée à près de 69 dollars au moment où nous écrivons ces lignes. AMD ne fabrique plus lui-même ses processeurs depuis longtemps. Et il a même choisi TSMC pour le faire à partir de 2018.
Sur le plus long terme, c’est tout le chiffre d’affaires d’Intel qui menace de s’écrouler, car ses clients, les fabricants d’ordinateurs, suggèrent de plus en plus qu’ils pourraient se fournir ailleurs. Sur le marché du PC, Apple a récemment annoncé que ses Mac basculeront graduellement dès l’année prochaine sur des processeurs ARM, a priori fabriqués par TSMC. Selon Gartner et IDC, Apple serait le 4ème vendeur de PC dans le monde, ses Mac représentent environ 7% des ventes globales dans ce secteur.
Sur le marché des serveurs, chaque constructeur, Dell EMC en tête, a désormais à son catalogue des configurations à base d’Epyc, le concurrent signé AMD du Xeon. Il n’est pas possible d’étendre les clusters de serveurs Xeon déjà vendus aux entreprises avec des serveurs Epyc additionnels. Le moteur de virtualisation de VMware, en particulier sa fonction vMotion, ne sait pas les faire cohabiter. En revanche, ces parcs sont appelés à être intégralement remplacés tous les cinq ans. Et il est probable que les entreprises soient séduites de repartir avec des configurations Epyc qui leur permettent d’avoir 128 cœurs dans des machines 2U, contre seulement 56 en version Xeon.
Selon le bureau d’études Statista, Intel fournit aujourd’hui en processeurs 64,9% des PC et serveurs x86.
Il est même possible que le marché des serveurs se tourne, comme Apple, vers des processeurs ARM. AWS inonde déjà ses datacenters avec ce type de machines qu’il assemble lui-même. Des startups comme Bamboo proposent des configurations prêtes à l’emploi qui, grâce à la finesse de gravure, atteignent les mêmes performances que les serveurs Xeon mais coûtent 50% moins cher à l’achat, consomment 75% d’électricité en moins et occupent 80% d’espace en moins. Quant aux supercalculateurs, le fabricant d’accélérateurs Nvidia propose désormais des GPU compatibles avec les processeurs ARM, ce qui a incité l’Europe et la Chine à bientôt se doter de ces puces pour réduire l’énorme facture énergétique de leurs datacenters.
Distribuer moins de Xeon signifierait aussi pour Intel qu’il aurait moins de clients à qui vendre les composants qui ne vont qu’avec ce processeur, en particulier les barrettes DIMM de mémoire persistante Optane DC PMM.
Une nouvelle équipe de responsables
Alors que certains pronostiquaient qu’il prendrait bientôt la tête d’Intel, Murthy Renduchintala est donc sommé de rassembler ses affaires pour quitter définitivement le fondeur avant ce weekend. A la place, Bob Swan organise cinq postes qui devront lui rapporter directement la tenue des activités.
Ann Kelleher, qui n’a pas démérité pour faire tourner autant que possible les premières chaînes de gravure en 10 nm durant la crise du Covid-19, est la nouvelle CTO (directrice technique). Elle remplace Mike Mayberry, un pilier du fondeur depuis 36 ans, qui ne devait partir en retraite qu’à la fin de l’année. Ann Kelleher a sur ses épaules la responsabilité de moderniser les usines pour le 7 nm et même le 5 nm.
Keyvan Esfarjani est le nouveau responsable de toute la capacité de production des usines Intel. Il dirigeait jusque-là la production des mémoire Flash, une activité florissante qui a permis à Intel, selon le cabinet d’études Omdia (cités par nos confrères de Tekdeeps) de se hisser aujourd’hui à la seconde place des meilleurs vendeurs de disques SSD, avec 18,2% de parts de marché, derrière Samsung (30,5%) et devant Western Digital (11,2%). Le match serait même encore plus serré sur le segment des SSD d’entreprises avec 28% des ventes réalisées par Intel contre 32% réalisées par Samsung.
Reste à savoir si Keyvan Esfarjani parviendra à renouveler globalement les prouesses dont il a été capable sur le stockage. La fabrication des puces NAND pour SSD, qui consiste désormais à empiler verticalement des cellules identiques gravées avec une finesse d’environ 16 nm (processus GAAFET), n’a en effet pas beaucoup à voir avec la mise au point de processeurs où il faut dessiner majoritairement à plat des circuits de transistors avec le moins de nanomètres possibles (processus FinFET).
Josh Walden est maintenu à la tête des équipes d’ingénieurs qui conçoivent le design des processeurs. Du moins jusqu’à ce qu’Intel trouve quelqu’un de plus compétent que lui, précise, sans aucun ménagement, le communiqué.
Outre le fait qu’ils devront désormais rendre des comptes directement au PDG, Raja Koduri, en charge des logiciels, et Randhir Thakur, en charge de la logistique pour acheminer les produits des usines jusqu’aux constructeurs, sont maintenus à leurs postes respectifs.
On ne sait pas comment cette nouvelle équipe de choc va s’y prendre pour faire mieux que la précédente. D’autant que le problème industriel de graver des processeurs le plus finement possible semble plus économique qu’humain.
En effet, Intel investit en ce moment 7 milliards de dollars dans la fabrication de son usine capable de produire des composants en 10 nm, tandis que TSMC investit environ 17 milliards de dollars dans celle qui produira des composants en 5 nm. Les capacités d’investissement d’Intel proviennent des ventes de composants pour environ 72 millions de PC et 3,9 millions de serveurs par trimestre. Les capacités d’investissement de TSMC et Samsung proviennent de la fabrication de composants pour environ 300 millions de smartphones par trimestre.