Cloud@Customer : Oracle met à jour et diversifie son « cloud sur site »
Exadata Cloud@Customer devient « Autonomous ». Et l’offre de cloud sur site s’étend à tous les services d’Oracle Cloud – IaaS, PaaS et SaaS – avec Dedicated Region Cloud@Customer. Ticket d’entrée : 18 millions de dollars.
Depuis 2016, Oracle a répliqué certains services de son cloud public dans une appliance sur site, baptisée Cloud@Customer – une forme de cloud privé installé physiquement dans le centre de données des clients.
Cette offre s'adresse prioritairement aux secteurs très réglementés (comme la banque, l’assurance, al santé ou les services publics), ainsi qu’aux secteurs qui ont besoin de très fortes performances - voire de HPC - comme les télécommunications ou la recherche. Des secteurs où les clients ne peuvent pas toujours - ou ne veulent pas - passer au cloud public.
Oracle vient de faire deux grosses annonces sur cette offre de « cloud sur site ».
Première nouveauté, Cloud@Customer devient Exadata Cloud@Customer et se met au passage à jour. Désormais, il sera possible – mais pas obligatoire (lire ci-après) – d’y faire tourner Autonomous Database, la base autonome d’Oracle.
Deuxième annonce, l’offre va être « élargie » à la totalité des services cloud d’Oracle. Cette autre appliance s’appellera « Dedicated Region Cloud@Customer ». En clair, au-delà de la DBaaS, un client pourra bénéficier du IaaS, du PaaS et du SaaS d’Oracle, directement dans son datacenter.
Pour son cloud public, Oracle a construit un centre de données tous les vingt-trois jours au cours de l'année passée, rappelle Régis Louis, vice-président de la stratégie produit EMEA et JAPAC chez Oracle. Oracle en possède aujourd’hui vingt-quatre et en aura trente-six d'ici 2021. A noter que le mot « construire » doit être compris dans le sens « d’élaborer » avec des partenaires comme Equinix qui possèdent les murs.
Oracle semble en tout cas vouloir taper fort dans le cloud avec ces deux annonces coup sur coup qui, pour les analystes, le différencie de ses principaux concurrents.
Dedicated Region Cloud@Customer : un cloud entier sur site
« Certains clients ne peuvent pas adopter le cloud public pour des raisons de réglementation nationale ou sectorielle, ou pour des contraintes techniques », confirme Régis Louis. « Donc, pour les clients qui veulent adopter le cloud, mais qui ne peuvent passer au cloud public, nous offrons désormais une réplique exacte de ce que nous avons construit dans notre cloud public. Ce sont les mêmes services que ceux d’OCI Gen2 (NDR : Oracle Cloud Infrastructure) pour le IaaS, le même PaaS (IA, ML, analytique, etc.), et les mêmes applications (Fusions et SaaS) ; mais tout cela reste dans leurs propres centres de données », liste-t-il au sujet de Dedicated Region Cloud@Customer.
Régis Louis, Oracle
« Ces services sont disponibles avec les mêmes SLA, le même modèle de facturation, et le tout entièrement géré par Oracle, exactement comme dans notre cloud public », continue le dirigeant.
Dans son communiqué, Oracle qualifie « Dedicated Region Cloud@Customer », de « première région cloud totalement gérée disponible sur le marché qui permettra aux entreprises de bénéficier, dans leurs propres datacenters, de tous les services cloud de seconde génération d'Oracle […] pour un coût mensuel à partir de 500.000 $ ».
Le ticket d’entrée est en fait de 18 millions de dollars dans la mesure où l’engagement minimum est de trois ans.
Pour Régis Louis, l'expertise qu’Oracle a gagné en construisant son réseau de centres de données a été très importante pour le développement de ces Dedicated Region Cloud@Customers.
« C'est l'approche industrialisée que nous avons adoptée pour construire nos Régions qui nous a permis de le faire. Chez AWS, les régions sont différentes les unes des autres […] Oracle est unique sur ce point. C'est [ce qui explique que] nous sommes les seules à proposer tous les services de notre cloud public [dans une appliance] », assure régis Louis. « AWS ne met à disposition qu’un sous-ensemble limité de ses services dans le centre de données d'un client ».
« CLOUD Act (et Patriot Act) free » ?
Le responsable insiste sur le fait que son appliance – tout comme Exadata Cloud@Customer – est déconnectée du cloud public. La seule connexion vers Oracle Cloud, et donc les échanges de données, concerne les patches et les updates, ainsi que les données de télémétrie « pour détecter des problèmes éventuels ».
Les appliances n’en restent pas moins gérées par Oracle, « en remote » précise Régis Louis. Le contrat prévoit également l’intervention d’un ingénieur d’Oracle sur place si besoin. Le client, lui, endosse la responsabilité de la sécurité physique des racks et l’accès à l’espace dédié dans son datacenter (au minimum 200 m2).
La réponse à la question de savoir si cette offre – qui cible aussi les OIV – est soumise au droit américain est encore floue. Les données sont bien localisées physiquement et Oracle s’engage à ce qu’elles ne sortent pas des murs de l’entreprise. D’où le qualificatif d’offre « souveraine » qu’emploie Oracle.
Il est également possible de gérer soi-même ses clefs de chiffrement. Mais légalement, les choses ne semblent pas entièrement tranchées. Questionné par plusieurs journalistes français, Oracle France a promis de revenir avec une réponse claire sur cette dimension juridique.
Dans les cas les plus sensibles, Régis Louis évoque tout de même une solution radicale : la possibilité pour le client de couper totalement la connexion avec Oracle (mais dans ce cas, sans mise à jour ni supervision, est-ce encore un cloud ou un simple Engineered System ?).
Cloud@Customer devient Exadata Cloud@Customer
L'offre existante Cloud@Customer, elle, se part d'un préfixe – « Exadata » – pour la différencier de la précédente dont elle devient, en quelque sorte, une sous-catégorie.
Régis LouisOracle
Les capacités « autonomes » de la base de données d’Oracle sont désormais disponibles dans Exadata Cloud@Customers, alors qu’elles étaient jusqu’ici liées au cloud public.
Ce passage à Autonomous Databaqse reste une possibilité et pas une obligation. « Vous pouvez passer tout ou partie des bases d’Exadata Cloud@Customer [en autonomes], ou aucune », précise Régis Louis au MagIT. ette possibilité de différenciation concerne aussi les nouveaux clients. Une telle granularité est bienvenue car, comme le rappelle le responsable, certaines applications ne sont pas certifiées ou pas encore adaptées à la nouvelle base.
Nouveauté oblige, Oracle n’a pas encore de clients sur Dedicated Region Cloud@Customer (à part deux références qui ont bénéficié de l’offre en avant-première, Nomura Research Institute au Japon et Oman Information and Communications Technology Group). Pour Exadata Cloud@Customer, en revanche, Oracle revendique à date une centaine de clients dans le monde, et « une très forte présence en France », assure Régis Louis au MagIT. « Il y a une vraie appétence du marché européen - y compris dans le secteur public ».
Crédit Agricole et ASP sur Exadata Cloud@Customer
En France, dans le secteur public, l'Agence de Services des Paiements (ASP) a migré sur Cloud@Customer (version Exadata donc) début 2020. Et un des tous premiers utilisateurs en a été le Crédit Agricole CIB - la filiale banque d'entreprise et d'investissement du Groupe Crédit Agricole. « [La banque] a déjà consolidé les bases de données de ses applications financières sur Exadata Cloud@Customer au sein de son propre centre de données », raconte Régis Louis.
« En passant à Exadata Cloud@Customer, nous avons amélioré significativement les performances de notre système d'information comptable, ce qui nous permet d'effectuer notre clôture comptable avec beaucoup plus de souplesse et de diminuer nos coûts de fonctionnement », confirme pour l’occasion Pierre-Yves Bollard, Directeur Mondial de l'Informatique Financière chez Crédit Agricole Corporate & Investment Bank. Un autre client,
« Crédit Agricole CIB envisage à présent de passer à l'étape supérieure en migrant vers Autonomous », se réjouit déjà Régis Louis (lire par ailleurs : Comment le Crédit Agricole CIB utilise l’IA pour améliorer la conformité).
L’exemple de Crédit Agricole CIB ne serait pas isolé. « Dans un avenir proche, la plupart des entreprises prévoient de continuer à exécuter une partie de leurs workloads on-premise, dans leurs datacenters », insiste le communiqué de l’éditeur. « Les clients recherchent activement une architecture hybride qui offrent les mêmes services, les mêmes fonctionnalités et la même portabilité des applications entre les environnements cloud public et sur site. Mais [avant Dedicated Regions Cloud@Customer], aucune solution n'était en mesure de faire le lien entre ces deux types d’environnements. ».
L’avis des analystes
Dedicated Region Cloud@Customer ressemble un peu à AWS Outposts et à Azure Stack de Microsoft, mais avec plusieurs différences, constate Deepak Mohan de IDC. « Azure Stack est disponible sous forme de service managé, mais les clients peuvent également gérer eux-mêmes le système et acheter du matériel auprès de plusieurs fournisseurs ».
« AWS Outposts et Azure Stack ciblent également des workloads à plus petite échelle », continue l’analyste, « alors que [les appliances d’Oracle] sont destinées aux cas d'utilisation à grande échelle, dans des secteurs fortement réglementés comme la finance ou la santé ».
Deepak MohanIDC
Pour lui, « c’est une nouvelle direction pour les fournisseurs de cloud public, qui n'offraient jusqu'à présent que des versions limitées de leurs services dans les locaux des clients ».
En ce qui concerne Exadata Cloud@Customer, Carl Olofson, un autre analyste d’IDC, estime que « Autonomous Database on Exadata Cloud@Customer est actuellement ce qu’il y a de plus avancé à ce jour sur le marché ».
Avancée certes, mais l’existant peut ne pas suivre. Justement, pour les clients qui ont des solutions sur site, Oracle a en parallèle certifié plusieurs de ses applications (Siebel, PeopleSoft et JD Edwards) pour Autonomous Database.
« Même si des clients utilisent encore des applications sur site, ils peuvent à présent profiter de certaines capacités d'automatisation "as-a-service" au travers d’Autonomous Database sans avoir à migrer vers le SaaS », entrevoit Doug Henschen, analyste de Constellation Research. Une initiative qui devrait, d’après lui, satisfaire et attirer une partie non négligeable de la base installée d'Oracle.
En collaboration avec les rédactions de ComputerWeekly et de Search Cloud Computing (groupe TechTarget également propriétaire du MagIT)
Article mis à jour le 10 juillet 2020 à 18h avec la référence à l'ASP et le schéma du datacenter d'un client Cloud@Customer