Intel, Kioxia et Western Digital renouvellent leurs SSD
Les trois challengers de Samsung sur le marché des fabricants de SSD ont dévoilé leurs nouvelles gammes de disques Flash, respectivement en PCie 4.0, SAS et PCIe 3.1.
Intel, Kioxia et Western Digital lancent ces jours-ci de nouvelles gammes de SSD NVMe et SAS pour serveurs qui repoussent les limites des performances actuelles. Kioxia, anciennement Toshiba Memory Corporation, est par exemple le premier à proposer des SSD avec une connectique SAS-4 « 24G » près de deux fois plus rapide que celle des disques SAS-3 actuels qui transfèrent 12 Gbit/s sur leur unique port. Selon le constructeur, les disques Flash de cette nouvelle gamme PM6 amélioreraient de 140% la vitesse de lecture et de 54% celle d’écriture par rapport aux SSD de la série PM5 précédente.
La tendance est cependant plutôt à l’abandon des connectiques SAS et SATA, qui transportent des commandes SCSI au travers d’un contrôleur conçu pour des disques mécaniques, au profit du NVMe, qui permet à un SSD d’être traité comme une mémoire accrochée au bus PCIe. À ce titre, les derniers SSD NVMe D7-P5500 et D7-P5600 d'Intel prennent en charge les bus PCIe 4.0 pour doubler la bande passante par rapport aux disques PCIe 3 actuels. Samsung et Kioxia avaient déjà lancé des SSD avec connectique PCIe 4.0 au cours de l'année dernière.
Western Digital estime mieux servir les entreprises en restant en PCIe 3.1
L’adoption du bus PCIe 4.0 chez Intel, Kioxia et Samsung a surtout pour effet d’attirer l'attention sur la conservation du bus PCIe 3.1 chez Western Digital pour son nouveau SSD NVMe Ultrastar DC SN840. Western Digital répond qu’il préfère attendre le « bon moment » pour passer au PCIe 4.0, d’autant que ses Ultrastar DC SN840 apporteraient déjà des performances jusqu’à 5 fois supérieures à une clientèle qui utilise encore des SSD avec connectique SAS ou SATA.
Surtout, Western Digital pointe que les entreprises doivent nécessairement posséder des serveurs avec bus PCIe 4.0 pour tirer parti des derniers SSD NVMe d'Intel, Kioxia et Samsung. Or, pour l’heure, seuls les serveurs équipés de processeurs AMD Epyc offrent ces bus. Intel refuse toujours d’indiquer quand ses Xeon les supporteront.
« Les SSD NVMe en PCIe 4.0 sont disponibles depuis la fin de l’année dernière. Cependant, sur le marché, il s’en est vendu moins d’un million et principalement aux joueurs qui possèdent des PC avec processeur AMD. A mon avis, les ventes de ce type de SSD ne décolleront pas avant le second semestre 2021 », estime Joseph Unsworth, analyste chez Gartner
« Les revendeurs de baies de stockage n’imaginent même pas proposer de SSD NVMe en PCIe 4.0 avant un an. Certains se demandent même s’il ne vaudrait pas mieux directement attendre le PCIe 5.0 », assure de son côté Eric Pike, en charge des intégrateurs chez Western Digital. Faut-il en déduire qu’Intel compte créer la surprise avec une prochaine génération de Xeon qui pilotera directement des bus PCIe 5.0 ?
« Nos clients en particulier et l'ensemble des entreprises en général n'ont pas actuellement de cas d’usages qui justifieraient de payer le coût plus élevé des SSD NVMe PCIe 4.0. Le bus PCIe 3.1 n’est pas un goulet d’étranglement, même pas dans les datacenters les plus critiques, comme ceux des grands fournisseurs de cloud public », insiste Eric Pike. Il ajoute que les SSD NVMe PCIe 4.0 consommeraient aussi plus d’énergie.
En ce qui le concerne, l’Ultrastar DC SN840 atteindrait des débits de 3,5 Go/s en lecture et 3,3 Go/s en écriture, ainsi que 780 000 IOPS en lecture et 257 000 IOPS en écriture. Ses capacités varient de 1,6 à 15,36 To et, grâce à ses composants NAND 3D TLC en 96 couches, il supporte une à trois réécritures complètes par jour pendant trois à cinq ans.
Quand Intel lance des SSD plus rapides pour serveurs... AMD
De son côté, Intel revendique que ses derniers SSD NVMe PCIe 4.0, uniquement utilisables sur les machines de son concurrent AMD donc, accélèrent les débits de 33% et réduisent la latence de 40% par rapport aux SSD de la génération PCIe 3.0 et 3.1. Dans le détail, le D7-5500 atteint 7 Go/s en lecture, 4,3 Go/s en écriture, 1 million d’IOPS en lecture, 130 000 IOPS en écriture et une latence en lecture de 78 microsecondes. Le D7-5600 présente les mêmes caractéristiques, à l'exception d'un IOPS maximum de 260 000 sur les écritures.
Les nouveaux SSD D7-5500 et D7-5600 conjuguent la même flash 3D NAND TLC 96 couches que l’Ultrastar DC SN840 avec un nouveau contrôleur PCIe 4.0 et un firmware spécialement adapté. Les capacités du D7-5500 SSD, en 2,5 pouces, vont de 1,92 à 7,68 To. Celle du D7-5600 vont de 1,6 TB à 6,4 TB. Le premier supporte une réécriture complète par jour pendant trois à cinq ans, alors que le second en supporte trois.
Précisons que, comme Samsung, les SSD PCIe 4.0 d'Intel fonctionnent avec le protocole NVMe 1.3. Pour l’heure, Kioxia est le seul, sur ses SSD CM6 et CD6, à déjà utiliser le protocole NVMe 1.4. Celui-ci améliore un peu l’endurance des SSD en utilisant de manière plus optimale le cache interne et en faisant plus souvent correspondre les blocs de données avec les blocs de cellules NAND.
Kioxia parie toujours sur la connectique SAS
Selon Gartner, Samsung est le vendeur numéro 1 sur le marché des SSD pour serveurs, devant Intel et Kioxia. En revanche, Kioxia est le numéro 1 sur le segment des SSD pour serveurs à connectique SAS, d’où l’intérêt qu’il trouve à lancer avant tous ses concurrents des modèles qui non seulement sont à la nouvelle norme SAS-4 mais qui, en plus, utilisent deux ports au lieu d’un.
« Kioxia n’a pas tort de s’investir sur les modèles SAS. Certes, la connectique NVMe se développe rapidement sur les SSD pour serveurs. Néanmoins, les fabricants de baies de stockage et de serveurs préfèrent toujours intégrer des disques SAS à leurs produits ; les modèles SAS ont représenté 70% des ventes de SSD en 2019. Et leurs ventes devraient encore augmenter de 25% en 2020 », commente Jeff Janukowicz, analyste chez IDC.
Samsung, Seagate et Western Digital fabriquent également des SAS SSD mais ne supportent pas encore la spécification SAS-4. Eric Pike assure que des SSD SAS-4 figurent à l’agenda de Western Digital ; ils devraient être commercialisés juste après la vague actuelle de lancement des SSD NVMe. Le support du SAS-4 est disponible sur les contrôleurs Broadcom et Microchip des cartes mères depuis plus d’un an.
Les nouveaux PM6 de Kioxia, des SSD 2,5 pouces au format U.3, reposent comme les autres nouveaux SSD sur des composants NAND 3D TLC en 96 couches. Leurs capacités vont de 400 Go à 30,72 To, doublant ainsi la capacité maximale du modèle PM5 précédent. En fait, mise à part la connectique qui diffère, les PM6 sont à l’intérieur identiques aux CM6, les SSD NVMe PCIe 4.0 que Kioxia a lancés en fin d’année dernière pour supplanter les CM5, déjà identiques aux PM5. Même l’ASIC propriétaire qui permet aux PM6 et CM6 d’utiliser deux ports est le même.
Surtout, avec deux ports « 24G », la vitesse de lecture d’un PM6 grimpe à 4,3 Go/s et celle d’écriture à 3,2 Go/s. Il est notable que ces débits en SAS-4 sont plus importants que celles des SSD NVMe en PCIe 3, dont l’Ultrastar DC SN840 de Western Digital évoqué plus haut. En revanche, la latence est plus importante sur un bus SAS relié à un contrôleur sur la carte mère que sur un bus PCIe directement connecté au processeur d’un serveur. De fait, les PM6 atteindraient environ 489 600 IOPS en lecture et 222 000 IOPS en écriture.
SAS-4 : deux ports et bande passante « 24G »
Précisons que l’on parle de « 24G » par abus de langage pour évoquer la nouvelle norme SAS-4 qui succède aux SAS-3 (12 Gbit/s), SAS-2 (6 Gbit/s) et SAS-1 (3 Gbit/s). Mais en réalité les disques SAS-4 ne sont pas capables de communiquer en 24 Gbit/s. Les contrôleurs, sur les disques comme sur les cartes mères, plafonnent plutôt à un débit de 22,5 Gbit/s par port.
Il faut aussi nuancer la concordance que l’on peut faire entre les « Gbit/s » qui transitent sur un port et les « Go/s » de débit observés sur un SSD. Les premiers mesurent la vitesse brute des informations au niveau du connecteur, alors que les seconds mesurent la quantité de données utiles transférées vers ou depuis le disque. Entre les deux, des codes de parité pour éviter les erreurs de lecture/écriture consomment des Gbit/s mais ne sont pas comptabilisés dans les Go/s.
Un détail est toutefois important : alors qu’il fallait consommer 10 bits sur la bande passante pour transférer un octet (8 bits) de données utiles jusqu’à la version SAS-3, la version SAS-4 consomme plutôt 130 bits pour transférer 16 octets (128 bits). Mathématiquement, cela signifie que la connectique SAS-4 n’est effectivement pas deux fois plus rapide que la connectique SAS-3 en termes de bande passante, mais elle transfère pourtant bien deux fois plus de données.
Enfin, les deux ports des PM6 ne seront pas nécessairement utilisés pour doubler le débit normal d’une connectique 24G. En effet, sur les baies de stockage où des SSD NVMe à double port existent déjà, on constate que les deux ports servent souvent à la redondance : chacun est connecté à un contrôleur différent, pour continuer à fonctionner même si l’un des deux tombe en panne.
Kioxia ou la volonté de sortir de l’ordinaire
Les PM6 se déclinent en trois familles. Les versions « WI » (Write Intensive), de 400 Go à 3,2 To de capacité, supportent dix réécritures complètes par jour sur toute la période de garantie. Les versions « RI » (Read Intensive), de 960 Go à 30,72 To de capacité, supportent une seule réécriture par jour. Enfin, les versions « MU » (Mixed Use), de 800 Go à 12,8 To de capacité, supportent trois réécritures complètes par jour.
Cette déclinaison WI n’existe plus sur aucun autre SSD moderne ; on ne la trouve même pas sur les CM6 de Kioxia en version NVMe. Mais selon Steve Garceau, en charge du marketing des SSD d’entreprises chez Kioxia, l’écriture intensive correspondrait à 10% des cas d’usage en entreprise. Pour le fabricant, il s’agirait de faire la différence en montrant qu’il continue d’adresser des niches.
Dans le même ordre d’idée, Kioxia plancherait déjà avec plusieurs fabricants de baies de disques pour packager des SSD au nouveau format, encore expérimental, EDSFF. Celui-ci prend la forme d’une longue ramette qui aligne plusieurs SSD NVMe les uns derrière les autres. Elle est à la fois connectée à un slot PCIe en fond de panier et extractible par l’utilisateur depuis la face avant du serveur ou de la baie de stockage. Encore une fois, Kioxia compte ainsi jouer la carte des configurations qui sortent de l’ordinaire.