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Eurostar : bientôt la reconnaissance faciale pour des voyages entièrement « sans passeport »
La reconnaissance faciale pourra remplacer les passeports pour embarquer dans l’Eurostar côté anglais et fluidifier ainsi les points de passage. Mais la collecte de données biométriques ne fait pas l’unanimité.
Eurostar va déployer les outils de reconnaissance faciale de la société iProov pour que les passagers de l’Eurostar puissent s’enregistrer et embarquer sans montrer leur passeport.
D’ici mars 2021, les voyageurs de la gare de St Pancras à Londres pourront ainsi emprunter un « couloir biométrique », entièrement sans contact, et équipé de caméras, pour ne plus avoir à présenter de pièce d’identité officielle. Aujourd’hui à Londres ou Paris Gare du Nord, des machines utilisent déjà la vidéo, mais elles ont besoin du passeport biométrique du passager pour vérifier l’identité.
A l’inverse, avec cette nouvelle méthode, les passagers pourront choisir de certifier leur identité en amont, en uploadant un selfie et une photo de leur passeport, après quoi ils recevront un message confirmant que leur pièce d’identité a été « sécurisée ».
iProov traitera les images des visages afin de garantir l’identité et la « présence réelle » du passager. Il vérifiera que l’utilisateur est bien une personne physique et non une photo, une vidéo, un masque ou un faux.
Débat
Le système, soutenu par le gouvernement britannique, est destiné à accélérer l’embarquement, à réduire les files d’attente et à éliminer les contacts physiques, le tout dans un contexte de crise du Covid-19.
Les associations de défense de la vie privée mettent néanmoins en doute la nécessité de recourir à cette méthode alors que les voyageurs utilisent déjà les technologies sans contact.
Ilia SiatitsaPrivacy International
Andrew Bud, fondateur et PDG d’iProov, qualifie le projet de « première mondiale » (même si SITA, par exemple, propose le même type de service pour l’embarquement dans les avions). Il estime qu’il s’agit d’une réponse pertinente pour atteindre l’objectif fixé initialement, à savoir « réduire les congestions et fluidifier les flux de passagers ». Pour lui, la reconnaissance faciale va contribuer à « protéger les gens dans un monde de pandémie grâce à la distanciation sociale et à l’interaction sans contact ».
Pour la responsable juridique de Privacy International, Ilia Siatitsa, ces « technologies intrusives » soulèvent au contraire des questions d’éthique et de protection des données. « La biométrie est une catégorie de données très sensible. Nous ne pouvons pas modifier nos caractéristiques faciales, nos empreintes digitales ou notre ADN ».
Toujours selon elle, ces technologies lorsqu’elles sont utilisées par la police et les entreprises privées peuvent avoir des « implications cataclysmiques » (« seismic impact ») dans la surveillance potentielle des individus. « Avec la reconnaissance faciale, le niveau d’intrusion est si élevé que la légalité même [du projet avec iProov] devrait être remise en cause ».
Selon Ilia Siatitsa, les voyages et le traitement des documents d’identité seraient déjà pratiquement sans contact. « Vous arrivez, vous scannez votre billet, vous passez le contrôle de sécurité », avance-t-elle. « Il est difficile de voir en quoi la reconnaissance faciale se justifie quand le processus en place est déjà aussi efficace ».
Andrew BudiProov
Andrew Bud réplique que dans le système actuel il faut « se dépatouiller avec des bouts de papier et des codes-barres ». Pour lui, au contraire, la reconnaissance faciale sera un ajout sûr et bénéfique à la vie publique. « Le citoyen sait que son visage doit être vérifié, il y consent et en tire un avantage personnel », conclut-il.
Le directeur de la stratégie d’Eurostar, Gareth Williams, estime pour sa part que la suppression du passeport grâce à la biométrie « améliorera l’expérience passagers » et « illustrera concrètement la manière dont l’innovation peut profiter aux secteurs du train et du transport international ».
Cette initiative fait partie d’un concours doté de 9,4 millions de livres sterling financé par le Ministère des Transports britannique pour faire progresser le ferroviaire et faciliter les voyages « sans contact ». Mercredi, le ministère a promis à iProov une subvention de 388 000 livres sterling pour finaliser le développement du projet.