Kioxia lance un kit pour construire des baies de stockage optimisées

Le kit de développement SEF doit permettre de passer outre le firmware des SSD, afin de mettre au point des baies plus adaptées à tel hyperviseur ou telle base de données.

Le fabricant de disques durs Kioxia, ex-Toshiba Memory, proposera durant l’été un kit Open source qui permet de reprogrammer la logique de ses SSD afin de personnaliser leurs performances. Ce kit, appelé Software-Enabled Flash (SEF) sera dans un premier temps destiné aux grands acteurs d’Internet, à savoir les hébergeurs de cloud et les réseaux sociaux, qui construisent eux-mêmes leurs infrastructures.
Ils pourront s’en servir pour équilibrer la capacité utile, la longévité et les performances en lecture ou en écriture selon leurs besoins. Il s’agit par exemple de pouvoir calibrer les SSD selon les paramètres de l’hyperviseur Firecracker d’AWS, ou encore selon ceux de la base de données RocksDB de Facebook.

L’opportunité d’un tel système découle de la démocratisation des disques NVMe, des SSD qui se connectent sur le bus PCIe des serveurs et qui, par conséquent, peuvent se programmer comme des extensions classiques. Il existe à cette fin dans Linux une API LightNVM qui permet de reprogrammer le contrôleur des SSD, pour peu que ces derniers permettent de contourner leur firmware.
Seuls certains modèles, dits « Open-channel », offrent cette possibilité. AWS, Microsoft Azure, Google et Facebook ont commencé à construire leurs propres baies de stockage en utilisant cette possibilité. Le problème auquel ils se confrontent en revanche est qu’ils doivent réinventer toute la logique des SSD sans l’aide d’un minimum d’outils de développements. SEF répond à cette problématique.

« Les hyperscalers font partie de ces entreprises qui souhaitent tirer le meilleur parti de leurs investissements dans des disques Flash et qui ont fait le choix de médias Open-channel dans l’espoir de mieux contrôler les SSD depuis l’OS du serveur. Leur problème est que la puce de contrôle change entre chaque modèle de SSD, d’une génération à l’autre et d’un fabricant à l’autre. Il leur faut donc réécrire intégralement le code de contrôle à chaque fois et c’est intenable », explique Jim Handy, analyste spécialiste des semi-conducteurs chez Objective Analysis.

« L’avantage du kit proposé par Kioxia est qu’il abstrait les différences de la puce de contrôle en passant par une API générique. »
Jim HandyAnalyste, Objective Analysis

« L’avantage du kit proposé par Kioxia est qu’il abstrait les différences de la puce de contrôle en passant par une API générique. Dès lors, ceux qui fabriquent leurs propres baies de stockage NVMe n’ont plus qu’un seul logiciel de contrôle à écrire », ajoute-t-il.

L’enjeu de définir un nouveau standard

Mais attention : SEF ne sera pas compatible avec tous les SSD Open-channel, uniquement avec des modèles spécialement conçus par Kioxia, qui prendront la forme de cartes PCIe dotées de RAM en guise de cache, d’une mémoire SRAM pour enregistrer le nouveau code de contrôle et, bien entendu, de nombreux composants NAND. Kioxia assure néanmoins que le design de ce matériel est ouvert et que les autres fabricants de SSD pourront en construire des clones. Avec la contrainte que la puce de contrôle soit de marque Marvell, ou qu’elle soit compatible avec le jeu d’instructions de cette marque.

« À mon avis, l’initiative de Kioxia va surtout être déclinée par tous ses concurrents – Intel, Micron, Samsung, SK Hynix et Western Digital – qui vont à leur tour vouloir proposer un kit dans le même genre. L’enjeu est de permettre aux entreprises de produire des baies de stockage personnalisées plus facilement, plus rapidement et sans doute avec moins d’investissement. Mais la conséquence la plus immédiate de SEF est que les entreprises intéressées par son concept vont acheter des SSD de marque Kioxia », analyse Eric Burgener de chez IDC.

Il note que tous les fabricants de SSD sont en effet ouverts à la reprogrammation de leurs firmwares, puisqu’ils acceptent depuis longtemps de les adapter aux demandes spécifiques des constructeurs de baies. Dell EMC, Hitachi Vantara et HPE, notamment, leur demandent systématiquement des versions personnalisées avec des fonctions exclusives. IBM et Pure Storage, ont même pris pour habitude de reprogrammer eux-mêmes le firmware sur les modèles Open-channel qu’ils achètent.

Kioxia espère par ailleurs que SEF dépassera à terme la niche des grands acteurs d’Internet. « D’autres fournisseurs de cloud, ou alors de grands comptes qui consomment beaucoup de stockage Flash, à condition qu’ils aient l’expertise en interne, pourraient à leur tour vouloir construire leurs propres baies de stockage NVMe personnalisées. Mais honnêtement, je n’imagine pas une entreprise classique se lancer dans pareille aventure », estime Eric Burgener.

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