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Retour au bureau : Konica Minolta mise sur la vision par ordinateur et l’analyse thermique
Konica Minolta et la startup basée à Metz Two-i ont lancé à la sortie du déconfinement Konitherm. Cette solution doit contribuer à la sécurité sanitaire des collaborateurs en mêlant dispositif vidéo et vision par ordinateur.
Retour au bureau. Trois semaines après le déconfinement, bon nombre d’entreprises ont choisi de maintenir les mesures mises en place pour assurer le télétravail généralisé. Anticiper le matériel nécessaire à la sécurité des employés, prévoir des plannings pour respecter les mesures de distanciation sociale, ou encore tester leur température sont autant de précautions à prendre suivant les environnements de travail.
Plusieurs éditeurs et équipements veulent aider les entreprises à une reprise d’activité, dont Konica Minolta et Two-i. Les deux entreprises se sont associées pour commercialiser Konitherm, un dispositif vidéo alimenté à la vision par ordinateur, capable de détecter le port du masque et la température des personnes qui entrent dans son champ de vision.
Konica Minolta, c’est ce groupe de services IT japonais auparavant présent sur le marché de la photographie et maintenant plus connu pour ses imprimantes. Depuis, il a élargi ses activités, notamment dans le domaine de la vidéosurveillance avec sa filiale Video Solutions Services. Quant à Two-i, c’est une startup messine spécialisée dans la computer vision appliquée à la sécurité BtoB. Depuis sa création en 2017, elle a mis au point deux logiciels. Visiomind est dédié à la détection d’intrusion. Vigilance, lui, est un système consacré à la surveillance dont le principe lui a valu quelques déboires à Metz, Nancy et Nice.
Ironie du sort, Rémy Brunet, directeur national des ventes vidéo chez Konica Minolta et Julien Trombini, co-fondateur et président de Two-i se sont rencontrés lors d’un salon physique dédié à la sécurité à Lyon en fin d’année dernière. Two-i avait alors présenté son logiciel de vision par ordinateur Vigilance capable de détecter les comportements à risque dans une foule, des objets ou encore des attroupements.
Rémy BrunetKonica Minolta
« Nous avons commencé à communiquer sur deux dossiers et j’ai recontacté Julien en mars pour lui indiquer qu’avec notre matériel et ses algorithmes, nous avions quelque chose à faire très rapidement », explique Rémy Brunet. « Nous devions absolument avoir terminé avant fin mai pour que le projet ait un intérêt au vu de la situation en cours ».
Une solution administrée par des agents de sécurité
Pour le mettre à bien, Konica Minolta et Two-i se sont appuyés sur un produit de la gamme Mobotix, un fabricant allemand de caméras de vidéosurveillance dont Konica Minolta est actionnaire majoritaire à 65 % depuis 2016.
« L’idée c’était de combiner des produits déjà existants au vu du temps de réponse relativement court, environ un mois. Il n’était pas question de réinventer la roue, nous voulions nous associer avec des partenaires », commente Rémy Brunet.
Ainsi, la caméra Mobotix M16 dispose de deux objectifs. L’un est dédié à l’analyse thermique, le second affiche une image diurne. Celle-ci est montée sur un chariot mobile Ergotron et connectée à un ordinateur Dell Optiplex, lui-même branché sur un écran qui retranscrit en direct les flux vidéo.
Konitherm intègre le logiciel Vigilance de Two-i, adapté à l’occasion pour détecter le port du masque et le notifier en temps réel, traiter les données de température récoltées par la caméra et le respect ou non des distanciations sociales. Le tout peut être raccordé au secteur ou bien sur une batterie capable de tenir une journée. Plusieurs Konitherm peuvent être connectés ensemble sur un réseau Wi-fi indépendant.
« Dans la première version, nous tournions le dispositif vers les gens pour leur proposer un autodiagnostic, comme ce qui se faisait en Asie. Nous l’avons pour qu’un agent de sécurité puisse le manipuler », relate le directeur national des ventes vidéo chez Konica Minolta. « Avant le déconfinement, les clients avec qui j’étais en discussion ne savaient pas s’ils avaient besoin d’une solution Konitherm ou de plusieurs, donc nous avons misé sur la flexibilité ».
Prévue pour être installée en intérieur, la caméra thermique dispose d’une précision de 0,1 degré. Pour cela, Mobotix utilise un capteur radiothermique et non pas infrarouge. Une sonde embarquée permet d’adapter la mesure à la température ambiante. De plus, la Mobotix M16 dispose d’une certification CNPP qui couvre les notions de cybersécurité par défaut. L’appareil aurait la capacité d’envoyer une alerte en cas de tentative d’intrusion.
Selon Two-i, les algorithmes n’identifient pas les individus, seulement la présence ou non d’un masque sur les visages (20 personnes au maximum) dans son champ de vision. Julien Trombini assure qu’il n’y a « aucune analyse biométrique ». Les données vidéo ne sont pas conservées et le traitement est réalisé en local.
Le logiciel ne traite que les alertes, les présente sous différents formats (son, mail, notification visuelle) et conserve un historique présenté au moyen d’une frise chronologique. Si plusieurs dispositifs Konitherm sont installés sur un site, il est possible d’obtenir une vue d’ensemble des alertes et des lieux concernés.
Julien TrombiniTwo-i
« Le point fort de Konitherm, c’est que nous pouvons centraliser l’analyse, et agréger les données en provenance d’un site. C’est particulièrement différenciant de la concurrence » vante Julien Trombini. « La totalité du logiciel est conçue pour pouvoir être administrée par des agents qui n’ont pas le droit d’accéder aux images. Certains clients peuvent le faire à condition de disposer des autorisations associées, mais ils veulent tout de même consulter les tableaux de bord qui mentionnent les résultats des analyses », ajoute-t-il.
« La notion de statistique est importante », renchérit Rémy Brunet. Nos clients aujourd’hui ne sont pas nos clients habituels. Ce sont surtout des divisions RH qui cherchent à savoir – sur de très gros sites capables d’accueillir plusieurs milliers de personnes – s’il y a une possible présence d’un cluster de coronavirus ».
Des frameworks open source, une recette secrète
Le produit en question est commercialisé avec différents algorithmes. Nous évoquions plus haut un moyen de détecter le port du masque, de dépassement de seuil de température ou encore de détection d’attroupement.
Ces algorithmes dont les résultats peuvent être agrégés sont « principalement » des réseaux neuronaux. « Un algorithme de distanciation social n’est pas forcément un algorithme de vision par ordinateur », précise Julien Trombini. Selon lui, le logiciel intègre une combinaison algorithmique qui inclut les techniques typiques de la vision par ordinateur que sont les réseaux neuronaux convolutifs (CNN), tels que VGG-16 ainsi que des processus de calcul intermédiaire d’apprentissage supervisé comme la méthode des k plus proches voisins (KNN) et des machines à vecteurs de support (SVM).
« Peu importe, les algorithmes utilisés, tant que nous arrivons à fournir un résultat d’alerte efficace, avec un très haut niveau de précision et qui fonctionne instantanément, en toute transparence pour le client, même s’il a vingt Konitherm déployés sur son site », indique Julien Trombini.
Pour les former, Two-i utilise des frameworks comme Tensorflow, Dlib ou encore Caffe. Julien Trombini n’en dira pas plus, hormis que lui et sa société accordent une attention toute particulière à la souveraineté de la solution. Rappelons que Two-I évolue dans des sphères où sûreté et confidentialité sont mères de confiance. Elle a remporté les « innovation awards » au salon Milipol 2019, un événement mondial consacré à la sûreté et de la sécurité intérieure des États.
Julien TrombiniTwo-i
« Nous sommes propriétaires de la totalité des bases de données, des algorithmes et de l’interface [de Vigilance]. C’est un produit français, qui plus est européen. C’est important dans une logique de souveraineté nationale et de maîtrise technologique », insiste-t-il.
Konitherm séduit déjà
La durée resserrée du développement de la partie logiciel, à peine cinq semaines, s’explique par la réutilisation et l’amélioration de technologies déjà au cœur de l’application Vigilance. Il a fallu tout de même ajuster la solution pour détecter les zones optimales du visage en vue de prendre la température des individus en fonction de la personne (si elle porte des lunettes, un couvre-chef, etc.). « La zone la plus adéquate pour prendre la mesure se situe au niveau du canal lacrymal », précise Julien Trombini
De même, dès la rédaction du cahier des charges, Konica Minolta assure que les caméras, bien qu’interconnectées, restent isolées du reste du SI de l’entreprise. L’objectif : favoriser une installation simplifiée et éviter les complications en termes de cybersécurité.
La station Konitherm sur secteur coûte 9 900 euros HT et sa version sur batterie est facturée 11 900 euros HT.
Rémy BrunetKonica Minolta
Konica Minolta adresse la solution aux entreprises dont les sites peuvent accueillir plus de 100 personnes chacun. Konitherm peut être utilisé dans les aéroports et à l’entrée des bureaux, dans les ports, les hôpitaux, les bâtiments tertiaires, les sites industriels, les écoles de kinésithérapeute. « Le but, c’est d’apporter une solution de contrôle de flux de personnes en situation de crise », élargit le directeur national des ventes. « Dans certains hôpitaux du sud de la France, nous avons des demandes pour associer le Konitherm aux mécanismes d’ouverture des portes et les bloquer en cas d’alerte », illustre-t-il.
Au 18 mai, quatre sites de tests montraient des résultats concluants. « Le déploiement des commandes en cours, passées par une quarantaine d’entreprises différentes, aura lieu lors de la première quinzaine de juin », déclare Rémy Brunet. Konica Minolta entend proposer la solution en France, en Belgique, au Luxembourg, en Norvège, au Togo et tous les pays européens et africains où elle dispose d’un réseau de distribution.