IIoT : malgré une adoption lente, Rockwell Automation se prépare
Il y a deux ans, Rockwell Automation a établi une alliance avec PTC pour renforcer son offre dédiée à l’industrie 4.0. Faute d’une adoption massive de l’IIoT, le spécialiste des systèmes opérationnels poursuit ses préparatifs et ses investissements en la matière.
En 2018, Rockwell Automation a investi 1 milliard de dollars auprès de PTC. L’équipementier, spécialisé dans l’automatisation industrielle, a non seulement pris une place de choix au conseil d’administration de l’éditeur basé à Boston, mais a aussi trouvé un moyen de répondre aux besoins en IoT et en réalité augmentée de ses clients.
De cette association est née FactoryTalk InnovationSuite, une offre dédiée à l’industrie 4.0. Ce produit s’appuie sur le MES de Rockwell Automation, sur Thingworx, une PaaS IIoT, et Vuforia, la brique de réalité augmentée de PTC.
Elle complète la gamme de logiciels Factory Talk proposée par Rockwell Automation. Rockwell Automation dispose de plusieurs logiciels consacrés à la conception de système de contrôle, de gestion de la maintenance et des opérations.
« Cela va au-delà du simple partenariat, c’est une alliance entre Rockwell Automation et PTC », rappelle Antoine Pris, directeur des ventes Information Solutions chez Rockwell Automation.
L’éditeur-équipementier assure que cette association découle d’une stratégie élargie.
« Nous créons des écosystèmes très favorables au support d’entreprises dans leur transformation numérique avec Microsoft, Accenture ou encore Cisco » affirme Gilles Pacaud, Directeur général France de Rockwell Automation.
Les briques proposées par Rockwell Automation et PTC
FT InnovationSuite comprend quatre briques : un MES, une plateforme IIoT, une solution analytique et des outils de réalité augmentée.
PTC et Rockwell Automation s’accordent sur le fait qu’une plateforme IIoT est complémentaire d’un logiciel de pilotage de la production (ou Manufacturing Execution System, MES).
Depuis 2003, Rockwell Automation s’est spécialisé dans ce domaine du MES à coup de rachats. En octobre 2019, l’éditeur a acquis un de ses partenaires intégrateurs, Mestech Services.
La plateforme IIoT est donc un composant supplémentaire entre l’ERP et la gestion de l’automatisation d’une usine. Selon les deux entreprises, elle apporte une gestion facilitée de la production, en s’appuyant sur les données présentes dans le MES.
« Thingworx permet d’aller chercher des données dans différents systèmes pour les envoyer à des applications analytiques ou de réalité augmentée » vante Antoine Pris.
« Dans un environnement IT/OT, les données d’une pompe peuvent se retrouver dans plusieurs systèmes régis par des bases de données différentes. Thingworx permet d’intégrer et de coordonner ces SGBD afin de visualiser l’ensemble des données », précise Gilles Pacaud.
C’est là un moyen pour le dirigeant de rappeler que Rockwell Automation fabrique des actionneurs connectés et des automates programmables, multidisciplinaires, adaptés aux normes industrielles. Ces appareils sont censés assurer une meilleure qualité des données récoltées.
La corrélation de données de qualité permet d’amener une vision complète des processus industriels afin d’y déceler de possibles vecteurs d’optimisation de la productivité, selon nos interlocuteurs.
En outre, l’équipementier met en avant des fonctionnalités de maintenance prédictive. Il développe une solution nommée LogixAI. Celle-ci associe un module Allen-Bradley (marque appartenant à Rockwell Automation) connecté en Ethernet avec une interface logicielle permettant d’indiquer le type de matériels à surveiller (pompe, chaudière industrielle, générateur, etc.) et d’y appliquer des modèles capables de prédire des anomalies. Ces algorithmes seront entraînés suivant les paramètres choisis par un opérateur, puis déployés au sein du ou des modules.
La réalité augmentée propulsée par la crise sanitaire
À cela s’ajoutent les fameuses fonctionnalités de réalité augmentée. Cette brique de PTC s’appuie sur Vuforia pour donner des instructions opérateurs non plus depuis l’interface MES, mais à l’aide d’une tablette ou d’un casque de réalité augmentée comme Vuzix et Realwear (l’HoloLens n’est finalement pas le plus adapté à l’utilisation en atelier, selon Antoine Pris). Rockwell Automation propose à ses clients la solution de PTC, Vuforia Chalk, un outil d’assistance à distance en RA. Un opérateur peut bénéficier des conseils d’un expert pour redémarrer une machine complexe par exemple. L’expert voit les gestes de l’opérateur et peut ajouter des indications textuelles ou visuelles pour le guider.
L’application semble particulièrement pertinente dans un contexte de confinement. Le directeur général France considère que les clients ne s’y intéressaient pas autant avant la crise. « Il y a un accélérateur énorme avec la crise sanitaire. Nous essayons d’aider au mieux nos clients et de plus en plus d’entre eux adoptent la réalité augmentée », remarque Gilles Pacaud.
Notons que PTC propose Vuforia Chalk gratuitement jusqu’au 30 juin 2020. Habituellement, l’application disponible sur iOS et Android coûte 16 dollars par personne et par mois. « Aujourd’hui, le coût d’utilisation est très bas. […] Les équipements associés sont de plus en plus matures, abordables et vont donc être déployés à l’avenir », estime Antoine Pris.
La RA est également perçue comme un moyen de faciliter les formations, même en e-learning. Rockwell Automation aurait bénéficié de cette tendance dans le cadre du confinement.
« Ce que beaucoup de clients ont fait, c’est tester la technologie, mais ils ont oublié la recherche d’un retour sur investissement. Nous pouvons leur présenter différents cas d’usage et leur démontrer rapidement la valeur des solutions de réalité augmentée », assure Antoine Pris.
IIoT : Rockwell Automation attend son heure
Au vu de la spécialité de Rockwell Automation, l’IIoT apparaît essentielle dans son activité. En France, l’adoption est lente, selon Gilles Pécaud. « Cela décolle plus lentement. Les clients et prospects sont généralement intéressés par ce type de solutions, mais testent avant tout les technologies. Nous avons plus de chance d’aboutir quand la direction est engagée et quand des cas d’usage sont clairement identifiés », affirme le dirigeant. « Il ne s’agit pas d’embarquer une technologie, cela implique une transformation complète de l’entreprise », ajoute-t-il.
Le module Edge LogixAI, serait malgré tout apprécié en ces temps de crise. « Les commandes se sont accélérées ces derniers temps », indique Antoine Pris.
En attendant, Rockwell Automation investit massivement pour se préparer à l’avènement de l’IIoT et de l’industrie 4.0. Il a racheté Avnet pour optimiser la sécurité de ses produits et veiller à l’intégrité des données de ses logiciels. L’éditeur a aussi mis la main sur ASEM, un spécialiste des interfaces homme-machine et sur Kalypso, un éditeur et un consultant américain auprès des industriels.
« L’intégration des différentes briques de Rockwell Automation sans coût supplémentaire est l’un des axes où nous investissons largement », considère le directeur des ventes Information Solutions chez Rockwell Automation. « Nous voulons proposer de plus en plus de solutions dans le cloud et proposer nos logiciels en mode SaaS ».
Ainsi Rockwell veut s’adresser à des PME ou à des grands groupes qui cherchent à consommer des systèmes opérationnels à la demande. C’est aussi un moyen d’accorder son violon avec celui de PTC qui emprunte en ce moment même la voie du SaaS.
Rockwell automation en France
Rockwell Automation compte plus de 24 000 collaborateurs dans le monde, dont 200 en France. Dans l’hexagone, l’éditeur équipementier a pour principal client des acteurs de l’agroalimentaire, des fabricants de produits de consommation et des industriels pharmaceutiques. La firme propose également ses équipements, ses logiciels et ses services aux sociétés pétrolières, de la sidérurgie et de la gestion des eaux.