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Communication Unifiée : le télétravail parti pour rester (études)
Imposer 100 % de présentiel au bureau ou limiter le télétravail à quelques jours par mois ? Un passé déjà révolu, concluent trois études, alors que les organisations découvrent les bénéfices du travail à distance. Même s’il pose des défis à la fois IT et organisationnels.
C’était avant le confinement. Une étude de Shure – qui fabrique des micros, mais aussi des équipements pour la visioconférence et la communication unifiée (UC) – avançait que les grèves avaient donné une nouvelle impulsion au travail à distance en France, un pays où la pratique est historiquement moins répandue qu’aux États-Unis.
Son étude[1] publiée en février concluait par ailleurs que même dans le pays de l’Oncle Sam où un quart des collaborateurs disent travailler régulièrement depuis chez eux, 86 % des entreprises estimaient que les réunions virtuelles allaient prendre encore plus d’importance.
« Le bureau personnel est en train d’être dématérialisé »
« Que ce soit en France ou aux États-Unis, le bureau personnel est en train d’être dématérialisé, et les salariés veulent pouvoir travailler de chez eux », déclarait alors William Zadnik, Senior Applications Engineer, Shure France.
Mais ce processus n’est pas un long fleuve tranquille. Car dans le même temps, pour Shure, neuf professionnels sur dix jugeraient les réunions en ligne « frustrantes », faute d’outils adaptés ou à cause d’une mauvaise qualité des communications. D’où la nécessité, concluait le constructeur – qui prêche logiquement pour sa paroisse – de bien s’équiper en matériel pour éviter qu’un son inaudible (bruit de fond, écho, etc.) ne sape ces sessions.
« Face à cette évolution, les DSI craignent une recrudescence des failles de sécurité et souhaitent avant tout garder la maîtrise de leur réseau. [Mais] avec la migration des services multimédias vers le département IT, les DSI doivent réussir à faire cohabiter les deux réseaux – audiovisuel et informatique – tout en tenant compte d’une expérience utilisateur qui évolue vers plus de fluidité́ », synthétise William Zadnik.
William ZadnikShure France
« Pourtant, en France, sur le terrain, on constate que les DSI ont toujours tendance à faire passer la sécurité́ avant la satisfaction des utilisateurs ». Avec à la clef – et même si William Zadnik ne le nomme pas – une tentation pour le Shadow IT et donc d’autres problèmes de sécurité.
Télétravail et communication unifiée : des bénéfices
Redisons-le, cette étude a été publiée avant la crise sanitaire. Depuis, le mouvement s’est amplifié. Et à en croire deux autres études, il est amené à durer.
Shure soulignait quelques bénéfices qui expliquent pourquoi cette évolution devrait persister comme, au jour le jour, des temps de travail plus flexibles pour les employés (avec le secret espoir d’une meilleure productivité pour l’organisation) ou la réduction des déplacements (et donc des frais connexes).
Une étude[2] de Citrix publiée en mars – elle aussi intéressée, mais intéressante – y ajoute évidemment un bénéfice sanitaire, mais aussi d’autres atouts comme la fin du temps perdu dans les transports (citée par 41 % de son panel), plus de temps passé en famille (35 %), la réduction du stress lié aux déplacements quotidiens (35 %) et la réduction des émissions de CO2 (32 %).
Au final, et même « s’il est trop tôt pour dire quel sera l’impact de la crise actuelle sur la façon dont les Français travaillent, 66 % pensent que le recours au télétravail devrait se faire plus fréquent à l’issue du confinement ».
Des défis aussi
Le « Home Office » comme l’appelle les Anglo-saxons n’a cependant pas que des côtés positifs.
Citrix
Toujours selon Citrix, la moitié seulement des Français confinés qui télétravaillent auraient par exemple un espace dédié (bureau). Un chiffre qui baisse encore lorsque deux membres de la famille sont dans cette situation. « 38,5 % des répondants déclarent ainsi travailler sur leur table de cuisine ou de salle à manger », évalue l’éditeur. Pas idéal pour la concentration.
Ce point pourrait paraître anecdotique. Mais il ne l’est pas. Il montre que le télétravail, en plus de sa dimension IT, est aussi une problématique humaine et organisationnelle. Par exemple, 36 % des répondants de cette étude disent subir de multitude distractions à la maison et 30 % souffriraient de l’absence de séparation claire entre leur vie privée et le travail.
Des accompagnements RH - voire fournir du matériel comme pour le bureau – sont donc bienvenus.
Shadow IT
Côté IT, Citrix arrive à la même conclusion que Shure : à la maison, les employés ont encore plus le pouvoir. Si les outils « corporate » ne leur conviennent pas, ils en changent.
« Près d’un tiers (27 %) des personnes affirment que le plus grand obstacle pour travailler de chez elles est l’absence de technologies adéquates ou d’accès à certains documents et aux applications nécessaires », avertit Citrix.
Parmi ceux-ci, 58 % disent utiliser des outils « de compensation non professionnels » (sic), qui ne sont pas utilisés au sein de leur entreprise, comme WhatsApp, Wetransfer, Dropbox, Gmail, etc. Bref, du pur Shadow IT totalement en dehors du champ de vision de la DSI
Cette proportion monte à 70 % chez les 25-34 ans.
Les DAF, avant-gardistes du télétravail
Une troisième étude, de Gartner[3], se concentre sur les Directions financières. Mais à moyen terme, ses conclusions vont certainement concerner les organisations dans leur ensemble.
Premier enseignement : près de trois directeurs financiers sur quatre (74 %) prévoient de migrer définitivement au moins 5 % de leurs employés qui travaillaient au bureau vers des postes « à distance » après le COVID 19.
Un quart envisage même de laisser 20 % de leurs employés en total télétravail.
« Ces données sont un exemple de l’impact durable que la crise actuelle du coronavirus aura sur la façon dont les entreprises fonctionnent », commente l’analyste Alexander Bant.
Deuxième enseignement, les DAF voient dans le télétravail une source majeure d’économies. D’autres (RH, marketing, légal, etc.) devraient logiquement arriver à cette même conclusion.
Alexander BantGartner
« Les directeurs financiers, déjà sous la pression d’une gestion serrée des coûts, sentent clairement qu’il y a là l’opportunité de faire de nouvelles économies avec une équipe qui travaille à distance », confirme Alexander Bant. Par exemple en réduisant les coûts immobiliers (processus déjà à l’œuvre pour 20 % d’entre eux, dixit Gartner).
Troisième enseignement du cabinet d’analystes, pour les DAF, il ne s’agit pas véritablement de mettre en place le télétravail, mais bien de monter en puissance. La pratique est déjà bien installée et fait de cette fonction une « avant-gardiste » qu’il est intéressant d’observer. Or la crise actuelle a confirmé quelques bonnes pratiques – côté entreprise – comme d’accepter des horaires plus flexibles et de fournir aux employés du matériel adapté pour leur domicile. Ce qui pourrait être vu comme un coût supplémentaire serait au final vite amorti.
Bref, le mouvement est en cours. « La plupart des directeurs financiers sont conscients que la technologie et la société ont évolué de telle sorte que le télétravail est aujourd’hui adapté à une variété de postes plus large que jamais », conclut Alexander Bant.
Un autre chiffre semble le prouver : 90 % des DAF ont assuré au Gartner que leurs processus de clôture de comptes ne seraient pas, ou très peu, perturbés. La quasi-totalité des opérations pouvant déjà être faite hors les murs de l’entreprise. Un constat qui devrait s’appliquer à de plus en plus de fonctions.
[1] Données collectées aux États-Unis par Illuminas du 29 juillet au 23 août 2019 auprès d’un échantillon représentatif de 401 décideurs et professionnels IT, acheteurs et utilisateurs finaux de solutions collaboratives. Les entreprises interrogées (de plus de 1 000 salariés) sont issues de secteurs diversifiés (Transport, Banque/Finance, High Tech, Telecom, Énergie, Immobilier, Distribution, Santé, etc.) et représentent plus de 8 000 salles de conférence.
[2] Enquête avec OnePoll auprès d’un échantillon de 1 000 Français afin de comprendre leur perception du télétravail à 100 %.
[3] Enquête auprès de 317 directeurs financiers et responsables financiers le 30 mars 2020.