Coronavirus : comment faire passer efficacement les DevOps au télétravail
Le nouveau coronavirus oblige les équipes DevOps à travailler à distance. La pandémie peut provoquer des retards sur les plannings. Les experts échangent des conseils sur la manière de surmonter les perturbations.
Alors que le nouveau coronavirus perturbe les collectivités et les économies du monde entier, les équipes DevOps devront adapter leurs pratiques pour le télétravail dans un contexte de distanciation sociale.
Il y a une bonne nouvelle pour les équipes DevOps. Même dans les entreprises où d’autres employés doivent se présenter à un bureau, ils sont plus susceptibles de travailler à distance ou d’avoir une expérience de collaboration avec des équipes de développement offshore dans d’autres parties du monde. De plus, la plupart des outils de gestion IT sont accessibles via une interface web, en particulier ceux destinés au cloud public.
Tom PetrocelliAmalgam Insights
« Je ne connais personne qui n’ait pas un accès à distance via VPN dans le pire des cas », déclare Tom Petrocelli, analyste chez Amalgam Insights. « Cependant, les dirigeants ne prévoient pas ce type de catastrophe. Ils prévoient qu’un site ou un autre sera en panne, mais n’anticipent pas le fait que le personnel ne puisse pas se rendre sur son lieu de travail ».
Les équipes DevOps des entreprises ont des avis partagés sur l’impact de l’éloignement social et le travail à distance. Les professionnels de l’IT savent qu’ils peuvent se rabattre sur des outils d’automatisation informatique qui nécessitent peu de coordination et d’intervention manuelle pour faire fonctionner les systèmes critiques. Or, de nombreuses pratiques agiles et DevOps ont été développées autour de réunions d’équipe quotidiennes ou hebdomadaires devant des tableaux blancs, et de conversations informelles entre employés dans un même bureau.
« Beaucoup de choses se passent de manière informelle, au cours d’une conversation de couloir, par exemple », affirme Gary McKay, directeur de la prestation de services agiles chez Somos. Il s’agit d’un éditeur de solutions de gestion de registre pour les opérateurs telcos. Les employés de Somos basés dans le New Jersey sont passés en télétravail la semaine du 16 mars. « La plupart de nos objectifs [de développement] qui étaient prévus le sont toujours, mais il y aura peut-être un peu de retard parce que nous n’avons pas de coordination en face à face. Nous devons davantage communiquer [pour remplir les objectifs] ».
Dans l’ensemble, le télétravail au sein des entreprises est devenu impopulaire ces dernières années, car des sociétés de premier ordre telles que Yahoo et IBM ont rappelé la main-d’œuvre à distance dans des bureaux partagés, et de nombreuses autres grandes entreprises ont suivi le mouvement.
« Certaines entreprises ont éliminé le télétravail il y a quelques années et toutes se sont adaptées à l’idée de travailler à proximité les unes des autres. Cela entraîne forcément des perturbations dans la gestion », estime Tom Petrocelli.
Conseils aux équipes DevOps pour faire face au travail à distance
Normaliser les outils de communication et de collaboration
Selon les experts, ce devrait être la première tâche des équipes DevOps qui passent au télétravail. Ces outils devraient également être normalisés au niveau du plus « petit dénominateur commun ». Par exemple, si tous les membres de l’équipe ne peuvent pas utiliser la visioconférence, ils devraient s’en tenir à l’audio uniquement.
Jeremy PullenPolodis
« Lorsque les gens ont le choix des outils, cela va à l’encontre de l’utilisation de solutions communes de collaboration et cela les rend inefficaces », considère Jeremy Pullen, consultant technique principal chez Polodis, une société de conseil IT basée à Atlanta. « Tout le monde doit être au même niveau. Même si vous avez la moitié de l’équipe à distance et l’autre moitié au bureau, tout le monde devrait quand même participer à une conférence téléphonique ».
L’équipe de Gary McKay, chez Somos, a standardisé l’utilisation de Slack couplée à des appels téléphoniques au besoin, mais elle évite le plus possible le recours aux e-mails dans ce mode de travail.
« Il y a des risques d’incompréhension avec les courriels », estime le directeur de la prestation des services agiles chez Somos. « Il est plus facile de décrocher le téléphone ».
Renoncer à la spécialisation
C’est une bonne pratique de développement Agile et de DevOps : le livre phare de DevOps, « The Phoenix Project », contient le récit édifiant de « Brent », un « héros » de l’informatique dont une équipe DevOps fictive devient trop dépendante, ce qui la rend moins productive et moins résiliente. L’adoption de ce concept par les entreprises est sur le point d’être mise à rude épreuve par la perturbation des coronavirus.
Les équipes DevOps travaillant à distance doivent créer une file d’attente centralisée de tâches dans laquelle chaque membre de l’équipe peut puiser lorsqu’il est disponible. Cela sera particulièrement crucial, car les employés s’occupent des enfants qui ne sont pas scolarisés à la maison, s’occupent des membres de la famille qui peuvent être malades ou peuvent le devenir eux-mêmes.
« Même si personne ne veut passer par là, je pense que nous allons en fait nous améliorer, parce que cela va nous obliger à faire des choses que nous aurions déjà dû faire », déclare Carmen DeArdo, consultant DevOps indépendant et responsable de la gestion de la chaîne de valeur chez Tasktop, un éditeur spécialisé dans l’ALM. « Cela nous obligera à nous éloigner des réunions de commandement et de contrôle pour passer à une collaboration véritable et à un modèle de travail basé sur les initiatives ».
Rendre le travail visible et quantifiable
Pour créer des files d’attente de travail partagées et maintenir des workflows organisés, les équipes DevOps doivent être aussi diligentes que possible pour documenter et mesurer le travail à l’aide d’outils tels que Jira, Slack, Trello et les systèmes de ticketing.
Carmen DeArdoTasktop
« Quand tout le monde utilise le tableau blanc au bureau, on peut devenir paresseux et ne pas mettre à jour ses cartes Kanban (les fameux pense-bêtes, symboles des méthodes agiles) et les autres outils de suivi de tâches », considère Carmen DeArdo. « Il est crucial que les gens soient en mesure d’obtenir des informations détaillées sur un problème ou sur une tâche en cours », ajoute-t-il.
Non seulement cela permet d’assurer la cohérence et d’éliminer les doublons, mais cela maintient la flexibilité, car les horaires des membres de l’équipe peuvent être bouleversés.
« Cela aide à réduire l’anxiété des gens de ne pas avoir à choisir entre s’occuper de leurs enfants, par exemple, ou assister à une réunion, car ils peuvent rattraper un enregistrement ou l’historique des canaux Slack », affirme le consultant DevOps.
Rendre le travail visible et mesurable peut également mettre en lumière les employés qui sont moins productifs sans supervision étroite si nécessaire, selon Carmen DeArdo.
Mettez l’accent sur la qualité
Alors que les employés qui ont moins de distractions dans un environnement à distance peuvent produire plus de travail, la qualité de ce travail peut en souffrir, selon un récent rapport de la société de conseil en gestion mondiale McKinsey & Co.
En comparant les projets des équipes qui étaient 60 % du temps en télétravail contre ceux réalisés entièrement par des membres colocalisés, il y avait 50 % de bugs en moins dans ce deuxième groupe, ce qui suggère que le travail au bureau améliore la qualité », peut-on lire dans ce rapport.
D’où l’intérêt pour les équipes DevOps en télétravail d’améliorer le suivi des tâches et tester leurs incréments avec des outils automatisés, conseillent les experts.
Charles BetzForrester
« Les équipes distribuées peuvent livrer plus rapidement, mais des problèmes de qualité apparaissent lorsqu’il faut rassembler les différents incréments », estime Charles Betz, analyste chez Forrester. « Il faut donc doubler les tests automatisés avant la mise en production ».
Stop à la microgestion
La structure, la routine et la coordination de la gestion sont généralement la clé de la productivité des employés, sauf en période de crise, conviennent les experts. La microgestion des membres d’une équipe DevOps dans un moment de peur, d’incertitude, de perturbation et de modification des responsabilités familiales apparaît comme une pratique vaine.
« Concentrez-vous davantage sur les résultats que sur l’activité », assure Carmen DeArdo. « Si vous exigez que chaque employé soit présent sur Slack de 8 heures à 17 h, vous êtes déjà perdu ».
Carmen DeArdoTasktop
Soyez normatifs quant aux outils de collaboration utilisés, mais pas quant à la manière dont ils sont utilisés. Encouragez une attitude d’expérimentation parmi les membres de l’équipe DevOps. Soyez prêt à faire face à des perturbations lorsque les équipes s’habitueront au travail à distance. Trouvez une façon d’identifier et de faire communiquer les employés qui, autrement, pourraient se retrouver dans des bureaux communs.
« Quelque chose d’aussi simple qu’un mur d’appréciation virtuel peut faire du bien au moral », estime Charles Betz. « Ce sont toujours des points importants d’interaction sociale, même lorsque tout le monde est assis devant un écran ».
Rattrapez les projets en retard
Un ralentissement économique prolongé dû à la pandémie de coronavirus a déjà commencé. Une fois que les projets en retard seront terminés, les équipes pourraient se retrouver avec un pipeline moins chargé qu’à l’accoutumée.
Charles BetzForrester
À ce moment-là, il sera temps de travailler sur des projets d’amélioration habituellement laissés de côté, d’après les experts. La plupart des équipes DevOps ont des listes de tâches à long terme qui sont souvent négligées, de la recherche de nouvelles façons d’automatiser et de sécuriser les infrastructures au raffinement des pipelines de livraison de logiciels.
« Toute l’économie est distraite en ce moment – personne ne va innover », constate Charles Betz. « Il est temps de réparer le toit, de mettre à jour votre inventaire et de travailler sur les enjeux de qualité ».