Ordinateur quantique : Honeywell a trouvé comment réduire les erreurs
Les qubits calculent faux à cause des parasites. Honeywell, qui est un spécialiste des sondes industrielles pour éliminer les parasites, s’improvise donc nouvel acteur de l’ordinateur quantique.
L’équipementier Honeywell International vient de rejoindre la course aux ordinateurs quantiques, avec un système qui utilise la technique dite des « ions piégés ». Celle-ci permettrait de limiter les erreurs de calcul produites par l’interaction entre les qubits et leur environnement, ce qui contribuerait à rendre l’ordinateur quantique d’Honeywell plus performant que d’autres équipés du même nombre de qubits.
« Auparavant, le marché comptabilisait la puissance d’un ordinateur quantique au nombre total de qubits physiques qu’il possédait. Nous préférons à présent parler de Volume Quantique (QV), à savoir le nombre de qubits effectivement opérationnels, qui ne produisent pas d’erreur », indique Tony Uttley, le directeur de la division quantique d’Honeywell. Il précise que l’ordinateur quantique d’Honeywell afficherait un Volume Quantique de 64, soit le double de ce que propose aujourd’hui IBM.
Explication : à cause des parasites, IBM, Google et les autres acteurs impliqués dans la mise au point d’un ordinateur quantique, estiment qu’il faut généralement déployer 10 000 qubits pour espérer en avoir un qui fonctionne « parfaitement », c’est-à-dire qui produise à coup sûr le résultat attendu. Mais comme il est impossible d’isoler les qubits parfaits, ceux du Volume Quantique donc, un ordinateur quantique aboutit en moyenne à un résultat faux toutes les 1 000 opérations. Honeywell ne précise pas dans quelles proportions il améliore ces différents taux.
James Sanders451 Research
« Le mérite d’Honeywell est de savoir construire des sondes de contrôle très précises, capables de bloquer les informations parasites dans des environnements industriels excessivement complexes. Appliquée à l’informatique quantique, cette expertise permet d’avoir plus de qubits fiables dans un système et, par extension d’avoir des systèmes avec plus de capacité », s’enthousiasme simplement James Sanders, analyste chez 451 Research.
Entreprise centenaire, l’Américain Honeywell fabrique d’ordinaire des équipements industriels de transformation et de régulation d’énergie dans des domaines aussi variés que le nucléaire, l’aérospatial, le bâtiment, la défense ou encore l’automobile.
« À partir du moment où les systèmes quantiques ont commencé à ressembler à des dispositifs de contrôle des signaux dans des environnements extrêmement complexes, nous nous sommes dit qu’ils entraient de plain-pied dans notre champ d’expertise », confirme Tony Uttley.
Une puce pour éliminer le bruit autour des qubits
Toute la performance de l’ordinateur quantique d’Honeywell tient en pratique à l’usage d’une puce QCCD qui combine champs électriques et magnétiques pour capturer des particules chargées. Son développement remonterait à une dizaine d’années et reposerait sur le principe de fonctionnement des sondes de contrôle optiques, dont Honeywell s’est fait une spécialité dans l’industrie.
Surtout, la puce QCCD serait si prometteuse que le simple réglage de sa précision devrait permettre à Honeywell de faire croître les performances de ses systèmes quantiques régulièrement. Il s’agirait en somme d’un principe similaire à la Loi de Moore dans les semi-conducteurs, où l’amélioration des loupes utilisées pour la gravure a permis de densifier les circuits tous les 18 mois.
Paul Smith-GoodsonCabinet Moor Insights & Strategy
Mais la technologie d’Honeywell ne convainc pas tout le monde. « Cette nouvelle architecture QCCD donne aujourd’hui à Honeywell une avance technologique dans les performances quantiques. Reste à savoir si, effectivement, il suffira d’une ingénierie traditionnelle de réglages pour augmenter les capacités de traitements ad vitam aeternam. A priori, il faudrait plutôt s’attacher à améliorer le circuit quantique lui-même, plutôt que son interface avec l’environnement », commente, dubitatif, Paul Smith-Goodson, un expert en informatique quantique au cabinet Moor Insights & Strategy.
S’improviser acteur de l’informatique quantique
Porté par cette innovation dans le monde quantique, Honeywell a décidé d’investir aussi dans des studios de développement d’algorithmes quantiques, en l’occurrence Cambridge Quantum Computing et Zapata Computing. Tous deux ont à cœur d’écrire des logiciels censés améliorer la recherche sur les réactions chimiques et la résolution de problèmes mathématiques complexes. Zapata Computing travaillerait aussi sur une « cybersécurité augmentée ».
Rappelons que, en théorie, un ordinateur quantique pourrait traiter des problématiques des milliers de fois plus rapidement qu’un ordinateur classique, car il serait en mesure de calculer en une seule fois tous les résultats possibles plutôt que les évaluer un à un.
« Nous collaborons déjà avec de nombreux industriels qui pourraient tirer profit de l’informatique quantique : dans l’aérospatial, dans la chimie, dans les énergies fossiles. Nous avons déjà auprès d’eux un rôle de conseil pour diverses activités et nous voulons à présent réfléchir avec eux aux cas d’usage les plus pertinents », dit Tony Uttley.
Honeywell aurait par ailleurs déjà signé avec l’entreprise financière JPMorgan Chase, pour qu’elle utilise son calculateur quantique afin de mener ses simulations, ainsi qu’avec Microsoft, qui proposerait de revendre du temps d’utilisation au travers des Quantum Services de son cloud public Azure.
Pour l’heure, tous les efforts autour de l’ordinateur quantique amènent à des machineries expérimentales qui commettent des erreurs. La seule informatique quantique qui fonctionne, et qui sert de base technologique pour développer des logiciels (à commencer par les langages de programmation), est l’émulation à partir d’ordinateurs classiques. C’est-à-dire qu’il lui manque ce qui ferait son intérêt principal : la vitesse.