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Coronavirus : le risque d'une pénurie de SSD divise les analystes

Faut-il se précipiter pour acheter du stockage Flash avant qu’il n’augmente de 15 % ou attendre que les prix dégringolent ? Les cabinets de conseil disent tout et son contraire.

Le coronavirus sème actuellement une discorde inattendue parmi les bureaux d’étude, analystes et autres cabinets de conseil : personne n’arrive à s’accorder sur l’évolution du prix des mémoires NAND au cours de l’année.

Pour Trendfocus, le gel des activités à cause des consignes de confinement va impliquer un écroulement des ventes chez tous les fournisseurs de SSD et de mémoires pour appareil mobile. L’offre devenant supérieure à la demande, les prix vont graduellement chuter et les entreprises seraient bien avisées d’attendre la fin de l’année pour acheter des baies de stockage.

Chez Gartner, au contraire, on estime que les mesures de confinement gèlent d’abord les chaînes de production et qu’il y aura bientôt une pénurie. Si les entreprises attendent trop, elles pourraient acheter 15 % plus cher leurs prochaines baies de disques.

Pour l’heure, les prix des composants mémoire NAND, à la base de tout équipement de stockage Flash, sont effectivement à la hausse. « Mais cela n’a rien à voir avec le coronavirus », s’emporte Jim Handy, le directeur du cabinet Objective Analysis, spécialiste des semi-conducteurs.

Pas de pénurie grâce à la surproduction décidée en 2018 et 2019, selon les uns…

« Il s’agit d’une hausse de prix temporaire, anticipée de longue date. »
Jim HandyObjective Analysis

« Il s’agit d’une hausse de prix temporaire, anticipée de longue date. Elle est due à l’accumulation de stocks de SSDs par les hébergeurs en Chine, qui redoutaient qu’une guerre commerciale avec les USA leur interdise d’acheter ces composants essentiels », explique Jim Handy.

« Bien entendu, les prix n’ont pas encore baissé. Mais il y a toutes les raisons de penser qu’ils le feront. Les fabricants de semi-conducteurs ont massivement investi en 2018 et en 2019 pour produire plus en 2020 et 2021. Nous allons donc nous trouver en situation où l’offre est très importante face à une demande faible à cause des mesures de confinement dans les activités. », explique-t-il.

« Je prédis donc qu’il n’y aura aucune hausse de prix ni sur les mémoires NAND, ni sur les SSD, ni même sur les DRAM en 2020 comme en 2021. Les grands fournisseurs de cloud public, les fabricants de serveurs et de baies de stockage, comme les entreprises finales pour acheter tout ce dont elles ont besoin pour un prix raisonnable », conclut-il.

… Ou une pénurie amplifiée par l’arrivée des smartphones 5G, selon Gartner

Un optimisme que ne partage pas du tout Joe Unsworth, de Gartner. Selon lui, le gel des activités dans les entreprises ne devrait réduire la demande en composants de stockage que de 1 %. Or, l’arrêt des usines chinoises qui fabriquent les mémoires NAND causerait une pénurie bien plus importante, provoquant donc plutôt une situation de demande supérieure à l’offre.

Si Joe Unsworth anticipe une hausse des prix aussi importante que 15 %, c’est parce que, dit-il, il y aura dans la seconde moitié de l’année une explosion soudaine de la demande pour des composants qui n’auront pas eu le temps d’être fabriqués.

« La rentrée 2020 doit être marquée par l’arrivée [...] des smartphones 5G, bardés de mémoires NAND, et des consoles de jeux vidéo […] dont on sait qu’elles utiliseront des SSD. »
Joe UnsworthGartner

« La rentrée 2020 doit être marquée par l’arrivée simultanée des smartphones 5G, bardés de mémoires NAND, et des consoles de jeux vidéo de dernière génération, dont on sait qu’elles utiliseront exclusivement des disques SSD », détaille-t-il, en suggérant que ces marchés de masse vampiriseront mathématiquement la fourniture de composants pour les serveurs et baies de stockage.

YMTC, le Chinois qui produit encore des NAND comme si de rien n’était

Dans les faits, les usines chinoises produisent 16,6 % des composants NAND. Elles appartiennent majoritairement à Samsung et Intel. Un troisième acteur fait néanmoins de plus en plus parler de lui, le chinois Yangtze Memory Technologies Co (YMTC), dont la production représente désormais 2 % des NAND mises sur le marché. Il se trouve que YMTC a justement basé ses usines à Wuhan, le berceau du coronavirus.

Paradoxalement, cette situation géographique l’aurait incité dès le tout début de l’épidémie à prendre des mesures draconiennes pour protéger ses salariés. Selon un porte-parole, YMTC serait ainsi devenu le seul producteur de NAND encore en mesure d’alimenter le marché, que ce soit depuis ses chaînes de montage comme depuis son réseau logistique.

Seule ombre au tableau, YMTC n’est pas actuellement capable d’augmenter sa production, car les fournisseurs de ses équipements ne peuvent pas envoyer en Chine des techniciens pour lui installer des chaînes de production supplémentaires.

Filiale de l’entreprise d’électronique Tsinghua Holdings, elle-même filiale économique de l’université publique de Tsinghua, YMTC a été créé de toute pièce par Pékin en 2016, dans le cadre du programme « Made in China 2025 ». Celui-ci ambitionne d’apporter à la Chine une autonomie complète en matière de semi-conducteurs. Le gouvernement chinois a investi 24 milliards de dollars dans son usine de Wuhan – à date le plus important financement industriel du pays. En 2020, YMTC doit lancer des NANDs 3D en 128 couches, avec l’espoir de prendre des parts de marché aux Américains Intel et Micron.

Officiellement, les usines sont opérationnelles, mais leur accès est limité

Cependant, les mémoires NAND ne sont que des composants. Encore faut-il les assembler pour fabriquer des disques SSDs, lesquels sont produits par d’autres usines chinoises. Or, selon Greg Wong, analyste chez Forward Insights, celles-ci fonctionnent bel et bien en sous-régime du fait des mesures de confinement. « La plupart des salariés n’ont plus le droit de s’y rendre. Le peu qui y travaille encore s’occupe d’expédier les produits en stock. Mais lorsque ceux-ci seront vides, il y aura une pénurie », dit-il.

En dehors de la Chine, l’essentiel de la production des six fabricants de mémoire Flash – Intel, Kioxia, Micron, Samsung, SK Hynix et Western Digital – se fait en Corée, au Japon, à Singapour, etc. dans des zones tout autant concernées par les mesures de confinement des salariés. Évaluer l’impact de ce confinement sur leurs capacités de production est assez difficile.

Intel, par exemple, déclare que son usine de NAND 3D à Dalian, en Chine, est « totalement opérationnelle ». Mais, dans le même temps, le fondeur annonce prendre des mesures très importantes pour lutter contre le virus, interdisant sur ses sites l’entrée à toute personne s’étant rendue dans un pays où le virus est actif, ou ayant approché à moins de deux mètres pendant au moins 30 minutes un individu contaminé.

La situation officielle des autres fabricants de mémoire NAND est à l’avenant. Tous restreignent les accès aux sites de production, lesquels resteraient « opérationnels ». Et tous interdisent les déplacements de leurs salariés, sans préciser comment ils maintiennent dès lors les chaînes logistiques.

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