BI : qu'ont en commun les leaders du marché ?
Dans son Magic Quadrant 2020, Gartner plébiscite à nouveau PowerBI, Tableau, Qlik et ThoughtSpot, quatre acteurs qui auraient une « vision long terme » très axée sur « l’analytique augmentée » et la Data Science.
Chaque février, Gartner crée la sensation au sein de l’écosystème BI – à la manière du Michelin dans le monde des étoilés – en publiant son classement des plateformes analytiques.
Bien qu’il ne soit pas le seul à sortir un rapport – on citera également la « Wave » de Forrester Research ou le « BI Survey » de BARC – le « Magic Quadrant for Analytics and Business Intelligence Platforms » reste un des plus influents et des plus attendus.
Rita Sallam, l’une des auteurs du rapport, revient dans cet entretien sur le classement 2020 du Gartner ainsi que sur les tendances qui marqueront le marché de la BI dans les années à venir.
Dans la première partie de cet échange, elle explique ce qui différencie les quatre leaders de la BI des autres acteurs. Dans la deuxième, elle explorera plus en détail les tendances clés qui feront les leaders de demain.
Pour la deuxième année consécutive, Gartner a désigné Microsoft, Tableau, Qlik et ThoughtSpot comme les quatre seuls leaders de son Magic Quadrant. Y a-t-il des caractéristiques communes qui les distinguent des autres ?
Rita Sallam : Ce qui fait un « leader », c’est d’abord l’élan significatif qu’il a sur le marché (le momentum). Ensuite, et c’est lié, il faut que vous répondiez aux principales exigences des clients – du support à la simplicité d’utilisation de votre produit, que ce soit en termes de diffusion des contenus ou de génération d’insights à partir des données. Aujourd’hui, les clients veulent pouvoir facilement extraire des informations d’un contenu analytique.
Un autre point commun est qu’ils ont tous une vision long terme. Ils investissent dans ce que demandent les clients aujourd’hui. Mais pas que. Ils explorent des choses comme l’intelligence augmentée, le Machine Learning infusé, la génération spontanée d’insights, la préparation automatisée des données (Automated Data Prep), les possibilités de Data Sciences avec le développement de modèles de Machine Learning plus sur mesure (analytique avancé), les interfaces conversationnelles (avec du NLP) ou encore des explications à côté des visualisations (Data Viz) pour expliciter les enseignements (insights).
Les acteurs qui dominent le marché ne sont pas tous au même niveau sur ces différents domaines. Mais ils ont en commun d’avoir tous des feuilles de route, qui les incluent et qui sont très tournées vers l’innovation.
Ceci étant, j’ajouterais que l’écart d’innovation entre eux et le reste du marché pourrait bien se réduire. Tous les éditeurs ont en effet commencé à les imiter : ils investissent dans l’analytique augmentée ou dans le traitement du langage naturel pour générer à partir des données des informations plus poussées, accessibles à un plus grand nombre d’utilisateurs (jusqu’aux métiers).
Des quatre Leaders, Microsoft et Tableau semblent se détacher et être « encore plus leaders ». Pourquoi ?
Rita Sallam : Parce que, j’en reviens à mon premier point, ce sont ceux qui ont la meilleure dynamique.
Tableau et Microsoft Power BI sont sur la « short list » de la quasi-totalité des entreprises qui veulent acheter des solutions de BI. Résultat, ils sont ceux qui aujourd’hui ont la meilleure capacité à mettre en place leur stratégie.
Il y a un groupe d’éditeurs – Domo, Looker, ThoughtSpot – qui sont nés au début des années 2010. Parmi eux, ThoughtSpot semble avoir mieux réussi à s’imposer. Pourquoi ?
Rita Sallam : ThoughtSpot a été un véritable éclaireur dans l’utilisation du NLP appliquée aux requêtes analytiques. Ses équipes ont réussi le tour de force de s’imposer dans une niche de manière assez impressionnante et à se faire reconnaître comme une offre très différenciante qui permet aux métiers de poser des questions très complexes aux données, et à grande échelle.
En étant des précurseurs de l’expérience utilisateur – ce que nous appelons « l’analytique augmentée », une expérience qui ouvre la voie vers l’utilisateur augmenté – et parce qu’ils ont été les premiers à proposer ces innovations et que le marché a répondu positivement, le reste des acteurs, y compris les autres leaders, ont commencé à les imiter.
Et que dire de Looker, récemment racheté par Google, et pas forcément le plus connu du Magic Quadrant ?
Rita Sallam : Looker se distingue par le fait qu’il est particulièrement adapté pour les sources de données cloud, avec un modèle sémantique agile qui permet de générer des rapports et des analyses à très grande échelle sur de très grands jeux de données. Pour les entreprises qui ont fait le pari du « tout cloud » dans la gestion de leurs données, Looker est absolument à part.
En dehors des leaders, quels éditeurs ont fait le plus de progrès ?
Rita Sallam : Deux éditeurs sortent probablement du lot : Oracle et Yellowfin. Les deux sont passés du quadrant des « acteurs de niche » à celui des « visionnaires », en grande partie grâce à leurs progrès autour de l’analytique augmentée et à leurs capacités à fournir des expériences « de prochaine génération », automatisées, et à base d’IA.
Oracle se différencie avec son produit web, mais aussi avec son application : Day by Day. De son côté, Yellowfin a apporté des innovations autour de Signals, un système de monitoring de l’activité opérationnelle qui fournit automatiquement des insights dynamiques aux utilisateurs, sans qu’ils aient à créer un tableau de bord prédéfini. En remplaçant à bien des égards les dashboards statiques et prédéfinis, Yellowfin propose concrètement ce qui sera probablement un des éléments clés de toutes les expériences BI des trois à cinq prochaines années.
À l’inverse, y a-t-il des acteurs qui sont en train de décrocher ?
Rita Sallam : Je dirais que la plupart des autres ne bougent pas trop. Un autre acteur qui a bien progressé est Tibco. Cet éditeur est passé de la catégorie « visionnaire » à celle des « challengers » en grande partie grâce à la force de son produit et à des mesures prises pour assurer une meilleure exécution et une meilleure expérience client.
Le seul dont on pourrait dire qu’il a un peu reculé, ce serait Birst. Avant son acquisition par Infor, Birst se positionnait plus haut dans le quadrant des acteurs niches. Mais les acquisitions s’accompagnent souvent d’un certain trouble côté clients. Il y a aussi souvent des changements dans le support et dans le développement produits. Nous constatons cela aussi pour Birst.