S/4HANA : pour Oracle, SAP n'aurait pas plus de 1000 clients en mode SaaS
La bataille des chiffres fait rage entre SAP et Oracle. Le SVP du SaaS de ce dernier revendique 7.000 clients et estime que le report de la fin du support d'ECC - prévisible selon lui - ne changera rien à l'attraction d'Oracle sur les clients de SAP.
Le nouveau SVP du SaaS d'Oracle (première partie ici), l'Allemand Jurgen Lindner (venu de SAP) questionne les chiffres de son ancien employeur sur S/4HANA dans le cloud... sans pour autant clarifier ceux de sa nouvelle entreprise qui se refuse, elle aussi, à jouer la transparence financière sur le SaaS.
A ce petit jeu entre SAP et Oracle - auquel participe visiblement avec plaisir Larry Ellison (fondateur et CTO d'Oracle) - Jurgen Lindner estime que SAP confond volontairement les licences par nombre de sièges et le nombre d'entreprises clientes. Il revendique, de son côté, 7.000 clients pour l'ERP SaaS d'Oracle dont 5.000 déjà en production.
En conclusion, Jurgen Lindner aborde les conséquences - quasi nulles d'après lui - du report de la date limite du support d'ECC, une plateforme toujours « en feu » (sic) dont les clients actuels auraient juste un peu plus de temps pour s'enfuir.
Cet entretien est publié en deux parties. Dans la première partie, Jurgen Lindner expliquait les approches stratégiques - radicalement différentes selon lui - de SAP et d'Oracle.
LeMagIT : En décembre, Larry Ellison affirmait que vous « chipiez » beaucoup de clients à SAP. Fin janvier, la nouvelle direction générale de SAP a répondu en disant que c'était de l'intox. Ils ont ajouté, en résumé, que les parts de marché de SAP dans l'ERP étaient deux fois plus grandes que celles d'Oracle ; et que parmi leurs nouveaux clients ERP beaucoup n'étaient pas clients de SAP.
Première question : que répondez-vous à cela ? Et deuxième question : peut-on espérer, au regard de la dynamique très positive que vous souligniez, que les résultats chiffrés du SaaS dans les documents financiers d'Oracle soient à nouveau publiés ? C'était le cas par le passé et ils ont maintenant fusionné...
Jurgen Lindner : Malheureusement, je ne suis pas habilité à répondre aux questions financières ni à commenter notre méthodologie de reporting. Ce serait plus une question pour Safra Catz dans une conférence analyste sur les résultats.
LeMagIT : D'accord, mais y a-t-il des chiffres clés que vous pouvez partager pour prouver que vous gagnez effectivement contre SAP ?
Jurgen Lindner : Je répondrais à la question de la manière suivante. Si vous parlez d'ERP de manière générale, cela inclut les déploiements « sur site » et les déploiements de type « cloud ». Si vous regardez IDC ou Gartner, ils comptent ces [deux types d'ERP] de manières différentes.
Donc, si SAP dit qu'il est le leader de l'ERP, il le fait mais en mélangeant « le sur site » et le « cloud ». Si on isole complètement le cloud, dans son essence la plus pure (le cloud ERP en SaaS), on obtient un tableau très différent et moins flatteur pour SAP.
Sur ce qui est pour nous le marché à plus fort potentiel de croissance - l'ERP en cloud public - nous sommes, et de loin, bien en avance par rapport aux capacités actuelles de SAP.
LeMagIT : D'accord, mais combien d'entreprises tournent sur votre cloud ? SAP dit qu'il en a 14 000 sur S/4HANA ?
Jurgen Lindner : C'est déjà une déclaration intéressante. S/4HANA peut signifier beaucoup de choses différentes. S/4HANA signifie à la fois « cloud public » et « en mode hébergé ». Ce que vous constaterez aussi, c'est que ce chiffre de 14 000 concerne des licences de type « par seats » [N.D.R. : par sièges]. Ce n'est pas forcément le nombre de déploiements actifs.
Jurgen LindnerOracle
Si vous posez la même question à SAP sur le seul ERP en cloud public, la réponse sera très différente. Ce sera plutôt un numéro à trois chiffres. Ils l'ont dit récemment. C'est vraiment des chiffres qu'il faut interpréter avec beaucoup de minutie.
[Chez Oracle], ce que nous faisons dans le cloud public est saisissant. Nous avons déjà 7 000 clients sur notre ERP Cloud, et c'est sans compter NetSuite - avec [NetSuite], nous sommes plus proches des 23 ou 24 000. Et près de 5 000 d'entre eux sont déjà opérationnels, et en perçoivent déjà les bénéfices. Il en va de même pour la chaîne d'approvisionnement et d'autres types de solutions. Donc, si nous parlons de pur cloud public, c'est un avantage assez insensé que nous avons en ce moment [par rapport à SAP].
LeMagIT : L'extension du délai du support d'ECC officialisé par SAP change-t-il quelque chose pour vous ?
Jurgen Lindner : Déjà, cette décision n'a étonné personne. Cette date limite de support était... comment dire... « injustifiée » [N.D.R. : en vo : « unfounded deadline »]. Elle a en revanche crée de la panique chez beaucoup de clients. Les entreprises ont besoin de flexibilité et de bouger à leur propre rythme. C'est au passage la raison pour laquelle, chez Oracle, nous n'imposons jamais de date limite à nos clients sur site. Nous supportons des applications très anciennes parce qu'elles ont encore des utilisateurs. Si vous vendez un produit mais que vous ne pouvez pas assurer qu'il créera toujours de la valeur, alors quelque chose ne tourne pas rond. Donc imposer une échéance arbitraire ne joue jamais en votre faveur. Je le redis mais le recul de cette deadline est au final tout sauf une surprise.
Jurgen LindnerOracle
A l'évidence, nous allons devoir redoubler d'efforts avec l'arrivée de la nouvelle direction de [SAP]. Elle va certainement mettre un point d'honneur à recréer de la confiance avec ses utilisateurs. Mais aucun client ne se sentira rassuré par l'extension du support. Elle signifie certes que « oui, vous avez un peu plus de temps » ; mais les fondamentaux restent les mêmes. Vous devez toujours trouver un moyen de sortir d'une plate-forme qui brûle (en vo : « you still need to move off of a burning platform »). La plate-forme actuelle n'est toujours pas compatible [sur le long terme] avec là où SAP veut aller.
Donc en résumé, ce recul de la date limite ne mettra pas fin aux échanges que nous avons avec les clients de SAP. Nous avons peut-être un peu plus de temps pour réfléchir.
Ce recul donne peut-être aussi à l'écosystème de SAP une chance de rattraper son retard. Parce qu'aujourd'hui, même si tous les clients disaient oui [pour migrer vers S/4HANA], il serait absolument impossible [à l'écosystème SAP] de tous les migrer.
Birmingham City Council passe de SAP à Oracle
Même si Oracle se refuse aujourd'hui à donner les noms des entreprises qui auraient déserté SAP pour migrer vers son ERP plutôt que vers S/4HANA, un nom a tout de même fuité lors de l'Open World Europe de Londres : celui du Birmingham City Council. « Nous sommes en train d'établir une liste de clients sur lesquels nous communiquerons lorsque les projets seront plus avancés », nous a par ailleurs promis un responsable d'Oracle.
« Pour l'instant, ces noms sont confidentiels. Mais vous allez voir une dynamique très favorable, dans très peu de temps maintenant », assure Jurgen Lindner.