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Fibre : Celeste veut devenir le numéro 3 des opérateurs B2B
Lancé dans une campagne de rachat des petits opérateurs locaux, Celeste revendique déjà 8 500 entreprises clientes et une infrastructure de fibre plus moderne que celles d’Orange et SFR.
Fort de quatre acquisitions en moins d’un an, Celeste entend surgir de la masse grouillante des petits opérateurs en France pour se poser en véritable alternative à Orange et SFR sur les marchés B2B de la fibre. Son avantage est d’être le seul à disposer, comme les deux géants, d’un réseau d’envergure nationale en propre.
« Après les rachats de Via Numerica en Haute-Savoie, de PacWAN en région PACA, d’Option Service Télécom dans les Hauts-de-France et, ces jours-ci, d’Ariane.Network en Languedoc-Roussillon–Midi-Pyrénées, nous disposons de 5 800 km de fibres sur le territoire, qui raccordent 8 500 entreprises à nos 70 POPs [Point de présence, ou relais dans le jargon des télécoms, N.D.R.]. Nous sommes de fait le principal opérateur alternatif pour entreprises sur le marché français », déclare au MagIT Nicolas Aubé, le président fondateur de Celeste.
2 % du marché déjà conquis à Orange et SFR
Celeste propose aux entreprises de les raccorder à une fibre dédiée au-dessus de laquelle l’opérateur commercialise un accès à Internet, une liaison privée vers des succursales (liens MPLS), ainsi que des services de téléphonie sur IP et de visioconférence. Son catalogue de services va jusqu’à l’hébergement des serveurs de ses clients dans son datacenter situé en région parisienne, dans un bâtiment aux dernières normes écologiques et qui lui appartient. Exactement comme Orange et SFR.
« Orange et SFR sont des opérateurs historiques et leurs activités auprès des entreprises doivent générer dans les 2 Md€ de CA annuel. Notre CA n’est pour l’heure que de 58 M€, mais le point important à considérer est qu’il n’était que de 23 M€ en 2018. Nous avons doublé nos résultats en seulement un an et nous ne comptons pas nous arrêter là », indique le PDG qui revendique servir 2 % du marché des entreprises de plus de 10 personnes.
« La précision des 10 personnes est importante, car en dessous, ce sont des TPE, des commerçants, des professions libérales qui utiliseront pour travailler des connexions Internet grand public – c’est-à-dire les infrastructures partagées de la fibre FTTH. Ce n’est clairement pas notre marché. Celeste adresse des professionnels qui, en cas de panne, veulent avoir la garantie d’un redémarrage du service en moins de quatre heures, ce qui est impossible à atteindre sur un réseau FTTH », ajoute-t-il. Il exclut de fait Free et Bouygues Telecom de ses concurrents sur le marché B2B, puisqu’ils ne possèdent que des infrastructures FTTH (« Fiber To The Home »).
Nicolas Aubé précise qu’il n’est pas concerné par les ennuis économiques actuels de Kosk. Kosk est l’opérateur « de gros » qui construit des backbones – des liens centraux – pour relier les NRO – les nœuds de raccordement en FTTH – afin que les opérateurs alternatifs français puissent commercialiser auprès des entreprises des connexions WAN via la fibre FTTH, mais sans reverser trop de royalties aux quatre opérateurs grand public.
« En ce qui nous concerne, nos POPs sont reliés entre eux par les backbones des opérateurs d’autoroutes : Eiffage, Vinci, SAPN… Nous bénéficions donc d’infrastructures très modernes, plus fiables », dit-il.
Proposer de l’infrastructure dédiée, aux entreprises et aux opérateurs alternatifs
En France, les opérateurs alternatifs qui commercialisent sur l’ensemble du territoire des services similaires à ceux de Celeste sont environ une cinquantaine. Leur nombre devrait d’ailleurs fortement grossir dans les semaines qui viennent avec l’arrivée des ESN qui, profitant de la démocratisation de technologies comme le SD-WAN, s’improvisent opérateurs. Mais au contraire de Celeste, ces opérateurs alternatifs ne possèdent pas de réseau en propre.
À la place, ils louent de la bande passante sur les réseaux de fibre existants. En FTTH, d’une part, et, d’autre part, sur les réseaux B2B d’Orange, de SFR, de Celeste ou des petits opérateurs locaux.
Nicolas AubéPrésident fondateur, Celeste
« Notre force est d’offrir aux opérateurs alternatifs et aux intégrateurs des infrastructures à la carte. Nous fournissons les fibres, les accès logiques, les interconnexions privées au niveau Ethernet, des interconnexions sécurisées au niveau IP. Ils les commercialisent comme ils l’entendent, et ajoutent du SD-WAN par-dessus s’ils le souhaitent », commente Nicolas Aubé, en précisant que la revente de bande passante aux opérateurs alternatifs est une activité récente pour Celeste ; elle n’existe que depuis deux ans.
Il minore néanmoins les ambitions autour du SD-WAN : « le SD-WAN est intéressant pour multiplier les accès à partir de liens peu rapides, c’est-à-dire à partir de connexions cuivre ADSL/SDSL dont l’utilisation est libéralisée. En revanche, dès lors que Celeste installe une fibre dédiée, avec un débit qui grimpe jusqu’à 10 Gbit/s, il est contre-productif de payer en plus pour du matériel SD-WAN qui ne sert plus qu’à sécuriser le lien, d’autant que la sécurité MPLS est fournie gratuitement sur nos fibres. »
Selon lui, les leviers économiques sont actuellement dans les services de communication. « Les réseaux téléphoniques RTC sont abandonnés et les entreprises n’ont d’autre choix que de passer à la téléphonie sur IP. La bonne nouvelle est qu’elles n’ont plus besoin d’installer chez elles des IPBX. Toute la téléphonie sur IP est gérée par l’opérateur, répondeur et standard téléphonique compris. Et ces offres s’étendent simplement vers des services de visioconférences qui rendent possible le télétravail. Ces offres connaissent chez nous un succès incroyable en ce moment. »
Vers un rachat d’autres opérateurs privés locaux
Si Nicolas Aubé se refuse à tout commentaire sur le sujet, on devine que l’appétit de conquête de Celeste passera par le rachat d’une multitude d’autres opérateurs locaux et d’opérateurs alternatifs influents.
En l’occurrence, les petits opérateurs locaux qui sont des entreprises privées, nées la plupart du temps d’associations de professionnels et qui restent propriétaires ad vitam aeternam des réseaux qu’elles ont installés avec leurs fonds propres. Numerica, PacWAN et Ariane.Network entrent dans cette catégorie. Option Service Télécom, en revanche, était un opérateur alternatif sans infrastructure en propre. Celeste a néanmoins tenu à le racheter pour son riche portefeuille de 500 entreprises liées à l’univers de la santé dans le nord de la France.
Le nombre des opérateurs locaux privés est néanmoins limité. La grande majorité des opérateurs locaux est plutôt constituée de RIP (Réseau d’Initiative Publique), à savoir des entreprises créées de toutes pièces par des collectivités locales. Elles sont soucieuses de connecter leur tissu économique au haut débit et financent, sur fonds publics, la pose de fibres sur leur territoire. Les RIP ont généralement le droit d’exploiter commercialement leurs fibres (abonnements…) pendant une durée limitée à 25 ans (contrat dit de DSP, ou Délégation de Service public), avant que leur concession soit revendue à un opérateur privé.
Pour que le tour d’horizon soit complet, signalons que les RIP sont souvent rattachés à un opérateur d’infrastructure, à savoir un industriel qui creuse les tranchées dans lesquelles passeront les fourreaux, qui installe les nœuds de raccordement et qui assure la maintenance technique de l’ensemble. En France, citons Orange, Axione (qui appartient à Bouygues Construction), Covage (qui est susceptible de se faire racheter par SFR dans les prochaines semaines), Altitude Infrastructure et SFR Collectivités.
« Ne pas passer par tous ces intermédiaires nous permet de garantir, via un réseau de partenaires locaux qualifiés, l’installation d’une nouvelle fibre en 12 semaines maximum. De plus, nous avons développé nos propres outils mobiles pour permettre à nos techniciens d’être très réactifs dans la maintenance des infrastructures. Notre différence se fera sur la fiabilité », conclut-il.