Démission de Ginni Rometty : IBM se repositionne derrière Red Hat
Après huit ans de règne et 25 % de ventes en moins malgré ses efforts autour de Watson, la CEO d’IBM passe la main à une équipe bicéphale qui fera la part belle à l’activité de Red Hat dans le cloud hybride.
La patronne d’IBM, Ginni Rometty, démissionne. Elle sera remplacée en avril prochain au poste de CEO par Arvind Krishna, qui dirigeait jusque-là la division Cloud Computing. Cette annonce intervient au terme d’une année fiscale aux résultats timides, globalement en baisse de 3,1 % par rapport à l’année précédente.
Nommée à la tête d’IBM en 2012, Ginni Rometty restera comme la dirigeante qui aura ouvert la voie de l’analytique dopée à l’intelligence artificielle, en promouvant à bout de bras la marque Watson. Hélas, essuyer les plâtres dans ce domaine n’aura pas eu les effets de relance escomptés, puisque, en huit ans, les ventes d’IBM ont régressé de plus de 25 %.
« Le problème est qu’IBM n’avait rien de plus innovant à proposer à ce moment-là. Ginni Rometty a donc poussé toutes les équipes à lancer des produits Watson rapidement, quitte à sauter des étapes essentielles de finalisation, ce qui l’a empêchée de sécuriser l’avantage qu’IBM aurait pu avoir sur ses concurrents », commente l’analyste Charles King, du bureau Pund-IT, au micro de nos confrères de TechTarget USA.
« Car pendant ce temps, des fournisseurs, qui n’avaient pas de technologies aussi avancées, ont profité de la dynamique pour vendre des solutions mieux packagées commercialement : des commandes vocales, du Machine Learning… », ajoute-t-il.
Red Hat fer-de-lance du nouvel IBM
De son côté, Arvind Krishna est l’architecte du rachat de Red Hat, qui a eu lieu l’année dernière. Si, dans un premier temps, le marché avait vivement critiqué le coût considérable de cette acquisition – 34 milliards de dollars –, il s’est avéré que l’activité de l’éditeur Open source a eu un effet positif immédiat sur les résultats d’IBM. Au dernier trimestre, il s’agit d’ailleurs de la division qui progresse le plus, avec une hausse du chiffre d’affaires de 24 % en un an.
La dynamique de Red Hat est telle que la nouvelle direction d’IBM sera pour la première fois bicéphale. Arvind Krishna sera ainsi secondé par Jim Whitehurst, l’actuel dirigeant de Red Hat. Celui-ci sera promu en avril « président » d’IBM, ce qui correspond à un poste de directeur général. La nouvelle a été applaudie par le marché : le cours de l’action d’IBM a immédiatement grimpé de 5 % à la bourse de New York.
« L’erreur d’IBM durant toutes ces années aura été de s’obstiner à vendre son cloud privé, au prétexte qu’il leur permettrait de fortifier leur base de clients installée. Ils n’ont pas vu venir le besoin de cloud hybride et n’ont pas voulu écouter ceux qui leur demandaient de s’ouvrir au reste du monde. Si bien que la relance ne pouvait venir que d’une culture extérieure », estime, au micro de nos confrères de TechTarget USA, Frank Dzubeck, directeur du bureau d’analystes Communications Network Architects.
Une culture de la marge, plus que du chiffre d’affaires
Frank Dzubeck dénonce en particulier le ratage de la relance d’IBM suite au rachat, pour 2 milliards de dollars, de SoftLayer en 2013, un acteur dont la technologie aura été utilisée, justement, pour bâtir le cloud privé d’IBM.
« Le fondateur de SoftLayer, Lance Crosby, avait des connexions avec le monde Open source. Il aurait pu impulser une nouvelle dynamique cloud. Mais toutes ses idées se sont heurtées à la vieille garde d’IBM, qui voulait faire les choses à sa façon. De fait, il a rapidement claqué la porte », raconte l’analyste.
Charles King estime qu’IBM n’est pour autant pas encore sorti d’affaires. « Je suis convaincu, bien entendu, qu’IBM se félicite de générer plus de chiffre d’affaires grâce à Red Hat. Mais, fondamentalement, ce n’est pas encore la culture de ses actionnaires. Eux, préfèrent toujours, et de loin, que la compagnie génère plus de marge », indique-t-il. Il suggère que l’activité de Red Hat, qui consiste à vendre des licences pour que les entreprises puissent aller dépenser encore plus dans les clouds publics d’AWS, Azure ou Google, court toujours le risque d’être contrecarrée à un moment ou l’autre en haut lieu.