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Davos 2020 : l'IT aussi doit lutter contre le dérèglement climatique
Le changement climatique a été un sujet prioritaire du Forum économique mondial en amont duquel le PDG de Microsoft, Satya Nadella, a dévoilé son intention d'atteindre une empreinte carbone négative.
Børge Brende, le président du Forum économique mondial (World Economic Forum, WEF), a averti : le changement climatique est désormais la plus grande menace pour la société. Lors de la présentation de la 15e édition de l'étude Global Risks du WEF, il a qualifié « le tableau des risques mondiaux » d'« inquiétant ».
« Les cinq dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées », constate-t-il. « Et les risques environnementaux sont en constante augmentation ».
Børge Brende a ajouté un point clef à ce diagnostic : tous ces risques sont à long terme. La planète continue à se réchauffer, les calottes glaciaires à fondre et certaines espèces à disparaître. « Le coût de l'inaction dépasse de loin le coût de l'action », évalue-t-il. « Il est grand temps de mettre en œuvre des politiques de lutte contre ce changement climatique. »
Une table ronde organisée autour de la publication officielle de ce rapport est revenue sur les risques accrus de cette inaction. Elle a aussi rappelé que les défis auxquels le monde est confronté sont d'autant plus difficiles à relever que les tensions géopolitiques complexifient la mise en place de politiques mondiales de réduction du carbone.
Résultats, pour les experts du panel, ce manque de volonté politique fait qu'il incombe aujourd'hui aux chefs d'entreprise de mener la lutte contre le réchauffement.
Pour John Drzik, président de Marsh & McLennan Insights, « la communauté des affaires doit se pencher sur les risques et les opportunités qui découlent du changement climatique. »
John Drzik avance que les entreprises devront rapidement trouver comment devenir plus résilientes - en examinant par exemple leur chaîne d'approvisionnement - mais aussi prendre conscience que les préoccupations environnementales joueront désormais un rôle majeur pour leurs clients et les consommateurs.
« Nous demandons instamment aux entreprises d'évaluer ces risques liés au changement climatique pour leur activité », invite-t-il.
Nettoyer l'IT
Le secteur de l'IT n'est pas épargné par ce constat de responsabilité. Loin de là. Chaque photo postée sur les réseaux sociaux, chaque fichier stocké dans un espace à la Dropbox, chaque clic sur une page web et chaque mail envoyé ou reçu consomme quelques cycles de processeur à travers un vaste ensemble de machines reliées les unes avec les autres par un réseau - le tout constituant l'architecture physique et bien réel d'Internet.
Chaque minuscule interaction - bien que modeste quand on la considère à part - consomme un peu d'électricité. Mais mises bout à bout, ces interactions représentent à chaque minute de chaque jour, et sur l'ensemble de l'activité mondiale d'internet, une énorme quantité d'énergie.
La problématique pour l'utilisateur final est peu visible car sa consommation est diluée dans celle de tous les datacenters d'Internet. Mais les experts s'accordent sur le fait que les démocratisations des objets connectés et des smartphones vont faire exploser la consommation énergétique du « réseau des réseaux ».
L'IT est donc loin d'être une industrie « propre ». Son intensité énergétique augmente à un rythme de 4 % par an, selon The Shift Project, un groupe de réflexion sur la transition énergétique basé à Paris. « L'énergie directement liée à un dollar investi dans les technologies numériques a augmenté de 37 % depuis 2010 », assène le rapport Lean ICT, publié par le groupe en février 2019.
En Grande-Bretagne, selon le rapport « UK datacentre sector energy routemap » de l'association sectorielle techUK, 75 % de l'électricité consommée par les datacenters en novembre 2019 est une énergie renouvelable. Mais... l'industrie continue à utiliser le refroidissement à l'air, qui libère de la chaleur dans l'environnement.
De l'eau est également gaspillée. Selon Matt Bradley, directeur du développement durable chez Capgemini - qui s'était exprimé lors de la présentation du rapport « Helping businesses create a greener, more sustainable future » du Ministère britannique de l'environnement, en octobre 2019 - un centre de données typique consomme 100 000 litres d'eau sur cinq ans.
Notre publication sœur, Computer Weekly, a également mis en avant l'étude de techUK qui révélait que les gestionnaires de centres de données utilisent trop le réseau électrique public en tant que source d'énergie primaire... et qu'ils utilisent aussi largement des groupes électrogènes à essence en système de secours. L'association avait alors exhorté l'industrie IT à encourager les entreprises à gérer leurs datacenters comme des unités opérationnelles, afin que les coûts d'exploitation soient transparents et que les performances soient contrôlées - et ainsi soutenir la consolidation d'une IT plus distribuée et économe.
Microsoft veut supprimer ses émissions de carbone
Pour montrer le bon exemple, en amont du World Economic Forum, le PDG de Microsoft, Satya Nadella, a assuré que Microsoft allait prendre des mesures sans précédent pour faire disparaitre totalement son empreinte carbone - y compris de manière rétroactive.
Le but de Microsoft est d'avoir une empreinte carbone négative d'ici 2030. D'ici 2050, dixit Satya Nadella, l'éditeur aura compensé la totalité des émissions qu'il a générées depuis sa naissance en 1975, ce qui reviendrait à faire disparaitre 45 années d'émission carbone.
« Nous sommes au début d'une nouvelle décennie. C'est le moment de réfléchir, de se fixer des objectifs ambitieux et d'aller de l'avant en faisant preuve d'audace », a-t-il lancé. « Des opportunités et des défis se présentent à nous aujourd'hui [...] nous devons redéfinir ce que signifie "réaliser plus et faire plus" ».
Mais Satya Nadella a aussi averti que la décennie passée montrait qu'une technologie non inclusive, sans confiance et sans développement durable faisait plus de mal que de bien. « En tant qu'entreprises, notre objectif et nos actions doivent être cohérents et aider à résoudre les problèmes du monde, pas à en créer de nouveaux ».
En plus d'une Intelligence Artificielle responsable, de faire du respect de la vie privée un droit de l'Homme, et de protéger les utilisateurs contre les cybermenaces, Satya Nadella estime que « nous devons compenser les effets néfastes du changement climatique. Chacun d'entre nous va devoir prendre des mesures, ce qui inclut donc aussi les entreprises ».
Et même si Satya Nadella estime qu'une entreprise ne peut pas résoudre le problème toute seule, « en tant que groupe technologique mondiale, notre responsabilité est particulière, [nous devons] apporter notre contribution ».