La RPA évolue vers le Smart OCR, le ML et l’IA
La RPA tire ses racines de technologies des années 50 et 60. Puis, l’automatisation est passée à des macros évoluées et à la collecte de données dans des systèmes épars. Aujourd’hui, les bots sont plus matures, même si les pratiques doivent suivre. L’avenir de la RPA ? L’IA, l’OCR et le Machine Learning.
Avant la RPA il y avait… presque de la RPA. Les ancêtres de la RPA (Robotic Process Automation), telle que nous la connaissons aujourd’hui, sont nombreux. Ted Shelton, fondateur et PDG de Robodomo, société de conseils en RPA, avance que les idées derrière la RPA remontent à l’invention des macros dans les années 1950, à la collecte de données dans des systèmes épars dans les années 1980 (data scraping) et à l’avènement des aspirateurs à données d’Internet (web scraping) dans les années 1990 pour indexer le web.
Au début des années 1980, les banques ont commencé à créer des applications de data scraping pour ressaisir et centraliser les données de divers services financiers comme Reuters ou Quotron. Plus tard, des éditeurs ont commencé à développer des outils plus sophistiqués pour copier (voire couper) et coller les données d’applications mainframe vers des applications Web plus modernes.
« Le principe d’automatisation est aussi vieux que l’informatique », confirme John Cottongim, fondateur et COO de Roots Automation, qui voit trois grandes vagues dans cette histoire.
Trois vagues de la RPA, une quatrième à venir
La première vague était composée de diverses techniques « d’automatisation programmatique » comme les macros Excel.
La seconde a été celle de l’automatisation des tests, dont les pionniers ont été des éditeurs comme OpenSpan, racheté depuis par PegaSystems.
La troisième vague a été lancée par Blue Prism – un des « trois grands » de la RPA au côté d’Automation Anywhere et UiPath – avec le développement d’un outil d’automatisation capable de répondre aux besoins des entreprises à l’aide de contrôles plus complets et de fonctions de sécurité intégrée.
L’évolution de la RPA entre maintenant dans ce que John Cottongim appelle une quatrième vague. Celle de l’intégration de composants « intelligents » comme l’OCR (reconnaissance optique de caractères), le Machine Learning et les chatbots.
Avec cette nouvelle vague, et maintenant que le secteur a prouvé qu’il savait automatiser des tâches en s’appuyant sur des règles, les entreprises peuvent désormais commencer à réfléchir sur la manière d’appliquer la RPA pour des workflows plus complexes mélangeant les robots et les humains.
Une passerelle pour l’IA
La croissance rapide de la RPA est une preuve de son utilité. Mais Phil Fersht – analyste en chef de HFS Research et qui a le premier employé le terme « automatisation robotique » dans un billet de blog de 2012 – note que le marché de 2,7 milliards de dollars de la RPA ne représente qu’une infime fraction du marché de l’externalisation des processus d’entreprise, qui s’élève à de 50 milliards de dollars. Un marché qui repose principalement sur la main-d’œuvre humaine à faible coût, pour réaliser les tâches répétitives que la RPA se propose d’automatiser.
Un des facteurs qui limite sa croissance serait que les entreprises l’adoptent comme un simple outil, plutôt que de construire un centre d’excellence pour soutenir des projets d’envergure. Résultat, environ 13 % seulement des entreprises auraient des projets de taille significative. « Bien qu’il y ait eu beaucoup de bonnes choses de dites et de battage médiatique [autour de la RPA], la plupart des organisations ont encore du mal à dépasser la phase des pilotes », estime Phil Fersht.
Phil FershtAnalyste, HFS Research
Pour lui, la RPA reste néanmoins une excellente passerelle vers une adoption plus large de l’Intelligence Artificielle et de l’automatisation. « La beauté de la RPA, c’est que pour la première fois, de nombreux utilisateurs métiers ont eu l’occasion de concevoir eux-mêmes des processus en utilisant des outils low-code », se réjouit-il. Il pense également que plus largement, la RPA va devenir un élément parmi d’autres, « une boîte à outils plus large de solutions d’orchestration de processus et de transformation [à base d’IA] ».
Ce mélange entre des bots RPA et des traitements algorithmiques est parfois présenté comme une approche hybride, qui mêlerait des flux supervisés, non supervisés et de l’IA pour arriver à des résultats pertinents.
Par exemple, dans le cadre de la gestion de cas, il s’agit d’enclencher un bot appelé par un algorithme de NLP qui a identifié au préalable la demande d’un client dans un mail. Un assureur peut vouloir créer ainsi des dossiers qui seront automatiquement remplis avec les données du client. Un traitement OCR permettra d’extraire les informations issues d’un constat à l’amiable, en cas d’accident de voiture.
Ces interactions peuvent également avoir lieu depuis un chatbot, idéalement associé à une application mobile consacrée à la déclaration de sinistre. Bien d’autres domaines, où la relation client compte, peuvent profiter de ces imbrications. De même, il est possible de numériser des factures, d’en extraire des données avant de les analyser avec un traitement NLP pour commencer à remplir un livre de pré-comptabilité.
Sur son site Web, UiPath remarque que la combinaison de l’OCR et de la RPA, sans traitement de langage naturel n’apporte pas autant de valeurs, surtout quand le bot est déployé dans une architecture VDI. La compréhension du texte serait alors essentielle pour automatiser des tâches répétitives : d’où l’émergence du néologisme Smart OCR. Blue Prism et Automation Anywhere suivent la même voie en multipliant les partenariats avec les spécialistes de ces technologies, Google Cloud et ABBYY, entre autres. De son côté, dans son Magic Quadrant 2021, Gartner note que certains acteurs proposent également des fonctions de découverte automatique des processus, mais la plupart d’entre eux n’offraient pas de solutions OCR, NLP ou AutoML simples à intégrer.
L’évolution de la RPA vue par trois des plus gros éditeurs
En 2020, les principaux éditeurs évoquaient la naissance de la RPA et son évolution. À les entendre et à les lire, cette intrication entre l’intelligence artificielle et la RPA demeure en construction dans l’histoire de la technologie.
Pat Geary, Chief Evangelist chez Blue Prism :
Les origines de la RPA remontent pour moi à 2001, lorsque Alastair Bathgate et David Moss de Blue Prism ont commencé à vouloir créer une forme d’automatisation qui pourrait mettre fin aux inefficacités opérationnelles dans le secteur bancaire – un secteur où les humains effectuent beaucoup de tâches répétitives entre différents systèmes informatiques disséminés un peu partout dans l’entreprise.
En 2007, Blue Prism a résolu le vieux problème d’intégration et d’interopérabilité des systèmes, en transformant l’interface utilisateur en interface machine – et en créant ainsi une connectivité « sans code » entre n’importe quels systèmes.
Cette innovation a permis aux « travailleurs numériques » – les Digital Workers – d’accéder aux mêmes systèmes et d’utiliser les mêmes outils informatiques que les humains pour automatiser les processus entre n’importe quels outils existants (passé et présent) ou futurs.
Une autre avancée majeure a été de mettre la RPA directement entre les mains des utilisateurs métiers, ce qui impliquait qu’aucune compétence en programmation ne soit requise pour utiliser ce type de logiciel. Les Digital Workers de Blue Prism sont donc préconstruits, prêts à l’emploi, et il n’y a besoin d’aucune ligne de code pour « dessiner, créer et publier » des processus automatisés de manière aujourd’hui intuitive.
Daniel Dines, co-founder and CEO of UiPath :
Notre aventure a commencé en 2005, en Roumanie, dans un petit appartement de Bucarest. Nous avions une bibliothèque (library) d’automatisation d’interfaces graphiques (GUI) – c’était assez semblable à un kit de développement pour faire du « screen scraping » [N.D.R. : extraction d’information d’une interface et d’un écran]. Notre équipe était composée de 10 personnes.
Concrètement, cet outil de « screen scraping » permettait à un utilisateur de double-cliquer sur n’importe quel mot de son écran et d’accéder à une définition, un peu comme une fenêtre contextuelle ou une requête Google. De 2005 à 2011, la bibliothèque a été testée et utilisée sur des dizaines de millions d’ordinateurs par des clients comme IBM, Microsoft et Siemens. C’est cette grande base installée qui nous a permis de perfectionner notre solution et de la faire fonctionner avec n’importe quelle application Windows. L’outil était capable de « voir » les clics, d’analyser les formulaires et d’envoyer les informations à une base de données – c’était le début de l’automatisation telle que nous la connaissons.
Mais le changement fondamental a eu lieu lorsqu’un client nous a montrés comment il [utilisait notre librairie] pour apprendre à ses logiciels à imiter un utilisateur qui effectue des tâches basiques (comme la saisie de données) – et cela sans avoir besoin d’un ingénieur. […] Il nous a clairement dit qu’il s’agissait là de la meilleure façon d’utiliser notre technologie.
En 2012, notre équipe a vu l’opportunité de développer un produit plus adapté aux métiers. Et l’année suivante, nous sommes officiellement entrés sur le marché de la RPA. Notre première ligne de produits UiPath Desktop Automation s’appuyait sur la technologie Windows Workflow Foundation, ce qui était parfait pour nous, puisqu’elle rendait la solution fluide et facile à utiliser. Et dès 2013, nous avons connu notre première implémentation majeure lorsqu’un spécialiste mondial du BPO a utilisé notre solution afin d'automatiser plus de 50 processus pour l’un de ses plus gros clients IT.
Mihir Shukla, co-founder and CEO of Automation Anywhere :
J’ai passé ma carrière dans l’IT. J’ai occupé plusieurs postes de direction dans des entreprises Internet, dans le e-commerce électronique ou dans le sans-fil avant de me lancer dans l’automatisation intelligente.
En étant à l’origine ou dans les premières phases de plusieurs entreprises différentes, j’ai vu comment les tâches quotidiennes, répétitives pouvaient affecter les employés. Qu’il s’agisse de refaire manuellement le traitement d’une simple facture ou de saisir des données d’un système dans un autre. Je me suis dit qu’il devait y avoir une meilleure façon d’utiliser la technologie pour éliminer nombre de ces tâches tout en augmentant la productivité et l’efficacité – et en libérant dans le même temps les employés de leurs processus manuels les moins intéressants.
Mihir Shuklacofondateur et CEO, Automation Anywhere
En 2003, chez Tethys Solutions [maintenant Automation Anywhere], nous avons mis au point des technologies d’automatisation robotisée des processus pour éliminer ces tâches qui prennent du temps, même si le terme de RPA n’était pas encore défini. […] Notre slogan était « un robot sur chaque bureau ».
À l’époque, les robots logiciels étaient moins sophistiqués. Au début, la plupart d’entre eux pouvaient automatiser des petites tâches, une par une, sans gérer des processus de bout en bout. Ce n’est que plus tard que l’Intelligence Artificielle et des fonctionnalités de Machine Learning ont été ajoutées.
Qu’est-ce qui a fait passer la RPA à la vitesse supérieure ? Quatre choses se sont produites. Tout d’abord, la technologie a mûri et a pu s’attaquer à des déploiements plus importants et plus critiques. Deuxièmement, plus de milléniaux [ou millennials] sont entrés dans la vie active, et ils ont vu qu’il n’y avait pas d’intérêt à gérer des tâches banales et répétitives au travail [alors que la technologie pouvait le faire pour eux]. Troisième facteur clef, dans certains pays développés comme le Japon, les taux de natalité sont plus faibles, ce qui a obligé les entreprises à adopter de nouvelles technologies pour pallier une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Enfin, le monde était à la recherche du prochain relais de croissance. Et il l’a trouvé dans la robotique, tant matérielle que logicielle.