IFS veut sortir gagnant de la redistribution des cartes dans les ERP
IFS, mais aussi Workday et Microsoft affichent des taux de croissance totalement inhabituels sur un marché des ERP traditionnellement stable. Une vague de projets de renouvellement est en train d’émerger, dont SAP et Oracle pourraient être les principales victimes.
Avec un taux de croissance de quelques pour cent chaque année, le marché des ERP s’était assoupi ces dernières années après les grands déploiements des années 2000. La transformation numérique et l’essor du cloud pourraient bien remettre en cause la mainmise de SAP et Oracle sur l’ERP… Ainsi, au quatrième trimestre 2019, Microsoft annonçait un taux de croissance de 45 % pour son offre ERP Dynamics 365 tandis qu’un pure player cloud comme Workday surfe sur plus de 26 % de croissance par trimestre.
Ces chiffres détonnent alors que selon IDC la croissance du marché français de l’ERP ne devrait pas dépasser 3,5 % cette année. La volonté de SAP de faire migrer ses clients vers S/4HANA, mais aussi celle d’Oracle de pousser ses fidèles vers le cloud a clairement pour effet de faire bouger le marché… et pas nécessairement dans le sens souhaité par les leaders du marché.
Olivier Rafal, Vice-Président – Digital business innovations chez PAC – souligne : « le marché est un peu bousculé et, quitte à migrer, les entreprises évaluent les alternatives qui s’offrent à elles. Des éditeurs tels qu’IFS ou Workday profitent à plein de cet état d’esprit et arrivent avec des propositions de valeur séduisantes. On constate aussi cette tendance lorsqu’on regarde les partenariats des grandes ESN qui se sont élargis pour prendre en compte ces acteurs, parfois au même rang de partenaire stratégique que les autres ».
Pour PAC, le marché des services IT relatifs aux applications d’entreprise devrait connaître une croissance annuelle de l’offre de 5,4 % en France sur la période 2018-2024.
IFS sort du créneau des grosses PME
Selon Patrick Rahali, Directeur et Market Leader ERP au CXP, si le cycle de vente des ERP est traditionnellement long, « les annonces de SAP et d’Oracle accélèrent les processus de révision des SI et rebattent les cartes, offrant aux challengers (les autres éditeurs Tier 2) des opportunités en plus grand nombre ». L’expert estime que la poussée du cloud et du SaaS touche désormais les ERP quasiment comme les autres progiciels.
Et si les leaders tels que SAP et Oracle ont saisi la tendance au vol, Oracle s’emparant de NetSuite dès 2016, ils font désormais face à tous les éditeurs Tier 2 privilégiant aussi ce mode (Microsoft, Sage, Infor…) et bien évidemment les nouveaux entrants comme Workday, Rootstock.
Parmi les gagnants potentiels de cette redistribution des cartes, le Suédois IFS. Créé en 1983, l’éditeur a été acquis par EQT Partners en 2015 et connaît aujourd’hui une croissance plutôt soutenue. IFS affichait au troisième trimestre 2019 une croissance de l’offre de 47 % sur ses ventes de licences, +16 % sur la maintenance et un chiffre d’affaires en progression de 23 %.
Christophe CezeIFS
De plus, cette croissance ne s’est pas faite au détriment de la performance financière puisque dans le même temps l’EBITDA de l’éditeur progressait de 41 %. Les offres cloud connaissent une croissance des ventes supérieure à 60 %. « Pour la France, ces chiffres sont encore meilleurs », assure Christophe Ceze, directeur général pour la zone France/Benelux/Espagne/Portugal. Après 12 années passées chez SAP, celui-ci a rejoint IFS en début d’année et il souligne la différence de dynamique entre IFS et les éditeurs traditionnels : « le ratio du chiffre d’affaires est généralement de 80/20, avec 80 % du chiffre réalisé sur la base installée et 20 % sur les nouveaux clients. Chez IFS, c’est l’inverse. Nous tirons notre croissance à la fois de notre marché historique, les PME et grosses ETI, mais aussi maintenant auprès des grands comptes pour lesquels nous avons mis en place une structure qui leur est dédiée ».
Le Suédois embauche et sur les 50 postes ouverts sur sa zone gérée par Christophe Ceze, la France devrait réaliser 39 embauches cette année pour un effectif actuel de 130 personnes.
IFS parvient désormais à chiper des gros appels d’offres à SAP et Oracle. Outre Orange qui fit le choix d’IFS Applications en 2011 pour sa logistique, l’éditeur a séduit Air France KLM, le groupe La Poste avec plus de 20 000 utilisateurs, Technip avec plus de 10 000 utilisateurs et encore Spie pour 26 000 utilisateurs. Le choix d’IFS par l’entreprise de travaux publics pour la France et les Pays-Bas, un contrat à plus de 10 millions d’euros, est une victoire symbolique pour IFS car Spie Allemagne reste une grosse référence SAP.
Pour accompagner cette croissance auprès du CAC40, IFS France embauche pour traiter ces clients en direct, mais développe aussi son réseau de grands intégrateurs. Outre Capgemini, fidèle à IFS depuis 2015, le Suédois a convaincu DXC, Bearing Point et Accenture à se rallier à son étendard violet.
L’éditeur qui réalisait 606 millions de dollars de chiffre d’affaires en 2018 a relevé ses prévisions à 711 millions de dollars pour cette année et vise 860 millions de dollars pour 2021. Le Suédois compte bien profiter d’un marché où les entreprises se voient contraintes de moderniser des infrastructures ERP vieillissantes.
« Historiquement, SAP et Oracle sont très présents chez les grands comptes », reconnaît Christophe Ceze : « SAP reste le leader incontesté chez les grands comptes, mais depuis quelques années Oracle baisse et les entreprises font aujourd’hui face à des échéances et au besoin de mener d’importantes migrations de systèmes arrivés en fin de vie. Elles se reposent la question de l’opportunité d’avoir un système unique pour gérer l’ensemble de leurs activités ».
IFS est-il condamné au rôle de challenger ?
Christophe CezeIFS
IFS espère remettre en cause l’ERP omnipotent pour pouvoir se faire dans le système d’information des entreprises. « Les DSI aiment avoir une alternative et nous sommes bien positionnés sur nos 5 marchés cibles », ajoute le directeur marketing. La force, mais aussi la faiblesse d’IFS, c’est que son catalogue d’offres est bien évidemment plus restreint que ceux de SAP et d’Oracle.
L’ERP représente 80 % de l’activité de l’éditeur, le reste se partageant entre la gestion des services (ESM, Enterprise Service Management) et la gestion d’actifs (EAM), mais outre d’éventuelles acquisitions à l’image de celle de Mxi Technologies en 2017, IFS doit jouer le rôle de challenger et concentre ses efforts sur 5 marchés : le marché aéronautique/défense, l’énergie, l’engineering, le Manufacturing et les services.
« Nous avons une approche ERP, mais nous rivalisons avec les Best-of-Breed dans de nombreux domaines. C’est notamment ce qui nous a permis de décrocher SBM Offshore pour la qualité de notre solution de gestion de projet, pour donner un exemple. Nous allons très loin dans les fonctionnalités de nous proposons ».
IFS dispose sans nul doute d’une bonne image en France, mais semble très lié au secteur industriel et beaucoup moins présent dans le secteur de services qui pèse bien plus dans l’hexagone.
« IFS connaît une croissance continue depuis une dizaine d’années, c’est une entreprise suédoise dont la réputation est bonne », confirme Patrick Rahali qui ajoute : « à l’international, IFS ne cible pas que les entreprises industrielles comme c’est le cas en France. L’éditeur propose en Europe du Nord plusieurs offres pour le secteur de la distribution et le Retail notamment, mais au-delà de la croissance systémique des marchés et de l’IT, les principaux secteurs couverts par IFS sont les plus dynamiques dans la transformation numérique…, avec notamment l’automobile, l’aéronautique, la défense, et plus globalement le manufacturing avec des projets autour de l’IoT, de l’IA, de la blockchain ».
Outre ces projets avancés sur lesquels le Suédois communique beaucoup, IFS cherche à se différencier aux yeux des DSI par une approche que Christophe Ceze aime à qualifier de « nordique », c’est-à-dire ne pas contraindre le client à opter pour le cloud et à imposer le portefeuille IFS sur l’ensemble d’un appel d’offres si certaines briques sont moins performantes : « nous ne voulons pas imposer à nos clients une base de données ou de basculer dans le cloud pour bénéficier des nouvelles fonctionnalités. La même version d’IFS est disponible sur le cloud et en on-premise, le client garde totalement le choix de son modèle de déploiement ».
La R&D de l’éditeur travaille notamment au portage de son catalogue sur Kubernetes afin d’accroître encore la portabilité de ses offres et permettre au DSI d’opter pour le cloud de son choix pour déployer IFS, qu’il s’agisse de son cloud interne ou d’un cloud public quelconque du marché. Là encore, la liberté donnée aux clients distingue IFS de ses grands concurrents.