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Routage réseau : trois startups menacent de renverser Juniper et Cisco
Arrcus, DriveNets et Volta Networks arrivent pour proposer aux opérateurs, aux fournisseurs de cloud et aux entreprises multisite, du réseau qui fonctionne à partir d’équipements en marque blanche.
IDC vient d’identifier trois startups – Arrcus, DriveNets et Volta Networks – susceptibles de réinventer le routage réseau. Les technologies qu’elles mettent au point servent à interconnecter plus facilement des datacenters. Leurs solutions, qui concurrencent les routeurs de Cisco et Juniper, sont susceptibles d’intéresser les entreprises qui ont plusieurs sites géographiques, les fournisseurs de datacenters en colocation qui commercialisent des liens privés directs entre les SI des entreprises et des services en cloud, ou encore les fournisseurs d’applications SaaS reliées à des services en ligne tierce.
Parmi toutes les startups qui planchent sur les technologies réseau, la firme de conseil IDC a retenu ces trois-là pour leur capacité à découpler la couche logicielle dédiée au routage des équipements physiques. Leurs solutions permettent d’exécuter des fonctions de routage pointues à partir de matériels en marque blanche, juste dotés de puces réseau comme celles de Broadcom ou d’Intel.
« Il devient dès lors possible d’assembler des réseaux comme des Legos, avec des briques standard et le même logiciel sur tous les sites, ce qui réduit les coûts, à commencer par celui d’administrer l’ensemble des routeurs », commente Brad Casemore, analyste chez IDC.
Il indique que si Cisco et Juniper s’efforcent eux aussi de découpler logiciels de routage et matériels depuis près de dix ans, notamment via le rachat de startups, l’approche des trois startups identifiées crée une rupture. Les technologies qu’elles ont mises au point s’adressent d’abord aux fournisseurs de services, pour qu’ils embarquent plus facilement leurs offres avec celles d’autres prestataires, alors que les acteurs historiques ont plutôt vocation à imposer leurs fonctions de routage sur les services des prestataires.
Un OS multiprotocole, du routage en container et une administration en cloud
Arrcus a écrit un système d’exploitation réseau, ArcOS, avec l’ambition de prendre en charge un maximum de protocoles de routage. Il va par exemple jusqu’à intégrer le protocole LSVR (Link State Vector Routing) qu’utilisent les hyperscalers AWS, Azure et autres GCP pour mettre à jour tout leur réseau quand une modification apparaît sur un segment.
ArcOS a aussi le mérite de supporter tous les derniers contrôleurs de Broadcom : Trident 3, Tomahawk 3, Jericho+ et Jericho2, ce dernier servant à router des paquets sur des liens 100 et 400 Gbit/s.
Basé à San José, en Californie, Arrcus salarie 60 personnes et a levé 45 millions de dollars.
DriveNets développe pour sa part un logiciel de routage en container facilement intégrable à tout boîtier réseau en marque blanche. Sa solution doit permettre à des opérateurs de router leurs communications à partir d’un cluster d’équipements banalisés. L’avantage du logiciel de DriveNets est qu’il est élastique et permet de construire des clusters de toute taille, facilement extensibles.
« La solution de DriveNets tombe à point pour les opérateurs qui souhaitent refaire le design de certains systèmes de contrôle ou de certains processus de télécommunications. Le revers de la médaille, en revanche, est que ce besoin n’est pas fréquent », dit Brad Casemore.
DriveNets est basé en Israël. La société embauche 200 salariés et a levé 117 millions de dollars.
Volta Networks, enfin, a mis au point un système d’administration, hébergé en cloud, capable de prendre le contrôle de switches et de routeurs sur sites. Son intérêt est de pouvoir configurer jusqu’à 255 routeurs virtuels sur un simple switch ou, dit autrement, de fournir de vraies fonctions de routage dans des succursales à partir d’un équipement réseau le moins cher possible. Selon IDC, la technologie de Volta Networks pourrait notamment servir à déployer des réseaux 5G privés sur des sites industriels.
Volta Networks est une société américaine, basée dans le Massachusetts, qui emploie 51 personnes et a levé 3,3 millions de dollars.
Cisco et Juniper menacés par les équipements en marque blanche
Cela fait désormais plusieurs années que les grandes entreprises d’Internet, comme Amazon, Facebook, Google ou Microsoft, mais aussi les banques, ont déployé des systèmes de routage virtuels à partir d’équipements en marque blanche. Selon IDC, cela a eu pour conséquence de faire brutalement chuter, en 2018, les ventes de switches de marque Cisco et Juniper. Les analystes estiment qu’un phénomène similaire va désormais se produire avec les équipements de cœur de réseau.
« Les entreprises se sont rendu compte que l’on pouvait faire du réseau avec des appareils en marque blanche. Elles sont prêtes à présent à généraliser ce modèle », commente Roy Chua, analyste chez AvidThink.
« Le point déterminant est surtout que les telcos considèrent désormais eux-mêmes l’utilisation de boîtiers en marque blanche, avec du routage uniquement logiciel, afin de construire rapidement leurs nouveaux réseaux 5G. Les déploiements qu’ils vont mener en 2020 et 2021 seront intéressants à regarder », ajoute Lee Doyle, analyste chez Doyle Research.
Si IDC voit effectivement les ventes de routeurs Cisco et Juniper déjà chuter, il s’agit néanmoins pour l’instant des conséquences des politiques de restriction menées par les opérateurs. Ceux-ci, ayant revu à la baisse les opportunités commerciales que pouvait encore leur offrir le haut débit, ne sont pas non plus allés se fournir chez d’autres équipementiers. Mais Brad Casemore pense que l’arrivée de la 5G va nécessairement relancer la dynamique d’achat.
« Dès lors, ces startups se posent comme des alternatives sérieuses aux géants des réseaux. À moins, bien entendu, que Cisco et Juniper se décident à les racheter », conclut l’analyste d’IDC.