Conversational AI : la vision du chatbot par SAP
SAP veut infuser des agents conversationnels dans l'ensemble de ses produits. Pour ce faire, elle compte sur son bras armé : Conversational AI. Après le rachat de la startup française Recast.AI en janvier 2018, l'entité est enfin en ordre de marche.
Au début de l’année 2018, SAP a fait l’acquisition de Recast.AI, une startup française qui développe un outil de conception de chatbots. Cependant, l’éditeur disposait déjà d’une équipe dédiée en interne : Copilot. Cela a entraîné une réorganisation humaine et technique qui a duré près d’un an.
Cette transition ne fut pas sans conséquence pour certains. Florian Cazeres, directeur de l’innovation et des technologies SAP chez Vinci Energies explique : « L’année dernière, au moment de l’acquisition, nous attendions la feuille de route afin de débuter le développement d’un agent conversationnel. Malheureusement, il n’y avait pas de visibilité en ce qui concerne l’architecture technique. Nous avons finalement mis ce projet en attente ».
Une réorganisation laborieuse
Conversational AI n’existait pas. SAP devait déterminer avec les équipes de Recast.AI et CoPilot comment proposer un tout cohérent. « Techniquement, Recast s’appuie sur le machine learning et la compréhension du langage naturel (NLU). Copilot proposait également un moyen de construire des chatbots, mais n’intégrait pas ces technologies. En revanche, les développeurs connaissent parfaitement l’environnement SAP et les standards industriels, ce qui n’était pas notre cas. Il y avait donc une forte complémentarité entre les deux produits », déclare Omar Biran, directeur général de la nouvelle entité et fondateur de la startup française.
En janvier 2019, l’éditeur a décidé de fusionner les produits. « Nous avons construit une seule équipe, 120 personnes au total, puis publié une feuille de route commune en avril 2019 pour finalement proposer une offre unique sous l’entité Conversational AI en juin », précise le directeur.
Avant cette fusion, quelques clients avaient commencé à développer à l’aide de Copilot. « Nous devions donc les faire migrer vers la nouvelle plateforme. Le temps de développer un nouvel outil d’automatisation, nous aurions terminé l’opération manuellement. Nous avons choisi la seconde solution et nous les avons aidés dans cette transition », déclare-t-il.
SAP Conversational AI prône le Low Code/No Code
Conversational AI se concentre sur la conception d’agents textuels. La plateforme utilise des algorithmes de Natural Language Processing (NLP) multilingues déployés dans le cloud afin de fournir la réponse à une demande. Afin de construire un chatbot, le développeur doit connecter la base de données à l’outil. Pour cela, il utilise généralement un SDK NodeJS. Les objets stockés sont codés en JSON afin que l’API de NLP puisse interagir avec eux. Pour la gestion de la voix, la plateforme utilise du speech to text et du text to speech. « Nos clients les connectent aux connecteurs des assistants vocaux comme Cortana, Alexa ou Google Assistant ». Il est également possible d’automatiser certaines interactions en faisant appel à un agent RPA par le biais d’une API.
Par ailleurs, la dernière mise à jour présentée au SAP TechED de Barcelone intègre un système natif d’authentification unique (SSO), une meilleure connexion à la plupart des services SAP depuis Cloud Platform, et le moyen d’améliorer l’interface à l’aide de Fiori. Enfin, il est possible de générer automatiquement des bots pour des foires aux questions et pour présenter des données opérationnelles, ou d’améliorer les interactions entre les bots.
Dans l’environnement SAP ou non, Conversational AI minimise le besoin d’écrire du code. La division veut notamment automatiser la configuration NodeJS. « Nous fournissons une interface visuelle pour simplifier la conception des agents conversationnels et réduire de manière significative, voire supprimer la nécessité d’intégrer des bouts de code », assure Omar Biran.
Ces chatbots, aisés à construire en principe, visent à améliorer l’expérience des clients dans leurs parcours d’achat ou bien à aider un commercial à détecter un prospect « enthousiaste ». Par exemple, le livreur de nourriture Deliveroo a développé un agent pour donner à ses clients le statut de leur commande sur la messagerie Telegram. Celui-ci est installé sur SAP Cloud Platform et est connecté à S4/HANA Cloud.
L’autre apport de cette technologie pour l’éditeur, c’est l’amélioration de l’expérience utilisateur au sein de son propre écosystème de solutions. « Tous les clients de SAP nous disent que les applications sont trop complexes pour un utilisateur occasionnel. Un bot peut compléter le client graphique GUI », considère le responsable. Nestlé, en a ainsi développé un pour ses responsables des ressources humaines. Le cœur de l’application installée sur Cloud Platform fait appel aux données stockées sur site et dans Microsoft Azure afin de rendre des rapports infographiques sur les effectifs de la société, depuis SAPUI5.
Le « marché naissant » des chatbots doit encore faire ses preuves
Comme l’indique la documentation liée à la dernière mise à jour, les divisions Succesfactors, S4/HANA, Leonardo, ou bien Cloud for Customers « consomment les technologies Conversationnal IA » dans le but d’intégrer nativement ces fenêtres de discussion avec un robot. « Il y a là une stratégie de commercialisation forte. À nos débuts, nous avons essayé de développer nous-mêmes auprès de nos interlocuteurs, mais sans connaissance des applications déployées et des données disponibles, c’est impossible de réussir. Nous intervenons principalement en support des équipes allouées », affirme Omar Biran.
Avec Qualtrics, SAP va plus loin. Le spécialiste de la mesure de la satisfaction client racheté par la société allemande utilise la solution pour collecter directement les avis des utilisateurs. Elle analyse aussi les métadonnées afin de détecter leurs émotions à partir des mots qu’ils emploient. L’équipe dédiée étudie la possibilité de faire la même chose à partir de la voix.
Conversational AI s’inscrit donc dans la stratégie « experience company » vantée par Juergen Mueller, le CTO de SAP. Poussée par une forte communauté (plus de 60 000 développeurs), la solution ouverte rassemble plus de 100 000 agents conversationnels. Toutefois, il est bon de rappeler que l’outil est actuellement entre les mains d’une cinquantaine d’acquéreurs directs et de quelques entreprises de manière indirecte. Alors que certains font part de leur réticence quant à la pertinence de la technologie, les fournisseurs développent leur propre solution.
« C’est un marché naissant. Je pense que la plupart des acteurs comme nous, Microsoft, ServiceNow ou encore Salesforce va intégrer des chatbots dans leurs produits. Les clients ne chercheront sans doute pas à exporter une technologie d’une plateforme vers une autre », conclut le directeur général.