Stockage : Western Digital cède ses baies IntelliFlash à DDN
Le fabricant de disques durs n’a manifestement pas réussi à concurrencer ses propres clients sur les SAN et NAS. Pour DDN, l’opportunité est de peser plus lourd face aux ténors du stockage.
Western Digital cède sa gamme de baies de disques IntelliFlash à son concurrent DDN. Il annonce même sa volonté de sortir totalement du marché des solutions de stockage pour datacenters, ce qui suggère que son autre gamme, les baies d’archivage ActiveScale, ne restera pas longtemps dans son catalogue.
Dans un communiqué, Western Digital explique vouloir se recentrer sur la seule fourniture de disques aux fabricants de baies de stockage. Dans le cadre de leur accord, DDN s’engage d’ailleurs à préférer acheter chez Western Digital les disques durs, disques SSD et autres unités NVMe qui composent ses solutions.
« Western Digital n’a fait que suivre la stratégie de son rival Seagate, qui fabrique lui aussi des disques durs, a voulu se diversifier en vendant des baies complètes et a finalement abandonné cette nouvelle activité faute de revenus », commente l’analyste Tim Stammers, du bureau 451 Research, au micro de nos confrères de TechTarget USA.
« En même temps, c’est un peu comme si un fabricant de pneus se mettait à construire des voitures : qui les lui achèterait ? Et, pire, est-ce que les constructeurs automobiles continueraient de lui acheter des pneus ? », ajoute-t-il.
Rappelons que Western Digital n’avait créé ni les baies IntelliFlash ni les systèmes de stockage objet ActiveScale, mais se les était appropriées en rachetant respectivement le constructeur Tegile en 2017 et l’éditeur Amplidata en 2015. Sa stratégie était alors d’élargir son activité de fabrication de médias de stockage avec la vente de produits finaux, dans l’idée d’augmenter significativement ses marges.
Mais les résultats escomptés n’ont manifestement pas été au rendez-vous : Western Digital affichait cet été un CA annuel de 16,6 milliards de dollars, soit une chute de 19 % par rapport à l’année dernière. Qui plus est, 80 % de ce CA correspondent à la vente de disques durs seuls. Des chiffres qui corroborent l’analyse de Tim Stammers selon laquelle concurrencer ses propres clients serait contreproductif.
Récemment, Western Digital a annoncé de nouveaux disques Ultrastar DC hautes capacités. Le disque mécanique, gorgé d’hélium, HC650 offre 20 To en 3,5 pouces. Le SSD SN640, à base de NAND TLC 3D en 64 couches, existe quant à lui aux formats 2,5 pouces en 7,68 To et M.2 en 3,84 To. Cette seconde version est par ailleurs livrable en huit exemplaires raccordés ensemble dans un format allongé E1.L, qui présente une seule unité de 30,72 To.
IntelliFlash, des baies orientées bases de données qui complètent l’offre DDN
L’annonce de l’arrêt de l’activité datacenters a néanmoins surpris tous les observateurs puisque Western Digital venait tout juste d’améliorer ses baies de disques, avec la ferme ambition de peser plus lourd sur un marché des solutions de stockage externes où règnent Dell EMC (39,9 % de parts de marché), HPE (11,7 %), NetApp (10,8 %), IBM (7,1 %) et Hitachi (6,9 %), selon IDC.
Cet été, Western Digital enrichissait ainsi les IntelliFlash, des baies qui servent aussi bien de NAS que de SAN, avec deux nouveaux modèles. Dans la série N, c’est-à-dire la gamme la plus rapide avec un cache sur barrettes NVDIMM, le N5100 en 2U se positionne comme une solution économique mais entièrement dotée d’unités NVMe. Il atteint 400 To de capacité, avec une latence de 200 microsecondes et une vitesse de 400 000 IOPS. Les autres modèles sont les N5200 (800 000 IOPS, 1,4 Po de capacité) et N5800 (1,7 million d’IOPS et 2,5 To), avec la même latence.
Dans la série HD, celle qui se veut la plus capacitive, le nouveau HD2160 dispose à présent de 24 disques SSD de 15,3 To chacun, soit 368 To de capacité brute dans le boîtier 2U de base, donnant 2,58 Po après déduplication et extensibles à 10 Po avec des tiroirs de disques SAS qui portent sa taille totale à 14U. Les autres modèles sont les HD2040 (SSD de 3,8 To) et HD 2080 (SSD de 7,6 To). Tous affichent une latence de l’ordre de 1 milliseconde.
Simultanément, le système d’exploitation de ces baies, IntelliFlash OE, a été mis à jour en une version 3.10 dans laquelle le dispositif de transfert des données, comme la répartition entre informations et métadonnées ont été entièrement réécrits. De manière générale, cette version double le nombre d’IOPS, augmente de 50 % les débits en Go/s et réduit d’un cinquième la latence. IntelliFlash OE se dote par ailleurs d’un nouveau connecteur S3 qui permet aux baies d’exporter leurs snapshots (images à un instant T du contenu) vers des systèmes de stockage objet, comme le service S3 d’AWS en ligne ou les baies ActiveScale.
Enfin, Western Digital obtenait dans le même temps la certification de SAP qui validait l’utilisation des baies IntelliFlash avec sa base de données en mémoire Hana.
Ces produits satisfont l’appétit démesuré et tout récent de DDN, alias DataDirect Networks. En effet, alors qu’il est historiquement un fournisseur de baies de disques dédiées à la niche des supercalculateurs, DDN a, coup sur coup, réalisé plusieurs acquisitions ces derniers mois pour concurrencer frontalement les offres des grands du stockage.
Il y a un an, DDN rachetait Tintri, un fabriquant de baies SAN avec des fonctions de réplication, de tiering vers le cloud et de qualité de service compatibles avec tous les hyperviseurs. Ses baies EC6000 peuvent être groupées par lot de 64 systèmes, pour offrir 41 Po d’espace de stockage à 480 000 VMs. En mai de cette année, il mettait la main sur Nexenta et son système de SDS, NexentaStor, lequel apportait à son portefeuille de solutions les fonctions d’un NAS hautement élastique. En août, il développait des offres communes dans le but de simplifier l’administration pour rendre ses offres de stockages plus accessibles aux entreprises.
« Tintri nous a apporté le stockage pour les machines virtuelles, Nexenta des services de haut de niveau. Il nous manquait une solution Flash hautes performances à la fois SAN et NAS pour servir tous types de bases de données, c’est ce que nous apporte la gamme IntelliFlash », déclare Kurt Kuchein, le patron du marketing chez DDN, au micro de nos confrères de TechTarget USA. Le constructeur se targue de compter à présent plus de 10 000 clients et plus de 500 distributeurs dans le monde.
Un avenir incertain pour les autres nœuds de stockage toujours en vente
Reste à savoir qui héritera de la gamme ActiveScale. A priori pas DDN, puisqu’il dispose déjà à son catalogue d’appliances WOS (Web Object Scale) qui répondent aux mêmes besoins. La gamme ActiveScale avait elle aussi bénéficié d’améliorations l’été dernier avec l’arrivée d’un nouvel système, ActiveScale OS 5.5, dont les ajouts rappellent ceux d’IntelliFlash OE 3.10 : les données sont désormais copiables sur des ressources externes et le système accélère la baie ActiveScale X100 en lui offrant un débit de 75 Go/s.
Une autre inconnue est le devenir des solutions de stockage intermédiaires, à savoir les tiroirs de disques, nœuds de stockage et autres nœuds OpenFlex pour infrastructures hyperconvergées, soit toute la gamme Storage Platforms de Western Digital. A la différence des baies IntelliFlash et ActiveScale, ces équipements sont purement matériels ; ils sont livrés sans OS et se destinent à être vendus sous marque blanche dans les bundles des fabricants de serveurs. Néanmoins, ils concurrencent aussi, dans une moindre mesure, des produits qui pourraient être équipés en disques Western Digital.
Dans cette catégorie, Western Digital a récemment investi dans le rachat de Kazan Networks, une startup qui se spécialise dans les contrôleurs Fiber Channel et iSCSI. A priori, celle-ci devrait fournir aux modules de la famille Storage Platforms de quoi fonctionner en NVMe-over-Fabrics, plus précisément en NVMe-over-RoCE selon plusieurs sources.
« En recentrant nos ressources sur notre activité Storage Platforms, nous avons la certitude que le catalogue de Western Digital sera mieux positionné pour répondre de manière significative aux nouvelles demandes du marché », dit Mike Cordano, le directeur général de Western Digital, dans son communiqué. Mais, en même temps, fournir des produits plus adaptés était aussi l’argumentaire développé dans un autre communiqué : celui de juillet, consacré au lancement des nouvelles IntelliFlash.