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Infor : « Nous battons SAP, même en Allemagne »
Plus SaaS, plus ouvert, plus complet avec des suites micro-verticalisées, l'éditeur new-yorkais d'ERP et d'application revendique de plus en plus de victoires contre Oracle et surtout SAP.
Nouvelle Orléans - Lors de l'Inforum 2019, l'évènement annuel d'Infor qui se tenait cette semaine à la Nouvelle Orléans, LeMagIT a pu échanger avec la nouvelle direction générale de l’éditeur New-Yorkais d’ERP et d'applications métiers (EAM, HCM, PLM) sur sa concurrence avec SAP et Oracle.
La stratégie de SAP : un cadeau selon Infor
Malgré sa plus faible notoriété - qu'il identifie lui même comme une de ses faiblesses - Infor revendique de plus en plus de victoires contre les deux géants du secteur.
« L'Allemagne, où vous pourriez penser que SAP est dominant, est notre plus gros marché et celui qui connait la croissance la plus rapide en dehors des Etats-Unis », répond sans détour Cormac Watters, le responsable « monde hors Etats-Unis » d'Infor. « Nous gagnons de nombreux deals contre SAP. [...] En Allemagne, nous sommes souvent face à eux, et nous gagnons beaucoup plus souvent que ce que les gens pensent probablement ».
La fin du support de l'ERP traditionnel de SAP et la volonté de pousser les clients dans le cloud (S/4HANA) sont vues par Oracle comme un « cadeau de SAP ». Infor fait exactement la même analyse.
« Vous savez, auparavant, j'étais chez SAP. Mais j'ai rejoint Infor justement à cause de ces ruptures annoncées liées la fin du support », lance Cormac Watters.
Après le CRM et le SIRH/HCM, le cloud redistribue doucement mais surement les cartes dans l'ERP. Mais la stratégie de SAP - qui s'apparente à une marche forcée - ne tiendrait pas compte des rythmes d'adoption et des maturités qui diffèrent, industrie par industrie.
Infor se targue de proposer des solutions « nées dans le cloud » qu'il vante comme plus complètes, plus personnalisées (avec ses micro-verticaux), plus simples et plus rapides à déployer que les SaaS de ses concurrents. Pour autant, il ne veut pas brusquer ses clients. Sous-entendu, il ne veut pas faire l'erreur de SAP.
Kevin SamuelsonPDG d'Infor
« Nous avons une approche différente », avance Kevin Samuelson, PDG d'Infor. « Lorsque nous regardons notre base installée, nous voyons une grande diversité dans la rapidité à laquelle les industries vont vers le cloud. Le secteur de la santé (N.D.T. : « Healthcare ») a migré très rapidement (près d'un quart y est déjà). Mais dans l'industrie manufacturière, nous venons tout juste d'atteindre le point de basculement [il y a 6 à 9 mois], celui où les produits disponibles sont suffisamment robustes et riches pour gérer les processus et les chaînes d'approvisionnement très complexes de ce secteur », répond-il au MagIT.
« Or dans cent jours, nous serons déjà en 2020 », continue le président d'Infor. « Et je ne vois pas comment, dans cinq ans, toutes ces industries pourraient être dans le cloud [comme le souhaite SAP] ».
Comme d'autres, la direction d'Infor aime à souligner à loisir la pression que SAP met sur ses clients pour mieux s'en démarquer. « Je ne pense pas que nous obligerons un jour nos clients à adopter une technologie à laquelle ils ne sont pas prêts », affirme Kevin Samuelson. « Et pour ceux qui ne sont pas contents d'être forcés à faire ce qu'ils ne veulent pas, nous serons très heureux de les accueillir et de les emmener vers un système cloud un peu plus ouvert », ironise-t-il dans un sourire.
« C'est vraiment symptomatique de voir ce mouvement très anti-"S/4HANA en 2025", et particulièrement en Allemagne », renchérit Cormac Watters, « Quand je dis que chaque client SAP vient voir Infor... je n'exagère pas ».
Infor plus fort qu'Oracle ?
Cormac WattersInfor
Pour Kevin Samuelson, Oracle serait même devenu un concurrent bien plus redoutable. « De mon point de vue, dans le Core ERP, Oracle est probablement devant SAP dans le cloud [...] Oracle est certainement, et de manière surprenante, plus innovant et plus un concurrent pour nous que SAP. »
« Mais nous rivalisons avec Oracle et nous les battons aussi », assure Cormac Watters au MagIT.
Son PDG acquiesce. « Nous avons des taux de succès qui sont à notre avantage contre les deux. Notre stratégie de spécialisation par industrie trouve un vrai écho dans les entreprises. Si vous voulez aller dans le cloud - et laisser derrière vous toutes ces personnalisations faites sur des versions vieilles de plusieurs dizaines d'années - vous n'avez pas beaucoup de choix. Il n'y a pas assez de fonctionnalités dans la plate-forme d'Oracle, contrairement à la nôtre. Et c'est la même chose pour SAP. »
L'atout cloud
Le virage du cloud est, en tout cas, au cœur de la dynamique d'Infor qui est passé d'un éditeur mono-produit (pour l'industrie laitière) en 2002 à une multinationale qui réalise plus de 3 Md$ de chiffres d'affaires avec 12 CloudSuites et 60 000 clients.
« Et nous, nous avons un vrai cloud public - ce n'est pas juste une version sur site hébergée », ré-attaque Cormac Watters. « Il est important de voir que nos forces, notre connaissances des métiers et des industries que nous adressons, et nos capacités d'intégration, tout cela est jumelé avec les atouts d'AWS »
Du côté du Board d'Infor, ou siège depuis deux ans et demi un géant industriel américain (Koch), le cloud est vu comme « un changement de génération dans les systèmes ».
« Certes, il se peut que nos clients existants [sur site] se tournent vers d'autres éditeurs, mais nous voyons surtout beaucoup de clients - de JD Edwards, de PeopleSoft, et de SAP - venir nous voir et nous dire : "nous allons redéployer nos technologies, nous envisageons le cloud, nous voulons saisir cette occasion qui n'arrive qu'une fois tous les 20 ans pour regarder ce qui existe », raconte Jim Hannan, EVP et CEO de Koch Enterprises.
« Ce sont des opportunités de nouveaux clients qui s'ouvrent à nous dans toutes nos industries cibles [...] Au final nous devrions gagner des parts de marché », promet-il.
Pour mémoire, Koch est un industriel américain qui a investi plusieurs milliards de dollars dans Infor tout en étant un de ses clients les plus importants.
« La façon dont je vois les choses, en tant qu'investisseur, c'est que si nous ne profitons pas [de la situation], nous ne pourrons nous en prendre qu'à nous mêmes. Si SAP dit à tout le monde qu'ils vont faire quelque chose de différent, nous avons tout intérêt à être présents. Il faut que l'on aborde cela de la bonne façon », prévient Jim Hannan, comme pour rappeler que chez Koch les promesses sont faites pour être tenues.
L'atout ouverture
L'affaire des accès indirects de SAP est aussi du pain béni pour Infor qui met, en contrepoint, sa stratégie d'intégration.
« Une des raisons qui fait que nous réussissons - et de mieux en mieux - c'est que nous sommes très ouverts aux produits qui ne sont pas du Infor, parce que c'est la situation des clients », appuie Cormac Watters. « Contrairement à un SAP ou à un Oracle, nous n'attendons pas de vous que vous soyez tout "bleu" ou tout "rouge" [NDR : couleurs respectives de SAP et de Oracle] ».
Cormac WattersInfor
« Nous nous appuyons sur une technologie (NDR : Infor OS et Infor iON) qui intègre nos suites entre elles, mais aussi nous suites avec d'autres suites », poursuit-il.
De fait, Infor s'est récemment doté d'un Data Lake capable de recueillir les données de multiples applications, sources et capteurs (IoT), comme le rappelle le CTO de l'éditeur, Soma Somasundaram.
Cette ouverture, qui serait un différenciateur clef d'Infor, passe également par ses connecteurs. « Nous avons nos propres applications "best of breed", mais si le client utilise des applications tierces, nous avons des connecteurs », souligne Soma Somasundaram. « A titre d'exemple, nous en avons un pour Salesforce et un autre pour Microsoft Dynamics. Nous en avons même un pour E-business Suite ! [...] En sens inverse, si une entreprise a un ERP non Infor et qu'elle veut le compléter avec nos applications métiers - comme Infor EAM, nous pouvons aussi faire cette intégration. »
Et en France ?
Reste qu'en France, la situation est légèrement différente. SAP bénéfice d'un très fort écosystème de partenaires. Quant à Oracle, Infor France indique qu'il ne le rencontre quasiment jamais en « short list » dans le cloud. Non pas que le produit soit mauvais, mais Oracle viserait plus le secteur tertiaire dans le pays.
Aujourd'hui, Infor France revendique un taux de réussite de 50 % contre SAP sur les appels d'offre de nouveaux clients pour le cloud alors « qu'il y a deux ans et demi, on ne gagnait quasiment pas » explique Jean-Lucien Meunier, responsable commercial ERP/SCM pour la filiale.
Quant à la maturité du cloud en France pour l'ERP, « tous les clients et prospects en parlent », assure Jean-Lucien Meunier. Mais, tempère-t-il, les freins existent encore que ce soit sur le manque d'habitude des montées de versions, le partenariat avec AWS pour certains distributeurs (« certains », insiste bien le responsable commercial), ou encore le Cloud Act.
« Le SaaS, c'est le sens du marché », conclue Jean-Lucien Meunier. « Après, tout le monde dit qu'il a un ERP cloud, qu'il y met des best practices. Mais il y a ceux qui ont les bonnes pratiques dans le discours et ceux qui les ont aussi dans le produit » tacle le responsable français qui ne citera personne nommément. Mais la cible semble claire : les éditeurs d'un seul ERP SaaS censé répondre à tous les besoins de tous les secteurs (SAP et Oracle en tête).